Ardennes (1/5) : Charleville compte sur le moteur électrique de PSA pour son avenir

REPORTAGE - EPISODE 1 : Quel modèle pour le développement économique dans les Ardennes ? Reportage à la fonderie de Charleville qui va devoir s'imposer dans l'organisation industrielle du groupe Stellantis, issu de la fusion de PSA et FCA. Spécialisée dans la fabrication de culasses pour les moteurs thermiques, l'usine prépare sa reconversion dans la production de composants de moteurs électriques.
L'usine de fonderie de Charleville-Mézières, dans les Ardennes, compte 1.600 salariés. Elle prépare sa transition vers la production de carters de moteurs électriques.
L'usine de fonderie de Charleville-Mézières, dans les Ardennes, compte 1.600 salariés. Elle prépare sa transition vers la production de carters de moteurs électriques. (Crédits : Olivier Mirguet)

La fusion entre PSA et Fiat-Chrysler (FCA), qui a donné naissance le 16 janvier au groupe Stellantis, dessine un nouvel avenir pour le site industriel du constructeur français à Charleville. Elle soulève aussi les questions des doublons dans son organisation et des concurrences internes nées du rapprochement. Spécialisée dans la fabrication de pièces brutes en aluminium ou en fonte pour les autres sites du groupe, la fonderie ardennaise destinait jusqu'à présent sa production à des clients internes répartis dans huit pays, jusqu'en Inde et en Russie. "Nous sommes habitués à la mise en concurrence. A chaque fois que le groupe lance un nouveau produit, on compare les performances de Charleville avec d'autre sites potentiels et avec des prestataires extérieurs. Que le meilleur gagne !" répond Patrice Peslier, qui dirige depuis juin 2019 cette usine de 1.600 salariés, renforcée actuellement par 300 intérimaires.

La fonderie ardennaise n'a pas attendu Stellantis pour entamer sa mutation. En 1974, au démarrage de sa production, elle fabriquait les culasses refroidies par air de la Citroën GS. En 2000, Charleville a lancé la production de vilebrequins. Dix ans plus tard, l'atelier de liaisons au sol en aluminium a complété son activité. En 2020, PSA a décidé d'investir 91 millions d'euros pour adapter ses culasses aux nouvelles normes européennes (Euro 7), moderniser le site en réduisant son impact sur l'environnement et améliorer sa compétitivité, en agissant notamment sur les flux. Charleville produit actuellement des pivots de roues avant et arrière, des traverses de train arrière, cornes de berceau et des culasses pour les moteurs thermiques 3 cylindres, dans leurs variantes atmosphérique et turbocompressée. Soit en moyenne 60.000 pièces par jour, destinées aux véhicules sur les plateformes CMP (Peugeot 208, Citroën C3, Opel Corsa) et EMP2 (Peugeot 508 et 5008, DS7). L'usine de moteurs de Tremery, en Moselle (150 kilomètres de Charleville), est son principal client.

Des carters en une seule pièce

La prochaine évolution majeure est promise en 2022. "Nous nous apprêtons à lancer la production de carters pour les moteurs électriques", annonce Patrice Peslier, confirmant les nouvelles orientations entamées dès 2019 par l'équipe interne de recherche et développement. "Le carter de machine électrique arrivera en production en 2022. Il montera en cadence jusqu'en 2025 pour équiper l'ensemble des gammes de notre groupe dans les segments B, C et D. Nous apportons une innovation majeure dans sa conception : les carters du moteur et du bloc convertisseur seront réalisés en une seule pièce", précise Patrice Peslier. Dans les gammes commercialisées actuellement par Peugeot, Citroën et Opel, les motorisations électriques ne sont pas des produits "maison". Les groupes motopropulseurs de la 208, de la C3, de la Corsa et de leurs modèles dérivés sont fournis par des équipementiers.

Dans l'agglomération de Charleville-Mézières, où PSA est le premier employeur privé, chaque évolution de la fonderie est surveillée de près. L'usine occupe un terrain de 55 hectares, dont une dizaine d'hectares bâtis. En 2019, PSA a réalisé avec Dalkia une installation pour la récupération des chaleurs fatales issues de sa fonderie. Les calories réchauffent désormais l'air de ses ateliers et alimentent un réseau de chauffage urbain, dans les quartiers voisins. La cession prévue en 2019 d'une partie inutilisée du foncier (10 hectares) à l'industriel algérien Cevital avait été accueillie avec enthousiasme par les édiles locaux. Cevital prévoyait de fabriquer dans les Ardennes des stations de traitement de l'eau, et promettait 1.000 emplois. Le projet est resté au point mort. Un an plus tôt, avec la reprise d'Opel par PSA en 2018, la fonderie de Charleville était sortie gagnante de la stratégie industrielle du groupe. Elle avait bénéficié de 30 millions d'euros d'investissement pour fournir, notamment, des pièces destinées à l'Opel Corsa. Dès 2019, la production de culasses est passée de 2,2 millions à 3,4 millions d'unités. "Nous avons eu peur pour l'avenir du site, que nous savions spécialisé dans la fabrication des culasses de moteurs thermiques. L'annonce du passage à l'électrique nous a rassurés", confirme Jean-Luc Warsmann, député (LR) des Ardennes.

"La seule chose qui nous protège, c'est la compétitivité. En 2020, il n'y a eu aucun client bloqué sur la route pour cause de casse d'une pièce fabriquée à Charleville", insiste Patrice Peslier, "mais il reste des progrès à réaliser, notamment sur les flux". L'atelier de fonderie a été équipé de robots autonomes pilotés par wifi, qui éliminent certaines tâches de manutention. Mi-2020, l'intervention d'une équipe d'une quinzaine d'ouvriers polonais, venus en renfort sur des opérations de maintenance, avait provoqué de la crispation chez certains élus locaux. "Une polémique sans fondement, ces mobilités temporaires font partie de notre organisation", jugent les délégués ardennais du syndicat FO. Les Polonais sont repartis. Dans la fonderie, les équipes se préparent à l'évolution de leur process de fonderie à modèle perdu. Elle permettra, sur les pièces de carters électriques, de réduire les opérations superflues de finition réalisées à la main.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.