Les banques françaises vent debout contre une taxe, défendue par Michel Barnier

Le commissaire européen au Marché intérieur, Michel Barnier souhaite l'instauration d'une taxe sur les banques. A ses yeux, il serait "logique" que les banques d'investissement y contribuent à un plus haut degré que les banques de dépôt. La Fédération bancaire française s'élève au contraire contre le projet d'une telle taxe.

Le secteur financier doit assumer sa responsabilité dans la crise actuelle par l'instauration d'une taxe bancaire dont le montant ne devra pas être symbolique, a déclaré ce jeudi à l'agence Reuters le commissaire européen au Marché intérieur, Michel Barnier. Il serait "logique" que les banques d'investissement y contribuent à un plus haut degré que les banques de dépôt.

"Parce que la crise n'a pas été symbolique, si on fait une contribution, elle ne peut pas être symbolique", a-t-il dit. "Le secteur financier a provoqué la crise, il doit assumer ses responsabilités.

Michel Barnier doit présenter vendredi une série de pistes en la matière aux ministres des Finances de l'Union européenne, lors du conseil Ecofin informel de Madrid. "La prévention coûte moins cher que la réparation", a-t-il fait valoir. "La question d'un prélèvement, d'une taxe ou d'une contribution du secteur bancaire est l'un des outils de prévention pour que les citoyens ne soient plus en première ligne."

Selon ses projets, il pourrait s'agir d'un fonds de résolution unique ou de plusieurs fonds coordonnés et mutualisables au niveau européen. Ce mécanisme de résolution des crises devrait par ailleurs comprendre un pouvoir d'intervention pour les futures autorités européennes de supervision, visant la direction, les actionnaires et les rémunérations dans une banque donnée.

Une harmonisation des régimes de faillite et une modification de la culture du risque dans les entreprises, en particulier dans le secteur financier, doit aussi avoir lieu. L'instauration d'une telle taxe en Europe n'est pas incompatible avec la création d'une taxe internationale sur les transactions financières, actuellement examinée par le Fonds monétaire international (FMI) selon Michel Barnier.

DIALOGUE SANS NAÏVETÉ AVEC WASHINGTON

Le commissaire européen s'inquiète par ailleurs d'un retour aux pratiques d'avant-crise dans le secteur financier et sur les grandes places financières mondiales."J'entends dans l'industrie financière une logique qui ne m'impressionne pas, selon laquelle la crise est finie. Certains, à Londres, veulent recommencer comme avant. Cela ne peut pas être 'business as usual'. Cela n'est pas possible", a-t-il dit, en évoquant "les rémunérations, les bonus insensés qui ont encouragé les prises de risque insensées".

La crise n'est pas finie, a-t-il jugé pour sa part, et si les décisions du G20 ne sont pas pleinement mises en oeuvre il existe le risque d'une nouvelle crise, aux effets dévastateurs. "Le temps passe vite et le temps des marchés est plus rapide que celui des politiques", a-t-il dit, avant d'appeler à un dialogue "sans naïveté" avec les Etats-Unis, où il se rendra à la mi-mai pour une visite de quatre jours.

"Nous pouvons avoir des préoccupations sur leur détermination à mettre en oeuvre les normes comptables et les normes prudentielles sur lesquelles nous travaillons ensemble", a indiqué Michel Barnier."Le G20 est notre feuille de route. Personne ne doit faire semblant d'appliquer cette feuille de route (...) Nous sommes fondés de demander aux Américains la mise en oeuvre des engagements pris en commun. Et nous devons vérifier qu'ils le font."

Concernant la spéculation, Michel Barnier a réaffirmé que l'Europe devait se doter de nouveaux outils. "La première réponse, c'est la transparence. C'est l'objet de la task force constituée avec Olli Rehn, pour savoir qui a fait quoi", a-t-il dit. En matière de CDS (Credit Default Swaps) sur dette souveraine, il veut débusquer les pratiques abusives sans pour autant pénaliser les entreprises et les acteurs de marchés qui ont recours à ces mécanismes pour se protéger de risques. "Je ne parle pas d'interdiction, je parle de transparence", a-t-il réaffirmé, renvoyant au "paquet" législatif sur les dérivés qu'il présentera en juin et à un texte spécifique sur les ventes à découvert et les échanges de CDS sur dette souveraine, prévu pour octobre.

Ses propos sur la taxe bancaire ne vont pas plaire aux banques françaises, vent debout contre un tel projet. Dans un communiqué publié ce jeudi, la Fédération bancaire française (FBF) souligne qu'elle "partage la préoccupation exprimée le 30 mars dernier dans la lettre cosignée par cinq chefs d'Etat, dont le Président de la République, adressée aux chefs d'Etat et de gouvernement du G20 : « notre premier objectif est de retrouver une croissance durable et créatrice d'emplois ».

Dans ce cadre, la FBF dit s'élèver  "vivement contre le projet de création d'une taxe sur les banques qui ne repose sur aucun fondement et qui aurait de graves conséquences sur le financement de l'économie, la compétitivité des entreprises et donc la croissance.", Selon elle, une telle taxe "pèserait sur le financement de l'économie L'instauration d'une taxe sur les banques pénaliserait la croissance économique en France, en réduisant leurs fonds propres, donc leur capacité à faire du crédit alors même que la part du financement des entreprises par les banques représente plus des 3/4 de leurs besoins contre moins d'un tiers aux Etats-Unis. Elle freinerait ainsi la reprise d'autant plus que les exigences de fonds propres vont croître encore, notamment sous l'effet des futures règles de Bâle. "

La FBF ajoute qu'une taxe "irait à l'encontre de la volonté des banques de financer le développement économique : ainsi, en 2009, l'encours de crédit en France a augmenté de +2,7% *, une performance qui contraste avec les principaux pays voisins qui ont tous connu des réductions d'encours de crédit. Les banques ont ainsi contribué à amortir les effets de la crise durant toute l'année 2009. Elles se sont engagées à mettre, en 2010, 96 milliards d'euros à la disposition des entreprises en crédits de fonctionnement et d'investissement. Le crédit est au coeur de la fonction d'utilité des banques. Restreindre leur capacité de prêter, c'est aller à l'encontre de l'intérêt général."

Les banques tricolores considèrent en outre qu'une telle taxe "serait injustifiée en France. " "Il serait injustifié qu'elle puisse prendre en France la forme d'une ressource fiscale nouvelle, souligne la FBF. En effet, la France fait partie des pays où aucun établissement bancaire n'a dû être sauvé ou nationalisé, contrairement à ce qui s'est passé ailleurs. Au contraire, le plan bancaire mis en place pour faciliter le financement de l'économie a rapporté plus de 2 milliards d'euros au budget de l'Etat. Il n'existe donc aucun fondement à récupérer de l'argent public sur la base d'interventions qui ont rapporté au contribuable."


Pour la FBF, "la priorité doit être aujourd'hui donnée à l'établissement de règles et de pratiques partout où des dysfonctionnements ont été constatés. Pour prévenir une nouvelle crise, une réglementation et une supervision efficaces sont essentielles, comme l'a souligné le G 20. Les déficiences de la réglementation et de la supervision dans certains pays ou sur certains marchés sont à l'origine de la crise. Il y faut des réformes exigeantes.
Dans certains pays au contraire, les systèmes bancaires ont bien résisté à la crise (France, Canada, Italie) grâce aux mêmes pratiques : un niveau de fonds propres adéquat, une règlementation et une supervision exigeantes. En France en particulier, le système bancaire bénéficie de deux atouts : une supervision efficace qui vient d'être encore renforcée par la création de la nouvelle autorité de contrôle prudentiel, une distribution du crédit responsable liée aux pratiques bancaires encadrées par une réglementation très stricte. Ceci, comme l'a démontré la crise, limite considérablement le risque systémique dans notre pays".

Les banquiers français considèrent qu'il faut surtout prévenir le risque systémique au niveau international. Les banques françaises soulignent qu'elles "participent aux travaux en cours. Dans ce contexte un système organisé de prévention, en cas de difficulté d'un établissement, doit passer dans chaque pays par une intervention rapide des autorités compétentes qui doivent à cet égard se doter des moyens juridiques et organisationnels efficaces pour limiter les effets d'une crise éventuelle. Pour être efficace, toute solution doit être coordonnée au niveau international dans le cadre du G 20."

Et la FBF de conclure : "en tout état de cause, l'objectif du G20 rappelé dans la lettre du 30 mars doit être respecté : « éviter que le système [financier] ne soit vulnérable et ne soit pas en mesure de financer les besoins liés à la reprise de la croissance ». Dans cette perspective, une taxe sur les banques est une fausse solution." Pas vraiment l'opinion de Michel Barnier.

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Commentaires 2
à écrit le 19/04/2010 à 7:40
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S'il suffit d'affirmer sans aucun élément factuel pour établir une vérité, n'importe quel blaireau serait le roi du monde.

à écrit le 19/04/2010 à 6:28
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Le monde de la finance a perdu le sens commun et porte l'essentiel de la responsabilité de la crise. La taxe bancaire est donc légitime au plan économique, social et moral.

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