Climat : le nantais La Florentaise fait son entrée en Bourse

Devenu, en vingt ans, le leader des terreaux bas carbone en France, le groupe nantais Florentaise s’apprête à entrer en Bourse sur le marché Euronext Growth pour accompagner son développement à l’international. Et ce, au gré d’un modèle économique qui associe l’implantation d’usines en Chine et la location de lignes de production de substituts à la tourbe en Europe et aux Etats-Unis.
L’ETI familiale Florentaise, détenue par Jean-Pascal Chupin, PDG et ses deux enfants, Chloé et Antoine, directeurs généraux adjoints.
L’ETI familiale Florentaise, détenue par Jean-Pascal Chupin, PDG et ses deux enfants, Chloé et Antoine, directeurs généraux adjoints. (Crédits : Benjamin Lehari)

Au premier jour du printemps, l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) a, tard dans la soirée, donné son feu vert à l'introduction en Bourse, sur le marché Euronext Growth, du groupe Florentaise, devenu en deux décennies le leader français des terreaux bas carbone. L'ETI familiale nantaise, détenue par Jean-Pascal Chupin, PDG, et ses deux enfants, Chloé et Antoine, directeur généraux adjoints, respectivement en charge de la RSE et de l'international et de l'innovation, ambitionnent de passer d'un chiffre d'affaires de 57,5 millions en 2022 à plus de 120 millions d'euros d'ici à cinq ans. Et d'atteindre un résultat d'exploitation de 20%, contre 4,9% l'an dernier pour devenir la référence mondiale des terreaux bas carbone. Un challenge qui va se jouer au rythme de la fin de l'exploitation des tourbières en Europe à l'horizon 2050 pour atténuer le réchauffement climatique.

La tourbe, matière organique fossile formée par accumulation sur de longues périodes de temps de matière organique morte, forme la majeure partie des sols des tourbières. Séchée, elle est utilisée comme un combustible.

Une alternative à la tourbe

Pour cette ex-entreprise sablière, le pivot date du début des années 2000. Dix ans après l'interdiction de l'extraction de sable en Loire, Florentaise, fournisseur des maraîchers nantais, se cherchait un gisement de substitution. « Alors, on a anticipé la fin de l'extraction de tourbe », explique Jean-Pascal Chupin, PDG du groupe Florentaise qui mettra alors la main sur les brevets de fabrication de deux substituts à la tourbe, entrant dans la fabrication du terreau et développer un process industriel inédit Et bien lui en a pris. Le premier (Hortifibre)  est produit à base de fibre de bois, le second (Turbofibre) d'écorce. L'un et l'autre recèlent des qualités spécifiques pour optimiser l'eau et l'air et favoriser la pousse. Ces deux produits, labelisés Ecolabel, offriraient une empreinte carbone 20 à 50 fois moins importante que les tourbes.

Vingt ans plus tard, à l'occasion de la COP 15 Biodiversité, en 2022, cent-dix-sept pays signaient un accord mondial pour la préservation de la biodiversité et des zones humides, incluant les tourbières. Estimées à 3% de la surface du globe, celles-ci renfermeraient 33% du Co2 terrestre, et abriteraient 50% d'une biodiversité extrêmement riche. Selon le GIEC (Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat), « Lutter contre l'exploitation et l'asséchement des tourbières constitue l'une des manières les plus efficaces d'éliminer le carbone de l'atmosphère, contribuant ainsi à freiner le réchauffement climatique ». En 2019, déjà, l'Irlande, où la tourbe est une ressource historique, avait interdit l'exploitation industrielle et commerciale de ce matériau fossile. « Une première à l'échelle européenne qui devrait conduire à son interdiction totale à l'horizon 2050 sur tout le continent européen", rappelle Jean-Pascal Chupin, pionnier des terreaux bas carbone, qui revendique des solutions dont 77% des matières premières utilisées pour la production des terreaux ne contiennent pas de tourbe.

machine BIVIS

L'installation de lignes de production Bivis chez les fabricants de terreau va permettre  de se rapprocher des zones de production de bois et d'écorces et de réduire l'empreinte carbone liée aux transports. (crédit photo : Benjamin Lehari)

Les tourbières russes et canadiennes bientôt non concurrentielles

A ce jour, la majorité des terreaux vendus aux particuliers et aux professionnels (horticulteurs, pépiniéristes...) peuvent encore contenir jusqu'à 60% de tourbes. Un marché fortement sollicité par le développement des productions hors sol et le verdissement des villes. « En 2017, ce marché représentait 112 millions de m3 dans le monde pour un volume d'affaires estimé à 6,7 milliards d'euros et devrait être multiplié par plus de 4 pour atteindre 28,3 milliards d'euros à l'horizon 2050 », rappelle le groupe Florentaise, qui a mis au point un process industriel inédit et modèle économique astucieux pour déployer ses solutions écologiques à travers la planète. Et pour cause. « Tous les pays de l'hémisphère nord ferment tour à tour leurs tourbières. Les dernières autorisations ont été accordées aux Pays Baltes pour 2020-2050. Les tourbes russes et canadiennes seront bientôt confrontées à des coûts de transport rédhibitoires », indique Jean-Pascal Chupin, qui arrêtera fin 2026 l'exploitation de la dernière tourbière autorisée en France à Baupte (Manche).

Enfoncer le clou en Chine

Présent sur le marché grand public (61%) chez des distributeurs comme Truffaut, Mr. Bricolage, Intermarché, Super U, Lidl, Aldi... et chez les professionnels (39%), l'entreprise (254 personnes), qui revendique un sac de terreau sur cinq vendus en France, a bâti son modèle sur un approvisionnement local dont 65% des matières premières (résidus de bois, écorces...) sont sourcés à moins de 200 km, grâce à un réseau de neuf sites de production répartis sur l'Hexagone. « Ce qui nous a permis de réduire nos émissions carbones de 95% », note Jean-Pascal Chupin qui a, depuis, déployé son modèle en Chine en s'appuyant sur des partenariats locaux pour implanter une première dans la province du Jiangsu, près de Shanghai en 2016, une deuxième à Canton dans le Guangdong en 2021... « suivront des usines à Kumming en 2023, à Pékin en 2024, à Quingdao en 2025, et une autre, entre temps à Shanghai pour répondre au besoin du gigantesque marché aux fleurs et toucher le marché grand public », égrène Jean-Pascal Chupin, porté par les ambitions de la Chine, où l'interdiction des tourbières, déjà effective, et qui viserait l'objectif de « Zéro Emission Nette » en misant notamment sur le développement des cultures hors-sol, économes en eau. Florentaise y réalise déjà 11% de son chiffre d'affaires.

Un modèle de location innovant à l'export, sauf en Chine

Plutôt que d'implanter de coûteuses usines pour se développer en Europe et aux Etats-Unis où les risques de piratages sont aussi moins élevés, le groupe Florentaise a noué un partenariat de distribution exclusif avec la société Clextral pour mettre en place un modèle de location de lignes de production Bivis, un outil industriel éprouvé permettant de produire les fibres de bois, destinés à être installées chez des fabricants de terreaux en Europe et aux Etats-Unis pour produire des substrats écologiques, destinée à remplacer la tourbe, quelle soit blonde, brune ou noire. En d'autres termes, une solution clé en main reposant sur un modèle de loyers horaires assorti à un forfait de maintenance, ne nécessitant pas un investissement lourd de départ, et permettant d'appliquer facilement un coût horaire de production dans la formation des prix. Six machines sont d'ores et déjà installé chez un fabricant de terreaux britannique, qui a commandé sept autres machines. « Tout le monde s'y intéresse », assure le PDG de Florentaise, qui table sur une perspective de quinze nouvelles commandes en Europe et sept par an aux Etats-Unis chez de grands noms de l'horticulture d'ici 2023/2024. Complémentaire à la vente de terreaux, cette activité qui a généré un chiffre d'affaires de 1,8 million d'euros en 2022 devrait permettre au groupe nantais d'accélérer sa croissance, pour atteindre 3,4 millions d'euros à fin juin 2024. Selon les estimations de Florentaise, ce nouveau secteur devrait peser 20% du chiffre d'affaires consolidé à l'horizon 2027. Il devrait permettre de mieux équilibrer les ventes entre le marché des particuliers et des professionnels et de limiter les émissions de Co2.

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