"Mon seul regret, le timing sur Saint-Gobain"

Le président sortant du directoire de Wendel explique les raisons de son départ. Et répond aux critiques à son égard.

La Tribune - Votre démission constitue-t-elle une capitulation face à la frange d'actionnaires familiaux contestataires ?

Jean-Bernard Lafonta - Ma seule et unique motivation dans mon départ est l'intérêt du groupe. Nous faisons face à une situation de crise économique grave. Wendel doit donc réagir avec la plus grande efficacité possible. Or, je constate que l'espèce de guérilla permanente avec la famille (dans le holding de contrôle la SLPS, ndlr), qui dure depuis maintenant plus d'un an, ne s'estompe pas. Il ne me paraissait donc pas responsable de poursuivre avec un nouveau mandat. L'entente entre Wendel et son actionnaire principal est un élément clé de notre réussite dans la période que nous traversons. C'est une décision très difficile à prendre après huit années passées chez Wendel mais je n'étais plus en mesure de continuer à assurer la cohésion du groupe avec la SLPS.

Quel héritage laissez-vous à votre successeur, Frédéric Lemoine ?

Je suis particulièrement fier des travaux de profonde transformation que nous avons menés au sein de Wendel avec le management de nos filiales. Quand j'ai rejoint le groupe, le 11 septembre 2001, en pleine tourmente financière, la CGIP (l'ancien nom de Wendel, ndlr) détenait essentiellement des participations minoritaires et par conséquent peu d'influence sur ses filiales. Nous nous sommes montrés capables, dans la période 2001-2003, de prendre des décisions rapides qui ont profondément transformé Wendel. L'ensemble de la famille nous soutenait, à l'époque. Dans ce climat de sérénité, nous avons mené une politique de transformation intense, avec l'investissement dans Legrand en 2002, fleuron industriel français, Bureau Veritas en 2004, leader mondial dans le domaine de la certification puis Editis la même année. Ensuite, nous sommes entrés au capital de Deutsch, Materis et Stahl. Enfin, nous sommes devenus l'actionnaire principal de Saint-Gobain en 2007.

Bref, le travail conduit ces huit dernières années a permis une transformation profonde du groupe. Wendel est maintenant une société attractive, avec des positions de contrôle dans ses filiales, toutes leaders au niveau mondial dans leur secteur d'activité. Le titre Wendel n'aurait jamais pu atteindre le pic de 140 euros en Bourse si nous nous étions contentés de rester dans Capgemini et Valeo.

La qualité des résultats de Wendel en 2008 démontre qu'en dépit de la crise, le groupe compte dans son portefeuille des entreprises solides, qui ont fait la preuve de leur capacité à continuer à progresser en termes de résultats et d'activité dans un contexte difficile.

Comment entrevoyez-vous l'avenir de Wendel ?

Ce qui importe dans une telle crise est de préparer le groupe à y faire face. C'est ce que nous avons fait depuis 2007, en transformant le bilan de Wendel. A ce jour, notre bilan est composé de 80% de titres cotés grâce à l'introduction en Bourse de Bureau Veritas. Par ailleurs, nous détenons 1,9 milliard d'euros de liquidités, dont un milliard de cash disponible. Nous pouvons donc non seulement faire face à des risques de marché supplémentaires, mais aussi, le moment venu, saisir des opportunités d'investissement, comme dans les actifs décotés.

Que vous inspirent les griefs que vous adresse François de Wendel dans les colonnes du quotidien Les Echos?

Ces propos démontrent parfaitement la pertinence de ma décision.

Regrettez-vous certains de vos choix après huit années passées chez Wendel?

Si j'ai un regret, c'est celui du timing de l'investissement dans Saint-Gobain en 2007, peu avant que la crise financière n'éclate. La décision d'investir a été mûrie pendant longtemps et décidée par l'ensemble du Conseil de surveillance. Et il faut rappeler que nous sommes dans une perspective de long terme. Je garde donc la conviction que Saint-Gobain se révélera un investissement de qualité dans la durée.

L'investissement "à la hussarde" dans Saint-Gobain n'était-il pas contraire aux valeurs de la famille, habituée au consensus ?

Les décisions ont été prises à l'unanimité au conseil de surveillance de Wendel, dans lequel sont évidemment représentés les actionnaires familiaux. Ces décisions ont été assumées et partagées dans la durée. Le conseil a d'ailleurs réaffirmé son attachement à l'investissement dans Saint-Gobain à l'occasion de mon départ. Enfin, c'est un investissement qui, par sa nature, s'inscrit culturellement dans la continuité de la politique industrielle de la famille.

N'est-ce pas cependant ce choix stratégique qui a cristallisé les tensions entre vous et certains membres de la famille ?

D'abord, la contestation est venue d'une minorité très vocale, comme c'est souvent le cas. Mais c'est en partie de notre faute. Nous aurions dû mener à l'égard des actionnaires familiaux le même travail de pédagogie que pour la communauté financière. D'autant que les membres de la SLPS sont naturellement moins au fait que des professionnels de ce qui se passe dans l'environnement économique.

Par ailleurs, sur l'ensemble de la période 2001-2008, nous avons réalisé 2,1 milliards d'euros de valeur. Nous avons redistribué 1,7 milliard d'euros aux actionnaires, à travers les dividendes et les rachats d'action. Les membres de la SLPS en ont bénéficié, comme tous les actionnaires. Si nous n'avions pas redistribué cette somme, la capitalisation de Wendel, au lieu d'être aujourd'hui égale à ce qu'elle était il y a sept ans, serait 2,5 fois supérieure.

Quel regard portez-vous sur Frédéric Lemoine ?

Il est membre du conseil de surveillance depuis juin 2008. Il connaît donc les enjeux et le modèle de Wendel. Il s'inscrit, comme l'a indiqué hier le président du conseil de surveillance Ernest-Antoine Seillière, dans une continuité stratégique.

On vous reproche, ainsi qu'à d'autres membres du management, d'avoir perçu 324 millions d'euros dans le cadre d'un montage financier ? Comment répondez-vous à ces accusations ?

J'ai trouvé cette cabale assez révoltante. Elle a laissé entendre que le management de Wendel s'était enrichi de manière indue. La réalité est tout autre. Nous avons acheté des actions en 2007 au prix de 40 euros en application d'un contrat d'options conclu quelques années plus tôt. Cela signifie que nous avons pris à titre personnel des risques semblables à ceux des autres actionnaires. Nous n'avons pas encaissé d'argent mais nous en avons versé à Wendel. Cette réalité est très différente des allégations diffamatoires et reconnues comme telles par la justice. J'ajouterai que cette période a été difficile à vivre pour ma famille comme pour moi. Etre traité de voleur n'est jamais agréable.

Bénéficierez-vous d'un parachute doré ?

Je ne dispose pas de parachute doré. Je n'en ai d'ailleurs jamais voulu. Je ne demande donc pas d'indemnités de départ. Par ailleurs, mon plan de stock-options cessera le jour où je quitterai Wendel (avant le 15 avril, ndlr).

Quels sont vos projets pour la suite ?

Me reposer d'abord, m'occuper d'une famille plus restreinte que celle de Wendel, et regarder les opportunités qui seront, j'en suis convaincu, nombreuses. Ce qui m'intéresse est l'aventure entrepreneuriale. C'est donc ce que je ferai sous une forme que je n'ai pas encore déterminée aujourd'hui.

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Commentaires 2
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Ce qui me paraît intéressant dans un spéculateur comme WENDEL riche grâce à l'état lors du rachat des acièries du même nom qu'amène-t-il par sa participation dans une entreprise hors faire vivre la Famille comme dit dans la botte italienne?

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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pas de regret quand on a empoché personellement > 70M sur la vente de editis, champagne 2 ans, le jackpot, embrouille financière, verbiage d'enarque, echec et pas de regret !

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