Comment RSE et ESG pourraient transformer le capitalisme en profondeur

La lutte contre le dérèglement climatique et la préservation de la biodiversité requièrent plus, de la part des organisations, qu'une simple « transition ». Elles exigent un nouveau capitalisme, plus responsable. « Partageons l'économie : RSE, ESG : l'entreprise responsable à l'heure des comptes », la conférence de La Tribune, le 9 mai, Journée de l'Europe, a fait le point sur les avancées, les outils à disposition des entreprises européennes et le chemin qui reste à parcourir pour atteindre ces objectifs. En commençant par interroger un grand témoin, Pierre-André de Chalendar, président de Saint-Gobain et de l'Institut de l'Entreprise.
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#Partageonsleconomie - RSE, ESG, l'entreprise responsable à l'heure des comptes

Le temps presse. Etats, citoyens et organisations ont certes pris conscience de la nécessité d'agir pour limiter la hausse de la température de la planète, sous peine, dans le cas contraire, de la rendre inhabitable, mais cette évolution des mentalités n'engendre pas pour autant les actions suffisantes. Au point que l'augmentation de 1,5 degré fixée par l'Accord de Paris en 2015 a été largement dépassée en Europe ces cinq dernières années... Pourtant, le Vieux Continent se veut à l'avant-garde de la lutte contre le dérèglement climatique et ses entreprises disposent - comme leurs concurrentes mondiales, d'ailleurs - de nombreux outils pour ce faire, dont la notion, de plus en plus prégnante, de responsabilité sociale et environnementale (RSE), et de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), visant à définir leur impact sur la société et l'environnement. A l'occasion de la Journée de l'Europe, le 9 mai, La Tribune a voulu faire le point sur ces sujets dans le cadre de la conférence « Partageons l'économie : RSE, ESG : l'entreprise responsable à l'heure des comptes ».

L'Entreprise Full RSE

Comment les entreprises européennes opèrent-elles leur transition ? Ont-elles adopté le bon rythme ? Les outils à leur disposition sont-ils efficaces ? Autant de questions posées d'abord à Pierre-André de Chalendar, président de Saint-Gobain et de l'Institut de l'Entreprise. Soulignant d'entrée de jeu que Saint-Gobain avait adopté, il y a 15 ans déjà, une vision de sa responsabilité vis-à-vis de ses parties prenantes en complète contradiction avec celle de l'économiste américain Milton Friedman, estimant, dans les années 70, que l'entreprise n'avait « qu'une responsabilité sociale, celle d'utiliser ses ressources et de mener des activités visant à maximiser ses profits », ce capitaine d'industrie insiste sur le fait qu'une simple « transition » n'est pas suffisante. C'est d'une transformation profonde, voire d'une révolution du capitalisme dont les entreprises, l'économie et la société dans son ensemble ont besoin. En sa qualité de président de l'Institut de l'Entreprise, dont le but est de valoriser le rôle des entreprises dans la société française, il a insisté sur leur contribution. Pour ce faire, « l'entreprise doit être 'full RSE'. Autrement dit, la notion de responsabilité sociale et environnementale doit descendre dans toutes les fonctions de l'entreprise, imprégner toutes les tâches, du haut en bas, si elle veut atteindre les objectifs fixés en matière de contribution à la lutte contre le dérèglement climatique et la préservation de la biodiversité », a-t-il déclaré. Certaines organisations le font déjà. Elles ont verdi toutes les activités, de la conception des produits à l'approvisionnement en matières premières, de la production au stockage de leurs données numériques. D'ailleurs, selon le dirigeant de Saint-Gobain, les entreprises européennes sont en avance dans ce domaine. Reste à garder cette avance, voire à accélérer le tempo...

Nouvelles normes

Si les jeunes générations, en particulier de candidats à l'embauche, poussent les organisations à changer, sans oublier de demander du sens à leur futur travail - or « comment donner du sens si l'on n'est pas responsable ? », se demande Pierre-André de Chalendar - toutes, grandes ou petites, doivent, selon lui, désormais adopter concrètement une nouvelle définition de leur rôle dans la société. Seront-elles en outre aiguillonnées par les pouvoirs publics ? Sous la forme, notamment, d'un plan industrie verte, en gestation actuellement à Bruxelles ? Sans doute. D'autant que cette nouvelle initiative européenne est aussi une réponse à la fameuse loi américaine, l'Inflation Reduction Act, adoptée en août 2022 et dont le but est en fait de stimuler les investissements verts aux Etats-Unis grâce à des crédits d'impôts... Le président de Saint-Gobain reste toutefois sur ses gardes. La tentation européenne semble être « d'imposer du reporting, de taxer et de punir », dit-il, plutôt que d'inciter, à l'américaine. De plus, il s'inquiète des nouvelles normes comptables européennes, la directive NFRD (Non Financial Reporting Directive) qui encadre les déclarations de performance extra-financière des sociétés européennes étant remplacée par une nouvelle, plus ambitieuse : le CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), qui s'appliquera progressivement à compter du 1er janvier 2024. Ces normes devraient en théorie être utiles pour formaliser les engagements des entreprises - d'autant que Pierre-André de Chalendar le dit lui-même : « Ce qu'on peut mesurer, on peut l'atteindre » - mais il s'inquiète de la complexité de l'exercice, notant que les organisations devront s'emparer de pas moins de 1 200 indicateurs... Une crainte qu'a voulu alléger en fin de conférence le député (Renaissance) européen Pascal Canfin, président de la Commission Environnement, Santé publique et Sécurité alimentaire, en indiquant que nombre d'entreprises n'auraient pas à répondre à tous ces indicateurs, voulus pour couvrir le plus d'activités et de champs possibles.

Toujours est-il que sous l'impulsion des dirigeants, la pression des salariés ou des consommateurs, par le biais de la réglementation ou du fait du choix des banques de financer certains projets visant à décarboner les activités et non d'autres, les entreprises ne peuvent qu'accélérer dans leur participation à la lutte en faveur de l'environnement et du climat. « Le monde de l'économie est en ordre de marche », assure Pierre-André de Chalendar. Et ce sont, d'ailleurs, selon lui, souvent les autorités qui sont à la traîne...

Irène Frat

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