L'avenir des fintech (3/4) : une bulle est-elle à redouter ?

[ Série d'été ] Les investissements dans les fintech ont encore bondi de 67%, au premier trimestre 2016, à l’échelle mondiale. La chute des cours de Bourse de certaines vedettes du secteur appelle encore davantage à se poser la question de la formation d’une éventuelle bulle sur le secteur.
Christine Lejoux
Sur le millier de fintech qui existent dans le monde, 35 sont déjà des « licornes », selon Silicon Valley Bank.

Les sommes ne sont pas encore énormes mais leurs progressions sont, elles, spectaculaires. En l'espace de cinq ans, les investissements des fonds et des industriels de la finance dans les fintech ont été multipliés par 10, à l'échelle mondiale, passant de 1,8 milliard de dollars en 2010 à 19 milliards l'an dernier, d'après une étude de la banque Citigroup. Selon les données du cabinet de conseil Accenture, les trois premiers mois de l'année 2016 sont à l'avenant, avec un bond de 67% (à 5,3 milliards de dollars) des investissements dans ces startups, lesquelles se font fort de révolutionner la finance au moyen d'offres plus simples, plus transparentes et meilleur marché que celles des acteurs historiques. Et encore, ce chiffre de 5,3 milliards n'intègre pas les 4,5 milliards de dollars levés au mois d'avril par la seule Ant Financial, la filiale de services financiers d'Alibaba.

La fintech du géant chinois du commerce électronique a ainsi bouclé ni plus ni moins que le plus gros tour de table de l'histoire de l'Internet. Résultat, sur le millier de fintech qui existent dans le monde, 35 sont déjà des « licornes », ces jeunes pousses valorisées plus de 1 milliard de dollars, affirme Silicon Valley Bank. La « banque des startups » dénombre 35 autres fintech valorisées entre 500 millions et 1 milliard de dollars. Face à ces montants, une question brûle les lèvres : une bulle ne serait-elle pas en train de se profiler dans le secteur de la fintech, à l'image de la tristement célèbre bulle Internet de la fin des années 1990, qui avait éclaté en 2000 ?

Contreperformances boursières de certaines fintech vedettes

Cette interrogation semble encore plus légitime à l'aune de l'évolution des cours de Bourse de certaines vedettes de la fintech. Sur fond de rumeurs relatives à un renforcement de la réglementation du crowdfunding aux Etats-Unis, les cours de Lending Club et d'OnDeck Capital ont été divisés par plus de trois, depuis l'entrée de ces plateformes de financement participatif à Wall Street, en décembre 2014. Pour ne rien arranger, le Français Renaud Laplanche, patron et fondateur de Lending Club, a été contraint de démissionner, le 9 mai dernier, l'examen de la vente de 22 millions de dollars de prêts de qualité intermédiaire à un investisseur ayant révélé que certaines instructions données par ce dernier n'avaient pas été respectées.

Autre secteur, même punition : le cours de Square, spécialisée dans l'encaissement mobile, se trouve aujourd'hui peu ou prou au même niveau que lors de son introduction en Bourse, en novembre 2015, soit 9 dollars, un prix très en-deçà de celui auquel s'était effectué le dernier tour de table « privé » de la fintech, en 2014. Ces contreperformances boursières pourraient être lourdes de conséquences pour les prochaines levées de fonds des fintech non cotées. « De récents problèmes concernant des grands noms du secteur, cotés en Bourse, pourrait freiner l'enthousiasme des investisseurs dans le non coté aussi », a ainsi prévenu le cabinet d'audit KPMG, dans une étude publiée le 25 mai.

Ecrémage naturel

 Quelques semaines plus tôt, Mark Tluszcz, patron de la société de capital-investissement Mangrove Capital, l'un des premiers investisseurs dans Skype, n'avait pas hésité à mettre les pieds dans le plat, en affirmant dans un entretien au site Business Insider que les fintech formaient une bulle, avec des investisseurs en quête de rendements illusoires. Le financier jugeait notamment les plateformes de crowdlending (prêts en ligne) trop petites et insuffisamment expertes en matière de crédit pour rivaliser avec les banques, alors même que le financement participatif est sans doute l'un des segments les plus avancés du secteur de la fintech, en particulier en matière de réglementation.

« Quelque 70 plateformes de prêts se sont créées en France, dans le sillage de la règlementation entrée en vigueur le 1er octobre 2014, qui a ouvert une brèche dans le monopole bancaire. Très peu réussiront », avait également affirmé Guillaume-Olivier Doré, entrepreneur et investisseur dans la finance et la technologie, lors d'une conférence de presse organisée en octobre dernier par la fintech Younited Credit (ex Prêt d'Union). Lors de cette même conférence, Alice Zagury, à la tête de l'accélérateur de jeunes pousses The Family, avait relativisé:

« Environ 90% des startups meurent avant l'âge de trois ans, et c'est normal. »

Il n'y a peut-être pas de bulle sur le secteur des fintech, mais au moins un phénomène de surpopulation qui ne devrait pas résister à la théorie de l'évolution de Darwin.

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