Arkema déconseille de manger les fruits et les légumes de ses potagers jouxtant son usine près de Lyon

L'usine chimique Arkema, près de Lyon, sous le coup de plusieurs plaintes liées aux « polluants éternels » PFAS, a adressé un courrier aux utilisateurs de son jardin partagé leur recommandant de ne pas consommer les fruits et légumes, a indiqué vendredi l'entreprise.

Déjà visée par plusieurs plaintes liées aux « polluants éternels » PFAS, soupçonnés d'être à l'origine d'une pollution du Rhône, de l'air et du sol, l'usine chimique Arkema de Pierre-Bénite, dans la « vallée de la chimie » à 8 km au sud de Lyon, a prévenu par courrier les utilisateurs de ses jardins potagers jouxtant l'usine de ne pas consommer les fruits et légumes qui en sont issus. L'entreprise a ainsi confirmé une information de France 3 selon laquelle un courrier en ce sens avait été envoyé aux quelque soixante locataires du jardin potager.

La préfecture estime la mesure prématurée

Selon Arkema, cette recommandation fait suite à des « résultats préliminaires d'analyses » qui doivent encore faire l'objet de « résultats définitifs de l'évaluation des risques potentiels ». En fin d'année dernière, une première étude n'avait relevé qu'un seul dépassement, celui du taux de PFNA (un des polluants PFAS) « jusqu'à 25 fois la valeur repère sur les carottes » aux abords immédiats de l'usine. Dans un arrêté du 14 juin, la préfecture a de son côté demandé des analyses supplémentaires. Les résultats des analyses étant préliminaires et « même primaires », elle estime prématurée la décision d'Arkema de recommander de ne plus consommer les fruits et légumes. « Cette décision s'appuie sur des résultats non valables scientifiquement », indique la préfecture, car ils doivent encore être vérifiés par une contre-expertise de la part des services de l'Etat.

Référé environnemental

L'usine Arkema de Pierre-Bénite est par ailleurs visée par un référé pénal environnemental, déposé le 25 mai dernier par une quarantaine d'associations et personnes physiques qui exigent des sanctions contre l'industriel et une étude des risques sanitaires liés aux PFAS. Certains plaignants disent souffrir de « perturbations endocriniennes » et font état d'un « cancer des testicules chez un enfant de moins de deux ans », des maladies potentiellement liées au PFAS, selon leur avocate. Ces requérants réclament à Arkema « l'arrêt immédiat de ses rejets aqueux contenant des PFAS à 1 kilo par mois » et une « étude des risques sanitaires visant à évaluer l'ampleur de la contamination ».  Sur ce volet, il s'agit de faire procéder à des prises de sang et des analyses « payées par Arkema » du lait maternel ou des denrées alimentaires de producteurs bio et non-bio pour évaluer une contamination qui « aurait pu être évitée », avait souligné Camille Panisset, responsable régionale de l'association environnementale Notre affaire à tous, à l'initiative de ce référé. Arkema avait assuré lors de l'annonce de cette plainte collective que « le site de Pierre-Bénite respecte toutes les réglementations quant à ses rejets industriels et est régulièrement contrôlé par les autorités ».

Un arrêté préfectoral de 2022 a enjoint à Arkema d'arrêter l'utilisation de PFAS à fin 2024. L'industriel a depuis installé une station de filtration permettant de réduire drastiquement ces rejets, mais les plaignants demandent que l'eau soit aussi traitée avant son utilisation. Pour un documentaire diffusé ce même jour, France 3 Auvergne-Rhône-Alpes avait également demandé dix prélèvements sanguins à des riverains volontaires et les analyses d'un laboratoire de Liège ont révélé une très forte présence de deux PFAS.

Plainte en vue

Une autre plainte se profile. Elle devrait être déposée devant le parquet de Lyon d'ici à septembre, « afin d'établir les responsabilités de chaque acteur pour réparer ce préjudice environnemental et sanitaire », selon les déclarations du maire de Pierre-Bénite, Jérôme Moroge, le 27 juin dernier. Sa qualification pénale n'est pas encore arrêtée, selon Jean-Marc Hourse, l'avocat mandaté par 20 communes, qui précise qu'Arkema et le chimiste Daikin, également présent à Pierre-Bénite, « seront nommément cités ». « Pollution des eaux » et « écocide » seraient néanmoins les qualifications les plus envisageables.

L'exemple de 3M aux Etats-Unis

Sur le plan réglementaire, des milliers de sites industriels vont par ailleurs devoir mener une campagne « d'identification et d'analyse » de leurs rejets de PFAS, selon un texte du Journal officiel, fin juin. Regroupant une population de 200.000 habitants, les 20 communes du sud de Lyon (dont neuf ne font pas partie de la Métropole) militent elles-aussi pour une « étude d'imprégnation » et entendent en convaincre l'ARS et la préfecture. Elles ont sollicité le laboratoire d'analyses Eurofins Biomnis, engagé dans une étude similaire autour de l'usine de 3M à Anvers (Belgique), qui leur a présenté mardi un dispositif similaire.  « Si nous nous mettions d'accord aujourd'hui, une telle étude, sur une cohorte de 1.000 personnes, pourrait être terminée en janvier », selon le maire de Pierre-Bénite, qui chiffre à 300.000 euros le coût de la « première phase » de cette étude, insistant sur le principe du « pollueur-payeur ».

En avril, un rapport de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) avait recommandé au gouvernement d'agir « sans tarder » sur des produits dont le « caractère cancérigène est suspecté ». Aux États-Unis, 3M a accepté en juin de verser jusqu'à 12,5 milliards de dollars pour mettre fin aux poursuites engagées par plusieurs réseaux publics de distribution d'eau potable contaminés aux PFAS.

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Commentaires 6
à écrit le 02/08/2023 à 17:24
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Thank's ! Fruits de grosses légumes, jours et nuits

à écrit le 23/07/2023 à 1:07
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Nous voila parti pour une prochaine délocalisation.

à écrit le 22/07/2023 à 19:15
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"Aux États-Unis, 3M a accepté en juin de verser jusqu'à 12,5 milliards de dollars pour mettre fin aux poursuites engagées par plusieurs réseaux publics de distribution d'eau potable contaminés aux PFAS" Tiens nous n'aurions pas appris récemment que 7...

le 23/07/2023 à 11:19
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Les pollueurs payeurs je suis pour afin qu'ils ne lésinent pas sur les mesures de sécurité. Toutefois il faut que le consommateur prennent conscience qu'aller faire ses courses et acheter moultes produits plastiques, t-shirt en synthétique et autres ...

le 24/07/2023 à 8:12
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"Toutefois il faut que le consommateur prennent conscience " Le consommateur ne peut pas prendre conscience de quoi que ce soit ou bien très difficilement, ce sont ses instincts grégaires qui sont sollicités en l'incitant à consommer et rien d'autre....

à écrit le 22/07/2023 à 19:06
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On ne devra y planter que des fleurs... artificielles: pensez aux insectes pollinisateurs.

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