Passer la troisième ? Alors que les groupes automobiles font le bilan des morts et des blessés après le carnage d'un premier semestre marqué par la crise du coronavirus, Peugeot, lui, semble avoir tiré son épingle du jeu: des stocks au plus bas et un carnet de commande en hausse de 42% à fin juin. Fort de ces bons indicateurs, la marque juge le timing propice à activer de nouveaux leviers pour accélérer sa stratégie de repositionnement.
Un label sport électrifié
C'est ainsi que la marque s'est enfin décidé à lancer un nouveau label sportif: Peugeot Sport Engineered ou PSE. Ce label permet de renouer avec la tradition des célèbres gammes GTI des années 1980 et 1990. Le défi était de retrouver une offre de moteurs très sportifs sans faire exploser les compteurs CO2, désormais sanctionnés par la Commission européenne. L'équipe d'ingénieurs dédiés à ce label dont le centre de recherche est situé à Versailles-Satory, sous la direction de François Wales, a accompli sa révolution culturelle en se tournant vers l'électrification. La gamme PSE sera donc boostée par une motorisation hybride composée de deux moteurs électriques. Avec un couple moteur de 500 Nm et un 0 à 100 en 4,3 secondes, Peugeot espère faire de son nouveau label un nouveau standard dans l'émotion automobile. Il s'agit donc de poursuivre la stratégie de repositionnement de la marque sur du premium et ainsi tirer vers le haut la valeur intrinsèque de la marque. Un cercle vertueux sur les ventes et les valeurs à la revente. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que les premiers modèles à disposer d'une gamme Peugeot Sport Engineering sont les 508 et sa version break, pour dynamiser ce segment en berne depuis plusieurs années. La marque n'a pas communiqué la grille tarifaire, mais le chiffre de 60.000 circule, soit le double de la gamme classique.
Pour passer à l'électrification, Peugeot a dû accomplir une révolution copernicienne. La marque connue pour ses moteurs thermiques, mais également ses diesels, a tardé à lancer des voitures électriques. Certes, une anecdotique 106 électrique avait été commercialisée dans les années 1990. Mais la Ion vendu depuis 2010 est en réalité fabriquée par Mitsubishi.
Dans une interview dans nos colonnes en octobre dernier, le patron de la marque, Jean-Philippe Imparato confessait: "nous avons installé l'idée que l'électrification pouvait être sexy". Et d'ajouter: "Je n'ai jamais eu autant d'opportunités d'avoir une chaîne de traction sympa. Oui, l'électrification est une opportunité dans notre stratégie de montée en gamme".
La 208 électrique se vend comme des petits pains
Cette stratégie de montée en gamme a franchi une nouvelle étape cette année avec l'arrivée de deux modèles totalement repensés: la 208 et la 2008. Les deux modèles sont disponibles en 100% électrique et, la 208 affiche d'ores et déjà de belles surprises en la matière avec plus de 15% des ventes "décarbonées".
Mais la montée en gamme de Peugeot n'est pas seulement tirée par l'électrification, elle est surtout le fait de la qualité des produits initiée depuis le 3008 en 2016. Ici, la 208 et la 2008 ont également été soumises à un cahier des charges très stricte et qui doit signifier cette qualité perçue supérieure: un design qui reprend les codes du 3008, une planche de bord mieux finie, un système de navigation digitalisé et intuitif... C'est ce que Carlos Tavares, PDG du groupe PSA, la maison-mère, appelle la stratégie du pricing power (capacité à défendre ses prix), et qui permet de vendre des voitures plus chers en légitimant la marque sur des prix plus élevés. Jean-Philippe Imparato espère ainsi vendre plus de finitions supérieures, plus de boîtes manuelles pour augmenter la rentabilité unitaire... Et de toute manière, sûr de la qualité de son produit, le prix d'appel de l'entrée de gamme a d'ores et déjà augmenté de quelques milliers d'euros.
Poule aux oeufs d'or du groupe PSA
On ignore tout de la rentabilité de la marque Peugeot puisque ses performances financières sont dissoutes dans les comptes du groupe PSA qui comptent Citroën, DS et Opel depuis 2017. On sait néanmoins que dès 2016, le groupe automobile français n'a cessé de voir ses ratios financiers augmenter alors même que Citroën et DS étaient encore en phase de redémarrage de leur gamme. Quelques analystes de marché ont laissé échapper le chiffre d'une marge opérationnelle aux alentours de 12% pour le seul 3008, le SUV à succès de la marque au lion.
Lancé en 2016, élu voiture de l'année en 2017, la marque a présenté la semaine dernière le restylage du 3008, mais également de sa version 7 places, le 5008. Une nouvelle calandre sans cadre, des feux arrières full led, des écrans de contrôles haut de gamme, une signature lumineuse plus agressive avec les "crocs" à l'avant pour plus de personnalité, nouvelles teintes de carrosserie... Le 3008 a poussé loin le bouchon du restylage pour recréer ou amplifier la dynamique sur ce modèle. Il s'équipe également d'une motorisation hybride. Mais rien ne dit qu'elle aura une gamme Peugeot Sport Engineered ou si c'est la génération suivante qui en sera pourvue.
Pour Peugeot, et plus encore pour PSA, l'enjeu est d'entretenir la dynamique du leader des SUV en France avant son renouvellement. Mais il n'y avait aucune urgence, car outre, sa très forte rentabilité, le 3008 s'offre le luxe de voir ses ventes augmenter trois ans après sa commercialisation. En 2019, près de 256.000 unités ont été commercialisées dans le monde, soit 10.000 de plus qu'en 2017 (première année pleine de commercialisation). Sans parler de la très forte proportion des versions GTI et GTLine (les plus chers) qui assurent encore un tiers de ventes. Une performance à faire pâlir d'envie son concurrent Renault dont les ventes de Kadjar ont atteint 125.000 unités en 2019, en baisse de 8.000 ventes, et qui ne dispose même pas d'une version haut de gamme...
L'international, talon d'Achille du Lion
Repositionnement et électrification sont les deux leviers commerciaux pour tirer la valeur des ventes vers le haut. Pour Jean-Philippe Imparato, le cycle sera achevé avec le renouvellement de la 308 qui aura probablement lieu en 2021.
Pour autant, l'international reste une ombre au tableau. L'effondrement des ventes en Chine, le retrait en Iran imposé par les circonstances géopolitiques, la volatilité des marchés sud-américains, ont fait de l'Europe le principal foyer de dynamique de la marque. D'autant que les marchés, notamment sud-américains, n'ont pas forcément été autant animés. En Argentine par exemple, les concessionnaires ont certes pu profiter des 3008 et 5008, mais ils vendent encore la très vieille 408 au lieu de la nouvelle 508... Heureusement, ils viennent d'accueillir la 208 mais continueront de vendre l'ancienne 2008.
Peugeot travaille à une nouvelle stratégie commerciale dédiée à l'internationale. Si Jean-Philippe Imparato confirme que la core model strategy (une gamme resserrée) restera la règle, la marque réfléchit toutefois à adapter davantage les versions locales aux spécificités du marché. Un travail de titan, en attendant d'en savoir plus sur le plan d'attaque du marché américain... Un marché encore plus ambitieux et difficile...
« Quand nous mettrons le pied sur l'accélérateur, nous serons difficiles à égaler » (Joelle Pineau, directrice de la recherche en IA chez Meta)
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