Déserts médicaux : du concret pour les médecins, des questions en suspens pour la télémédecine

Le Premier ministre et la ministre de la Santé ont dévoilé leur plan de lutte pour lutter contre les inégalités territoriales dans l'accès aux soins. Les mesures financières incitatives se concentrent sur l'installation des médecins dans les déserts médicaux, satisfaisant les syndicats professionnels. Le plan de développement de la structure des offres numériques est quant à lui moins concret.
Jean-Yves Paillé
Les syndicats de médecins se félicitent de l'absence de mesures coercitives pour pousser les professionnels de santé à s'installer dans les déserts médicaux.

Comment aller vers "un égal accès aux soins dans les territoires ?" En déplacement à Châlus, en Haute-Vienne, pour l'inauguration d'une maison de santé, vendredi 13 octobre, la ministre de la Santé Agnès Buzyn, et le Premier ministre Édouard Philippe ont dévoilé un plan pour répondre à cette question, dont les deux premières priorités sont la télémédecine et le développement de l'offre de soin.

Pour cette dernière, classée comme priorité numéro 1, le gouvernement espère favoriser la présence de médecins dans les zones à faible offre médicale. Il a annoncé un catalogue de mesures financières incitatives dans ce plan. Elles s'adressent à un grand nombre de profils, du jeune interne au médecin proche de la retraite.

Afin de pousser les médecins à exercer dans les déserts médicaux, Agnès Buzyn et Édouard Philippe ont ainsi annoncé 50.000 euros d'aides conventionnelles sur 3 ans pour l'installation d'un médecin dans une région en sous-densité médicale. Le gouvernement va également faciliter le cumul emploi/retraite pour que les médecins souhaitant exercer plus longtemps. Ces derniers pourront être exonérés de cotisations au régime Prestation complémentaire vieillesse jusqu'à un seuil de 40.000 euros de revenus, contre 15.000 aujourd'hui, dans les zones qui seront jugées sous-médicalisées. Le gouvernement lancera des travaux en 2018 pour (re)définir ces zones.

Autre mesure pour encourager le déplacement occasionnel de médecins dans les "zones sous-denses", une revalorisation des honoraires de 25% jusqu'à 20.000 euros de revenus issus de ces activités.

Enfin, le gouvernement va revaloriser l'indemnité des maîtres de stage présents dans les déserts médicaux de 50% (soit 300 euros)". L'objectif ? Les encourager à prendre sous leur aile interne des stagiaires. Ces derniers pourront potentiellement bénéficier d'aides financières pour le logement et le transport.

Ces mesures devraient aider à remplir les nouvelles maisons de santé, dont il veut doubler le nombre on en compte 910, selon un rapport sénatorial récent, et 330 en projet-.Pour y parvenir, le gouvernement investira 400 millions d'euros d'ici durant le quinquennat. Les premiers euros seront débloqués à la fin de l'année.

Les médecins ravis de l'absence de mesures coercitives

Les organisations de médecins se sont montrés enthousiastes suite à ces annonces. Eux qui étaient quasi-constamment défiants à l'encontre de Marisol Touraine, la précédente ministre de la Santé...

Plusieurs syndicats de médecins libéraux se sont montrés satisfaits, à l'instar du Groupement autonome des généralistes jeunes (Reagjir) et la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF). Le premier syndicat médical "se félicite de l'absence de mesures coercitives à l'installation des médecins". Il se réjouit en outre des "mesures incitatives à l'installation" qui "permettront de réduire es inégalités d'accès aux soins. Le gouvernement l'a bien compris".

Flou sur la structure de l'offre en télémédecine

Toutefois, Edouard Philippe et Agnès Buzyn estiment que cela ne suffira pas à remédier au problème des déserts médicaux. Aujourd'hui, 8 % de la population -plus de 5,3 millions de personnes- réside dans une commune sous-dense en médecins généralistes, au sens d'une accessibilité inférieure à 2,5 consultations par an et par habitant, d'après les derniers chiffres de la Drees, publiés en mai 2017. Ils ont donc fixé comme deuxième priorité le développement de la télémédecine.

Dans ce domaine, les mesures annoncées sont moins détaillées et pourraient se mettre en place laborieusement. Tout d'abord, des négociations conventionnelles seront mises en place pour "définir une tarification pour la téléconsultation et la télé-expertise". Ces "pourront ainsi avoir un tarif avant l'été 2018", espère le gouvernement.

Par ailleurs, pour équiper tous les Ehpad et les établissements de zones sous-denses en appareils de télémédecine, les crédits du fonds d'intervention régional (FIR) ad hoc "seront doublés dès 2018 pour passer à 18 millions d'euros", soit 28 000 euros par établissement. L'objectif du gouvernement est de recourir à la télémédecine en particulier pour "éviter les hospitalisations inutiles et améliorer la qualité du suivi des patients".

Néanmoins, il n'est pas précisé si ces outils de téléconsultations serviront à tous les spécialités possibles et imaginable de la télémédecine. Et globalement, la structure future de l'offre en télémédecine reste flou. Le PLFSS 2018 prévoyait de mettre "fin au caractère expérimental de la télémédecine". Or le gouvernement ne sortira pas de toutes les expérimentations, en télésurveillance notamment. Il veut encore étudier les projets et "faire confiance aux acteurs des territoires pour construire des projets et innover", avec une "évaluation régulière de la mise en place des différentes actions territoriale", grâce à un "comité national de suivi des actions locales". Une prise de recul qui pourrait éviter des usages inutiles. Comme l'expliquaient à La Tribune plusieurs acteurs impliqués dans la télémédecine, un certain nombre d'actes de médecine à distance pourraient s'avérer inutile, selon des critères médico-économiques. D'un autre côté, des expérimentations en télémédecine sont déjà menées depuis de nombreuses années et tardent à être appliqués à l'échelle nationale, comme le rappelle la Cour des comptes...

Flou sur la démocratisation du DMP, des rendez-vous en ligne,...

Toujours dans la santé numérique, d'autres axes ont été évoqués vendredi sans que le cheminement pour y aboutir soit détaillé. Ainsi, le gouvernement prévoit de généraliser le dossier médical personnel (DMP), qui tarde à se démocratiser (moins d'un million de personnes disposent de ce dossier qui permet aux professionnels de santé d'accéder à toutes les données médicales d'un patient).

Aucune précision non plus  sur la façon de généraliser "des possibilités de prises de rendez-vous en ligne" ou sur le développement de "la compatibilité entre les logiciels", une mesure de simplification pouvant éviter redondances et coûts supplémentaires dans le parcours du patient.

Jean-Yves Paillé

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Commentaire 1
à écrit le 13/10/2017 à 18:37
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Les aides financières ne régleront pas la question de la désertification , il s'agit pour les médecins d'un problème de qualité de la vie tant pour eux mêmes que pour leur famille , conjoint et enfants ( travail et études) et cela ne concerne pas un...

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