Le pari premium de DS en bonne voie d'être remporté (et ce n'était pas gagné)

Quand elle a été lancée en 2014 par Carlos Tavares, personne ne donnait cher de la marque premium du groupe PSA. Pourtant, malgré des débuts hésitants, DS a su façonner son identité et creuser son sillon...
Nabil Bourassi
En sept années, la gamme DS est restée désespérément figée ! Et puis est arrivée la DS7 Crossback, un grand SUV de 4,60 mètres (enfin !) pour repositionner la marque sur un segment dynamique, avec un produit cette fois conçu dès le départ dans une ambition exclusivement premium.
En sept années, la gamme DS est restée désespérément figée ! Et puis est arrivée la DS7 Crossback, un grand SUV de 4,60 mètres (enfin !) pour repositionner la marque sur un segment dynamique, avec un produit cette fois conçu dès le départ dans une ambition exclusivement premium. (Crédits : DS)

Que n'a-t-on pas lu ou écrit sur l'aventure DS, y compris dans nos colonnes, il faut bien le reconnaître... « Ça ne marchera jamais ! » La presse a souvent été sévère et péremptoire au sujet de la marque automobile premium du groupe PSA. Qui pouvait croire qu'une marque sortie de nulle part pouvait rivaliser avec les puissants groupes premium allemands ? Et puis il y a les Lexus et Infiniti, les alter ego japonais bien plus richement dotés en gamme et technologies et déjà bien implantés sur des gros marchés comme les États-Unis. Et avec quel argent ce groupe automobile en pleine convalescence (PSA est au fond du gouffre lorsque la marque DS est créée en 2014), qui vend seulement trois minuscules millions de voitures, allait-il pouvoir financer la création d'une marque qui se comparait volontiers à Audi - rien que cela -, soit 1,9 million de voitures vendues et 60 milliards d'euros de chiffres d'affaires ?

Bienveillantes moqueries

Et ce n'est pas avec la gamme disponible en concession que DS allait convaincre qui que ce soit, entre l'ovni DS5 et la DS4 injustement considérée comme un ersatz de Citroën C4, tandis que l'incroyable succès de la DS3 ne pouvait plus suffire... Le discours d'Yves Bonnefont, le patron de la marque, et d'Arnaud Ribault, chargé du marketing et des ventes, suscitait quelques bienveillantes moqueries chez les vieux briscards de la presse automobile.

Car, sans produit, il était difficile de se projeter. Il est vrai qu'entre 2011 (alors que DS n'était encore qu'une gamme de la marque Citroen) et 2018, DS n'a lancé absolument aucun nouveau modèle. Chaque année, Audi en lance entre deux et quatre... En sept années, la gamme DS est restée désespérément figée ! Et puis est arrivée la DS7 Crossback, un grand SUV de 4,60 mètres (enfin !) pour repositionner la marque sur un segment dynamique, avec un produit cette fois conçu dès le départ dans une ambition exclusivement premium. Et rebelote, la presse automobile retombe dans ses vieux travers : « trop allemand », « trop bling bling », « trop gros », « trop cher »... Même les images d'Emmanuel Macron défilant sur les Champs-Élysées à bord de la Crossback à l'occasion de son intronisation à la présidence de la République n'a pas suffi à placer DS dans l'orbite de ces marques dont la vocation est pourtant d'incarner un statut social.

En réalité, pendant que tout le monde se lamentait sur cette marque condamnée à disparaître aux aurores de la prochaine crise, elle a creusé son sillon. D'abord, il était faux de dire que DS n'avait pas de personnalité, d'attributs propres, et qu'elle copiait honteusement les codes des marques allemandes. Dès le départ, y compris lorsqu'elle n'était encore qu'une « ligne distinctive » au sein de la gamme Citroën, les produits DS ont misé sur le cuir comme un langage premium qui n'avait pas été réellement préempté par les marques allemandes. Ils empruntent cette thématique à la tradition de la sellerie et de la maroquinerie françaises, reconnues dans le monde entier comme des gages de luxe absolu, avec des références telles que Louis Vuitton, Longchamp ou Hermès. Toute la communication de la marque s'était tournée autour de cette matière, des artisans selliers étaient convoqués à chaque salon. DS racontait une histoire, certes romancée mais ô combien efficace, du luxe à la française, que la marque incarnerait dans l'automobile.

Une culture du service

DS a également beaucoup communiqué sur la notion de service. De la formation des vendeurs, qui font des stages chez Van Cleef & Arpels, place Vendôme à Paris, aux services de conciergerie, en passant par les tapisseries sur les murs des concessions ou la possibilité de personnaliser sa voiture dans des versions uniques, la marque a très tôt constitué une culture du service très poussée.

Plus tard, et toujours dans cette démarche d'un positionnement distinctif dans l'univers du premium, Yves Bonnefont et ses équipes ont pris la décision audacieuse d'une gamme entièrement électrifiée à l'horizon 2022. Autrement dit, demain ! Une véritable prise de risque car PSA a énormément de retard dans l'électrification. Son hybride diesel a été un fiasco commercial, et, jusqu'ici, le groupe n'a jamais fabriqué lui-même de voitures électriques. Autant dire qu'il ne bénéficie d'aucune expertise ni de légitimité dans ce domaine. Et pourtant... Hormis Tesla, aucune marque premium n'a eu le courage d'un tel parti pris. Yves Bonnefont fait le pari que, grâce à l'électrification, sa gamme se dotera d'un agrément de conduite exceptionnel (puissance moteur, couple [capacité à accélérer, ndlr]...), d'une image de modernité, et ce sans bourse délier pour s'équiper de gros moteurs de 6 cylindres.

C'est un fait : avec ses piètres performances commerciales (53 000 ventes en 2017), DS était sur le point de disparaître des radars. La DS7 Crossback ne devrait pas fondamentalement lui permettre d'accéder à des seuils critiques en termes de volumes, mais cette voiture a permis de vérifier que le storytelling premium, que cette image de marque a bien imprimé dans l'esprit des consommateurs. Pour l'heure, il semblerait que ces arguments ont fait mouche. Avec une moyenne d'achat autour de 42 000 euros, contre un prix d'appel à 30 000 euros, les acheteurs viennent en concession dans une démarche haut de gamme. Maintenant que les jalons du premium ont été posés, à la DS3 Crossback de faire suivre les volumes. C'était uniquement dans ces conditions que ce petit SUV devait arriver.

L'Europe ne suffit pas

Alors oui, il est toujours possible d'ergoter sur tel ou tel détail. Mais, dans un pays où l'industrie automobile a abandonné la culture du premium en 1964 avec la disparition de Facel Vega, DS apprend et rode l'exercice. Et les premiers résultats ne sont déjà pas si mauvais... Mais il reste beaucoup à faire. La qualité et la cohérence de la suite du plan produit pèseront beaucoup dans la consolidation de cette ambition premium. En outre, DS ne pourra pas rester franco-français (40 % des DS7 Crossback ont été vendues en France). En Chine, les ventes ont encore baissé de 30 %, avec moins de 2 500 immatriculations au premier semestre, un fiasco inouï dans ce pays où prospèrent Louis Vuitton et Hermès, les ambassadeurs du luxe à la française. L'empire du Milieu sera donc l'incontournable défi de DS dans les années à venir.

Nabil Bourassi

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Commentaires 13
à écrit le 15/10/2018 à 17:07
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Avec DS ce sont les hauts et les bas un bon démarrage mais une DS5 qui n'atteint pas ses objectifs et DS plonge pour rebondir mainteant avec la DS7 et la DS crossback. pour franchir un cap DS doit maintenant monter en gamme avec la DS8 et des motoris...

à écrit le 15/10/2018 à 11:23
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vous dites que 40% des véhicules sont vendus en France, mais on parle de combien de voitures en tout?

à écrit le 15/10/2018 à 7:57
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L'auteur fait un eloge dithyrambique sur la savoir faire francais du cuir et de ses grandes marques. Certes il est vrai que le luxe francais en ce domaine n'est plus a demontrer. Mais les sacs et fringues, c['est autre chose. En ce qui concerne ...

le 19/10/2018 à 14:51
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Vous, vous n'êtes jamais monté dans une DS 5... Si c'était le cas et que vous vous étiez vraiment intéressé au sujet, vous sauriez que le fameux cuir bracelet de montre n'est pas un simple cuir nappa, mais semi aniline... Soit la gamme au dessus et...

à écrit le 14/10/2018 à 16:54
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La petite DS a énormément de charme, son succès est mérité. ET pas facile comme vous dites dans un contexte ultra concurrentiel dans lequel toutes les marques se sont mises à sortir des modèles intéressants dont à noter le retour en force de ford et ...

à écrit le 14/10/2018 à 15:20
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Il faut craindre qu'en Chine, les voitures occidentales soient peu à peu remplacer par des véhicules chinois. Le gouvernement chinois ne fera aucun cadeau aux entreprises occidentales.

à écrit le 14/10/2018 à 8:43
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Vous vous faites enfumer par la com. La gamme électrifiée en 2022, ça ne veut pas dire que DS va devenir tout électrique comme Tesla. Ça veut dire qu'à cet horizon, chaque véhicule de la marque sera disponible, au choix, en thermique ou en version él...

à écrit le 13/10/2018 à 19:28
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, le 1 avril 2014 Carlos Tavares devient patron de PSA, et décide de crée DS AUTOMOBILE qui sera effectif 2 mois plus tard en juin. Par contre pour le public DS devient une marque en mars 2015 et le lifting la ds 5 et la campagne de lancement https...

à écrit le 13/10/2018 à 18:43
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Le premier problème de DS c'est que leurs véhicules sont moches et quand on habille un truc moche, on a toujours un truc moche. Autant la DS originale était comme un OVNI dans le paysage automobile de l'époque, autant la gamme actuelle passe inape...

à écrit le 13/10/2018 à 17:00
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les ventes autos en Chine baissent pas mal : - 46% pour Jaguar Land Rover en septembre, - 43% pour Ford en Septembre, - 11% pou VW en septembre, - 15% pour GM au 3e trimestre, chute de la fréquentation des showrooms BMW/Mercedes, etc... (CNBC, Reuter...

à écrit le 13/10/2018 à 12:37
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Le premier problème de DS c'est le service après-vente qui est totalement inexistant Le second problème est la revente de ces véhicules qui est incroyablement bas Le troisième problème est le manque de puissance des moteurs Citroën Le quatrième pr...

à écrit le 13/10/2018 à 10:19
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Il semble y avoir une erreur sur l'année de création de la marque 2014 !!!

le 13/10/2018 à 12:03
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Erreur oui et non DS a été créé en 2009 par Christian Streff alors Pdg de PSA mais sous la coupe de Citroën et ce n'est devenu une marque à part entière qu'en 2014 .

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