Le succès de Rolls-Royce, au pays où on ne fabrique plus rien

Le fabricant britannique de moteurs d'avions, qui équipe ce lundi le premier vol commercial du Boeing 787, est en pleine croissance.
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La pièce en titane gris dépasse à peine la paume de la main, et est épaisse comme un gros couteau suisse. D'aspect guère impressionnant, cette pale d'hélice située au coeur des moteurs d'avions coûte pourtant 10.000 dollars pièce. Au décollage, elle tourne tellement vite que la force centrifuge qui s'y exerce correspond au poids d'un bus à double étage. Plus impressionnant encore : la température qui y règne atteint 1.800 degrés, au-delà de son point de fusion. Pour la refroidir, de l'air à « seulement » 700 degrés est injecté via de minuscules trous percés dans la pale grâce avec des électrodes, avec une précision de 10 microns.

Lancée il y a douze ans, cette pièce - qui n'est pas visible depuis l'extérieur de l'avion - est au coeur de l'actuel succès de Rolls-Royce. L'entreprise britannique, qui fabrique des moteurs d'avions (les voitures du même nom appartiennent à BMW), est désormais un incontournable dans son domaine : c'est elle qui équipe le premier Boeing 787 livré ce lundi ; elle aussi qui a un contrat exclusif pour équiper l'A350, le futur long-courrier d'Airbus.

« Il y a vingt ans, dans les moteurs d'avions, il y avait General Electric et Pratt & Whitney, suivi loin derrière par Rolls-Royce. Aujourd'hui, c'est GE et Rolls-Royce, suivi loin derrière de Pratt & Whitney », résume un connaisseur du marché. Depuis 2000, le carnet de commandes de l'entreprise britannique a quadruplé, à 70 milliards d'euros et son chiffre d'affaires a doublé, à 12,5 milliards d'euros.

Investissements et services

Une partie du succès vient de la forte croissance du secteur aérien. Au-delà cependant, Rolls-Royce est une rare réussite manufacturière au Royaume-Uni. Dans ce pays, les grands fabricants ont presque tous disparu : MG Rover a été racheté par des Chinois, Jaguar par des Indiens, les chantiers navals ont fermé les uns après les autres...

L'explication est d'abord à chercher dans la recherche et développement : Rolls-Royce a investi 4,5 milliards d'euros en trois ans. L'argent est notamment allé dans l'outil de fabrication : ses usines de Derby ont été presque complètement renouvelées en une décennie. S'y promener aujourd'hui entre les moteurs à moitié montés est étonnant : l'endroit n'est absolument pas bruyant, extrêmement propre, et les stands sont organisés au millimètre.

L'autre raison du succès de Rolls-Royce se trouve juste à côté, dans une grande salle de bureau où sont alignés les ordinateurs. C'est d'ici que la maintenance des avions a été révolutionnée.

Chacun des 13.000 moteurs en activité de Rolls-Royce est relié par satellite, et envoie des milliers d'informations en temps réel : pression, vibrations, température... Sur un écran géant au mur, un moteur de Boeing 777 indique une perte de pression d'huile. Rien de grave, mais c'est un signal clair qu'il est temps de le vidanger. Forte de cette information, la compagnie aérienne qui possède l'appareil peut commencer à prévoir le moment exact où cela l'arrangera d'effectuer la manoeuvre. Le flux constant des données permet de beaucoup mieux planifier la maintenance des avions, afin de les immobiliser au sol au minimum.

« Avant, nous gagnions de l'argent quand un moteur tombait en panne et avait besoin d'être réparé, explique Tom Palmer, le directeur des services de Rolls-Royce. Aujourd'hui, nous sommes payés à un prix fixe quand l'appareil vole. » Les compagnies aérienne, en redemandent : les services génèrent désormais 60 % du chiffre d'affaires de la branche d'aviation civile de Rolls-Royce.

L'avenir de l'entreprise de Derby n'est cependant pas sans nuage. Un moteur d'A380 de Qantas a explosé en plein vol l'an dernier, l'appareil parvenant toutefois à atterrir en urgence. L'affaire a porté un coup à sa réputation de qualité et de fiabilité. Mais l'entreprise réplique que les commandes de moteurs ne se sont pas ralenties. Pour l'instant, Rolls-Royce continue son envol.

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