Les (bonnes) recettes de Seb pour produire en France

Vingt ans après la douloureuse reprise du groupe Moulinex par Seb, la ministre de l’industrie s'est déplacée à Saint Lô sur l’un des sites historiques de la marque qui voulait « libérer la femme ». Pas par hasard. En plein débat sur la réindustrialisation, le made in France réussit plutôt bien au leader mondial du petit électroménager.
Rachetée en 2001, la marque Moulinex est devenue l'un des joyaux du groupe Seb
Rachetée en 2001, la marque Moulinex est devenue l'un des joyaux du groupe Seb (Crédits : Seb)

Dans la Manche, ce jeudi, il y a le made in France qui pleure, celui de Naval Group à Cherbourg torpillé en Australie par les Etats-Unis. Et le made in France qui rit : celui de l'usine Seb de Saint Lô qui fête son cinquantième anniversaire avec tambours et trompettes. Construite en 1971 par Moulinex, elle a pourtant senti passer le vent du boulet. En 2001, lorsque Seb reprend une partie des actifs de son rival, personne au sein du groupe ne donne très cher de la peau des installations manchoises.

L'établissement, alors spécialisé dans les composants électromécaniques et les condensateurs, doit son salut à l'insistance de Thierry de la Tour d'Artaise, arrivé aux commandes de Seb un an auparavant. A l'époque, les objets connectés relèvent du fantasme mais lui pressent que l'ère de la puce est arrivée. « J'étais convaincu que le groupe devait disposer en interne d'un centre de compétences en électronique », explique t-il a postériori sans fanfaronner. Bien vu.

Devenu l'unique centre de développement électronique du groupe, l'usine de Saint-Lô (100 salariés dont 15 ingénieurs) conçoit et fabrique aujourd'hui toutes les cartes électroniques qui équipent les produits les plus sophistiqués de la galaxie Seb. Depuis la fameuse friteuse sans huile, jusqu'à la cafetière automatique de Krups en passant par le robot-cuiseur connecté Companion, rival français du Thermomix allemand ou le vélo Angell imaginé par Marc Simoncini et assemblé par Seb en Bourgogne.

Exit la cafetière filtre et le grille-pain

Le site incarne, sans doute mieux que d'autres, la stratégie industrielle de l'un des derniers fabricants européens de petit équipement domestique : « modèle d'un capitalisme familial et  patient », salué par la ministre de l'industrie. A rebours de ses concurrents, Seb n'a jamais renoncé à produire dans son pays d'origine, bien qu'il n'y réalise plus qu'un dixième de son chiffre d'affaires. En connexion directe avec ses centres de recherche, ses onze usines françaises (sur 40 dans le monde) pèsent encore 30% de sa production mondiale. Un cas unique dans cette industrie : « la deuxième la plus délocalisée au monde après le textile » comme a coutume de le rappeler son PDG.

« On peut tout produire en France à condition d'être têtu et se concentrer sur les produits à forte valeur ajoutée, destinés aux marchés mature, ce que nous avons fait en laissant de côté le grille-pain et la cafetière filtre impossibles à rapatrier », théorise Thierry de la Tour d'Artaise.

De toute évidence, la recette fonctionne, y compris en période de fortes turbulences. Bien que le marché chinois lui ait fait défaut pendant un temps, Seb est passé entre les gouttes de la crise, porté par la vague du « manger sain » et du « fait maison ». En 2021, son chiffre d'affaires devrait tangenter les 8 milliards d'euros (vs 6,9 l'an dernier). Quant aux investissements, ils ont été multipliés par deux. Le groupe aux 33.000 collaborateurs dépensera cette année 150 millions d'euros pour construire un centre de R&D à proximité de son siège d'Ecully et une nouvelle plateforme logistique dans le Nord de la France (à Bully-les-Mines), appelée, nous dit-on, à devenir la plaque tournante de sa distribution en Europe.

Même la pénurie de composants électroniques semble l'avoir épargné. Propriétaire d'une usine à Wuhan, Seb a senti très tôt le vent tourner. « Nous avons eu une approche qu'un directeur financier aurait qualifié de déraisonnable en sur-commandant dès février 2020 pour préserver nos approvisionnements », explique son patron. L'intéressé en appelle néanmoins à « recréer des filières de composants qui n'existent plus en Europe ». A Agnès Pannier Runacher, il a expliqué être prêt à collaborer « si l'Etat coordonne ». Gageons que le message n'est pas tombé dans l'oreille d'une sourde.

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Commentaire 1
à écrit le 17/09/2021 à 13:08
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Ben le patron a franchement eu raison, il était impossible qu'il n'y eût pas d'électronique dans l'électroménager, mais la qualité mécanique est la, je suis rendu à un 2 ème appareil ménager Allemand et hs pour casse de courroie (moulinex n'en met pa...

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