Axel Dumas : "Hermès est une famille, mais la première famille d'Hermès sont ses employés"

ENTRETIEN VIDÉO. Mardi 29 janvier à 20h, Les Mardis de l'ESSEC, en partenariat avec La Tribune, a reçu Axel Dumas, CEO de Hermès, dans le grand amphithéâtre de l'ESSEC, à Cergy.

Mardi 29 janvier, Les Mardis de l'ESSEC recevaient Axel Dumas, Pdg d'Hermès, dans leur grand amphithéâtre à Cergy. Ce débat, conduit en anglais afin de répondre à la demande des étudiants internationaux toujours très friands de PDG français, a fait salle comble. Pas très étonnant pour un patron qui cultive la discrétion et dont les apparitions publiques se font très rares. Au cours de ce débat, Monsieur Dumas a eu l'occasion de revenir sur son parcours atypique, la tradition familiale de ce fleuron de l'industrie française ainsi que sur les nouveaux défis et l'avenir d'Hermès.

« Quand j'étais plus jeune, je n'ai jamais pensé travailler chez Hermès »

Lorsqu'on lui pose la question, le jeune patron de 49 ans aux allures de dandy dans son costume croisé et ses chaussures lustrées répond qu'il ne s'imaginait pas reprendre un jour le flambeau familial. Pourtant, Axel Dumas baigne depuis sa plus tendre enfance dans l'univers d'Hermès : sa mère dirigeait la production et son oncle, Jean-Louis Dumas était le PDG emblématique du groupe de 1978 à 2006. Son diplôme de Sciences Po Paris en poche, Axel Dumas décide de s'expatrier en Chine où il a travaillé en tant que banquier d'affaires à Paribas afin de financer des projets dans les matières premières, l'énergie et les transports.  Quand on lui demande comment l'on passe si facilement de Sciences Po à la finance, il s'amuse à dire qu'il « était le seul à avoir candidaté ».

Ce n'est qu'en 2003, à la suite du décès de sa mère, que Jean-Louis Dumas l'invite à rejoindre l'entreprise familiale. S'il convient n'avoir « jamais pensé travailler un jour chez Hermès », c'est une opportunité qu'il n'aurait pas osé refuser. Le voilà nommé dans un premier temps dans le secteur financier d'Hermès International. Digne des plus belles success-stories, sa carrière n'a pas tardé à décoller : nommé directeur commercial France de la joaillerie Hermès en 2006, il prend la tête de la maroquinerie-sellerie deux ans plus tard. En juin 2013, c'est le Graal : le voilà nommé PDG d'Hermès, poste dont il exercera les fonctions pendant quelques mois en cogérance avec Patrick Thomas. Si, à l'exception de ce dernier, tous les PDG sont issus de la famille Hermès, Axel Dumas concède que ce ne sera pas « nécessairement un membre de sa famille qui prendra la suite ». Il n'en fallait pas plus pour exalter les étudiants de l'ESSEC.

« Nous allons là où les méthodes de production sont les plus authentiques possibles »

Lors de cette soirée, Axel Dumas a souligné ce qui différencie Hermès des autres marques de luxe : son savoir-faire, son authenticité et sa « qualité de fabrication ». 118 ans après la création de la maison par son aïeul Thierry Hermès, Hermès confectionne toujours les selles qui ont fait son succès. Axel Dumas raconte d'ailleurs avoir mis l'accent sur les compétitions équestres lorsqu'il était à la tête de la branche maroquinerie-sellerie, car Hermès se doit « d'exceller dans tous les domaines ».

L'authenticité des produits Hermès passe aussi et surtout par la recherche incessante de la meilleure qualité possible. Interrogé sur la pérennité du choix du groupe de produire en France (sur les 52 sites de production d'Hermès, 41 sont implantés sur le sol français), Axel Dumas répond qu'Hermès s'évertue à « aller là où les méthodes de production sont les plus authentiques possibles ». Si l'on veut du cachemire, il faut opter pour le Népal, la Chine pour la laque, ou encore la Suisse pour l'horlogerie. Une façon polie de vanter les mérites de la confection française quand d'autres se contenteraient de pousser un « Cocorico ».

Vous l'aurez sans doute compris, cette entreprise familiale privilégie le fond sur la forme.  Aussi, n'est-elle pas du genre à faire beaucoup de marketing. Contrairement à ses concurrents qui investissent des sommes pharaoniques dans des égéries, Hermès ne souhaite pas avoir d'ambassadeurs :

« On ne paye pas des personnes pour porter nos vêtements, nous sommes des manufacturiers » nous rappelle ce quadragénaire aux airs de dandy, « et nous sommes d'ailleurs très contents lorsque des égéries d'autres marques achètent anonymement nos produits » ajoute-t-il sur le ton de la plaisanterie.

Concernant la gestion financière du groupe, l'empreinte familiale est elle aussi présente. Si Hermès a frôlé la faillite dans les années 1920, l'entreprise familiale aura retenu la leçon. Depuis cet événement pour le moins traumatisant, Hermès s'est promis de ne plus jamais « traîner » autant de dettes qu'à cette époque. En digne successeur, Axel Dumas respecte à la lettre cet impératif et pense long-terme.

« Hermès doit grandir sans grossir »

Quant à l'avenir de la maison et les défis qu'elle doit relever, Axel Dumas se dit relativement optimiste. Si ses aïeux ont dû faire face à la crise de 1929 ou à la disparition de l'utilisation des chevaux comme moyens de locomotion, Axel Dumas a mené avec brio un autre combat tout aussi périlleux : repousser l'attaque du géant du luxe LVMH. Pour le jeune patron, depuis l'entrée de Bernard Arnault en 2012 au capital d'Hermès (à hauteur de 22%), la menace ne vient plus de LVMH, mais de la capacité du groupe à se diversifier tout en conservant son héritage et ses valeurs :

« On ne peut pas prévoir le futur, donc on doit faire preuve de flexibilité et être prêt à faire face à une éventuelle crise ».

Axel Dumas l'a bien compris. Si les carrés de soie Hermès représentaient 50% des ventes en 1998, dorénavant ce sont la maroquinerie et le cuir qui trustent les ventes du groupe. D'autres activités, encore marginales il y a quelques années, ont connu un essor fulgurant. C'est le cas de la joaillerie ou de la parfumerie.

Enfin, la question des nouvelles technologies et de l'e-commerce a aussi été abordée. Mais rassurez-vous, Hermès ne compte pas substituer ses petites mains par des robots puisque « jusqu'à présent, ce sont les hommes qui fournissent la meilleure qualité ». Si le groupe a lancé son premier site marchand sur Internet dès 2001, la maison, depuis, ne s'est guère renouvelée. Et lorsqu'on demande à Axel Dumas si Hermès ne perd pas de sa superbe en lançant un « partenariat avec Apple », il rétorque avoir fait cela « pour s'amuser, et si cela fonctionne, c'est tant mieux ».

Si le succès d'Hermès et des autres géants du luxe participent indéniablement du rayonnement français dans ses dimensions économique et culturelle, tenter de rapprocher leur stature en France à celle des GAFA américains paraît « trop ambitieux, voire présomptueux » aux yeux d'Axel Dumas. Avec ce PDG jeune et modeste, on peut raisonnablement penser que le groupe Hermès a encore de beaux jours devant lui.

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Commentaires 2
à écrit le 07/04/2023 à 23:54
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Eh oui. Des entreprises françaises qui gagnent de l'argent tout en favorisant la main-d'oeuvre en France...C'est bizarre que Jean-Luc Mélenchon le pourri d'LFI n'en fasse pas état !

à écrit le 11/02/2019 à 10:11
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"Axel Dumas décide de s'expatrier en Chine où il a travaillé en tant que banquier d'affaires" Ça manque sérieusement d'originalité comme profil hein... Mais c'est normal on est en UE dans laquelle depuis 1936 plus rien ne doit bouger.

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