Article mis à jour à 11h54
Suez dit non à Veolia. "Après s'être réuni à plusieurs reprises au cours des mois de janvier et février pour étudier les caractéristiques du projet d'offre" de son concurrent, qui après avoir acheté 29,9% de son capital à Engie veut acquérir le reste, le Conseil d'administration de Suez "a décidé à l'unanimité, lors de sa réunion du 24 février 2021, que les conditions n'étaient pas réunies pour accueillir favorablement un tel projet".
"(...) le projet industriel et l'offre à 18 euros de Veolia ne sont pas acceptables", déclare Suez dans un communiqué.
Le groupe, qui, ce même jour, publie ses résultats pour l'année 2020, estime en effet que "l'intérêt social de Suez n'est pas préservé dans une opération qui implique son démantèlement", alors que la poursuite du plan stratégique de Suez à l'horizon 2030 permettrait de créer davantage de valeur.
"La course à la taille n'apporte pas de bénéfice déterminant dans les métiers des services essentiels. Elle ne conforte ni le développement technologique, ni la qualité de service, ni l'agilité qui sont aujourd'hui les points forts du groupe Suez (...)", explique le communiqué.
La promesse d'"un retour à la croissance organique"
Les arguments déployés par Suez pour refuser l'offre de Veolia s'adressent notamment à ses actionnaires, auxquels Veolia, dans son projet d'OPA déposé auprès de l'AMF le 8 février, a proposé 18 euros par action, - le même prix payé à Engie en octobre -, et qui devront se prononcer sur la fusion lors de l'assemblée générale ordinaire de Suez en mai.
"La valeur intrinsèque de Suez reste bien supérieure au prix proposé comme le démontrent les résultats 2020 du groupe Suez publiés ce jour et la trajectoire financière améliorée annoncée pour 2021: la croissance du chiffre d'affaires, l'amélioration de la profitabilité et de la trésorerie permettront d'augmenter les dividendes et de procéder à des distributions exceptionnelles", assure le communiqué.
En 2020, le chiffre d'affaires de Suez, affecté par la crise sanitaire, a pourtant baissé de 2,6% en variation organique, en s'établissant à 17,2 milliards d'euros. La décroissance organique de l'EBITDA et de l'EBIT du groupe ont respectivement atteint 9,9% et 40,8%, pénalisés par des coûts et provisions liés à la pandémie. Le groupe souligne néanmoins que "les missions de services publics essentiels et vitaux ont été remplies dans tous les territoires", et que "le second semestre a marqué le retour progressif vers des niveaux d'activité proches des niveaux historiques, dans un environnement demeurant volatile". La dette nette a été réduite de 4%, "grâce à l'amélioration structurelle de la génération de trésorerie".
En 2021, Suez compte d'ailleurs améliorer ses objectifs, en dépassant 16 milliards d'euros de chiffre d'affaires "avec un retour à la croissance organique", et en portant son EBIT à plus de 1,4 milliard d'euros. Lors de sa prochaine assemblée générale, le groupe compte en outre proposer de verser un dividende ordinaire de 0,65 euro par action, et "confirme l'intention de procéder à une distribution exceptionnelle d'1 milliard d'euros, comme annoncé en septembre 2020".
Un plan stratégique déjà en oeuvre
"Les progrès dans la mise en œuvre du plan stratégique SUEZ 2030 (présenté à l'automne 2019, ndlr) mettent en lumière le potentiel de repositionnement dans les zones de croissance les plus prometteuses de cette décennie", promet encore Suez à ses actionnaires.
"En 2020, malgré un contexte sanitaire inédit d'envergure mondiale (...) Suez a non seulement déployé son plan stratégique "Suez 2030" mais a aussi accéléré sa mise en œuvre en priorisant quatre axes: l'accompagnement industriel, le développement à l'international, l'innovation et la sélectivité", insiste en effet le groupe, en soulignant que plusieurs contrats, "de plus en plus technologiques", ont été signés, en France comme à l'international. Il liste également les cessions réalisées en 2020, ainsi que les acquisitions stratégiques entamées en 2021, en exécution du plan de rotation d'actifs prévus dans sa stratégie.
Selon Suez, en outre, d'autres observations devraient peser dans l'évaluation par les actionnaires de l'offre de Veolia. Ainsi, non seulement, depuis le prix payé par Veolia à Engie, "le CAC 40 s'est apprécié de près de 20%".
Aussi, "Engie a pu céder ses titres Suez au prix de 18 euros par action le 6 octobre 2020 alors que (i) les actionnaires minoritaires de Suez ne bénéficieraient, le cas échéant, d'un tel prix qu'en mai 2022 au plus tôt et (ii) l'offre de Veolia reste soumise à un risque d'exécution significatif lié à l'obtention des autorisations réglementaires", note le communiqué.
"Le prix proposé par Veolia ignore la valeur des synergies de 500millions d'euros que Veolia même prévoit, et qui devrait être partagée entre les actionnaires des deux entreprises", a ajouté le directeur général adjoint en charge des finances de Suez, Julian Waldron, lors d'une conférence de presse.
Ouverture à une "solution négociée"
"Le prix proposé de 18 euros par action (coupon attaché) caractérise un traitement inéquitable des actionnaires minoritaires de SUEZ par rapport à Engie", conclut Suez, avant d"ajouter:
"À cet égard et au regard de l'amélioration des perspectives liées à la mise en œuvre du plan stratégique Suez 2030, les cours de référence ainsi que les autres éléments de valorisation retenus par Veolia dans son projet de note d'information sont dépassés et incorrects".
La prime proposée par Veolia serait ainsi de "seulement 13,1% par rapport au cours au 21 février 2020 (pré-covid)".
A 9h55 vendredi, le cours de l'action de Suez s'établissait à 17,280 (+0,70%).
Quant aux autres parties prenantes, le Conseil d'administration répète ses doutes sur les engagements sociaux pris par Veolia vis-à-vis des salariés de Suez, ainsi que ses craintes sur les risques d'exécution de la fusion liés aux exigences du maintien de la concurrence. Il réitère également ses critiques sur la compatibilité de l'OPA de Veolia avec les principes et les règles de droit boursier.
Suez prendra également "toute mesure utile pour s'assurer que Veolia n'impose pas ses propres intérêts lors de l'assemblée générale des actionnaires", affirme le communiqué. Il s'agit d'assurer le respect des règles encadrant le droit de vote d'un concurrent dans une telle "situation inédite", afin d'éviter toute "prise de contrôle rampant" aux détriments des autres actionnaires, a précisé le directeur général de Suez, Bertrand Camus. Ces derniers demandent à Suez d'assurer leur capacité à décider de l'avenir du groupe, affirme Julian Waldron.
Suez répète néanmoins "son souhait de parvenir à une solution négociée et agréée" avec Veolia. Or jeudi, le PDG de Veolia, Antoine Frérot, a redit son envie d'être écouté par le Conseil d'administration de Suez, mais seulement sur son projet, sur lequel, estime-t-il, il serait "le meilleur médiateur". Suez le recevra-t-il alors malgré le refus formel de son offre?
"Le Conseil d'administration de Suez a examiné en profondeur l'offre de Veolia, nous la connaissons. Mais si Antoine Frérot a de nouvelles propositions alignées avec nos attentes, il a mon numéro de téléphone, et le Conseil d'administration l'écoutera", a répliqué vendredi le président de Suez, Philippe Varin, devant les journalistes.
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