Au secours ! Les constructeurs automobiles doivent impérativement baisser leurs émissions de CO2... Et pas qu'un peu ! En 2020, l'Union européenne a imposé un objectif moyen de 95 g de CO2 par kilomètre. Soit plus de 20 g d'écart avec la moyenne enregistrée en 2018... Et ce n'est pas tout : en 2030, ils devront encore baisser de 37,5 % leurs émissions.
Au-delà, les pénalités seront massives : certains instituts ont calculé des amendes de plusieurs milliards d'euros par constructeur. Autrement dit, il est impératif que ces derniers accélèrent sur les motorisations décarbonées. La voiture électrique est idéale (en plus, elle compte double crédit dans les calculs de l'UE), mais elle coûte encore cher et les automobilistes rechignent toujours à la choisir en raison du manque d'infrastructures. Avec moins de 2 % du marché du neuf au premier semestre, cette technologie ne suffira jamais à pallier les émissions des motorisations thermiques.
Une seule solution : électrifier les motorisations thermiques. Cela existe déjà avec l'hybridation... Mais cette technologie coûte trop cher. Sauf si on regarde du côté de ce qu'on appelle dans le jargon la « petite hybridation », autrement dit le 48 volts. « Nous sommes convaincus que le 48 volts sera le standard de demain », expliquait en septembre Jacques Aschenbroich dans nos colonnes. Et pour cause, le PDG de Valeo mise beaucoup sur cette technologie pour accroître ses ventes.
Le 48 volts, ou mild hybrid, est une hybridation d'une voiture thermique mais sur une moindre tension que les hybridations connues jusqu'ici, incarnées par la Toyota Prius (300 volts environ). Et cela change tout... « La peau humaine n'est pas conductrice sur du 48 volts, il n'y a donc aucun risque de sécurité pour l'homme », explique Guillaume Devauchelle, directeur de l'innovation chez Valeo. Ainsi, installer ce système est bien moins coûteux qu'une hybridation classique car il n'implique pas d'équipements de sécurité lourds et onéreux (double câblage...).
Jusqu'ici, il y avait sur le marché quelques véhicules qui fonctionnaient avec de la basse tension. Suzuki booste ainsi ses petites voitures avec du 12 volts, ce qui permet d'économiser 1 litre environ au 100 km, nous assure-t-on chez la marque japonaise. « Le 48 volts, c'est la même chose que le 12 volts, mais quatre fois plus puissant », résume Guillaume Devauchelle, pour qui le champ des possibles est beaucoup plus large que de l'hybridation.
D'abord, le 48 volts assistera la propulsion des voitures dans les manœuvres les plus énergivores (dépassement, accélération, démarrage). « En moyenne, il peut faire économiser 20 % de carburant », assure le patron de la recherche de Valeo. Mais cette technologie permettrait également à une marque plutôt bien positionnée sur ses émissions de CO2 de lancer une gamme de voitures plus sportives sans perdre un gramme de CO2... Plusieurs marques généralistes travaillent sur un label sport basé sur le 48 volts. De leur côté, les marques premium vont utiliser cette « petite électrification » pour un supplément de couple moteur.
Pourquoi pas une auto 100 % électrique au 48 volts ?
Mais Valeo estime qu'il est possible d'aller plus loin encore. En 2018, l'équipementier automobile français avait présenté à Las Vegas un concept car d'une voiture 100 % électrique qui ne fonctionne qu'avec la technologie 48 volts. « On peut parfaitement proposer une voiture d'une autonomie de 100 km et qui roule à 100 km/h maximum », détaille Guillaume Devauchelle qui juge que cela répond à la plupart des usages. « Cette technologie est tout à fait adaptée au marché chinois et l'est autant pour les grands centres urbains », ajoute-t-il.
Autrement dit, si la Chine se convertit massivement au 48 volts, c'est le jackpot pour Valeo qui estime être déjà bien positionné sur ce segment, avec environ 40 % des premières prises de commandes mondiales. Et la trajectoire s'annonce exponentielle. D'après les projections de Valeo, ce domaine représentera la quasi-totalité du marché diesel en 2030, mais, surtout, près d'un tiers du marché automobile mondial, toutes motorisations confondues.
Pour Guillaume Crunelle, associé chez Deloitte et spécialiste de l'industrie automobile, le 48 volts arrive au bon moment sur le marché :
« Dans un contexte où l'idée de voiture polyvalente est peu à peu abandonnée, il y a un véritable enjeu à décomplexifier la technologie. À cet égard, le concept car présenté par Valeo d'une voiture 100 % électrique uniquement fondée sur du 48 volts paraît intéressant. »
Guillaume Devauchelle abonde dans ce sens, et ce malgré la concurrence de la voiture 100 % électrique dont les modèles se multiplient, l'autonomie s'accroît et le prix des batteries s'écroule. « Il y a un fantasme de la forte autonomie alors qu'en pratique on ne l'utilise jamais, le trajet moyen fait moins de 10 kilomètres... », souligne-t-il.
Mais pour s'imposer dans l'électrique et faire définitivement disparaître le thermique, le 48 volts reconfigurera la carrosserie d'une voiture puisque celle-ci devra peser moins d'une tonne... À rebours de la tendance actuelle qui privilégie les SUV dont le poids moyen se situe plutôt entre 1,5 et 2 tonnes.
La petite hybridation a le vent en poupe
Volkswagen est l'un des premiers constructeurs à commercialiser une voiture dotée de cette technologie en mild hybrid. Sa nouvelle Golf sera ainsi équipée du 48 volts. La marque allemande réfléchit à généraliser cette technique à toute sa gamme à moyen terme. De son côté, le français PSA Peugeot Citroën va se fournir auprès de Punch Powertrain en boîtes d'embrayage électrifiées 48 volts en 2022. Suzuki fera également évoluer sa gamme vers la petite hybridation avec le S-Cross et le Vitara dès janvier, avant la Swift Sport en février.
Pour les constructeurs, le mild hybrid pourrait même supplanter l'hybridation classique... Le ratio du rendement énergétique rapporté à son coût le rend extrêmement compétitif. Le mild hybrid représente moins d'un tiers du prix d'un hybride classique, mais apporte jusqu'à deux tiers de ses bénéfices énergétiques. D'ailleurs, les constructeurs sont de plus en plus nombreux à annoncer la fin de leur programme d'hybridation à haute tension, dont les groupes Volkswagen et General Motors. Le 48 volts aurait donc déjà marqué des points contre l'hybride classique... L'histoire dira s'il aura su s'imposer une place face au 100 % électrique.
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