Fuites de méthane : l'AIE dénonce « le manque d'action » des producteurs d'hydrocarbures

En matière de lutte contre les émissions de méthane, les producteurs d'hydrocarbures n'en font pas assez estime l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Leurs rejets de méthane restent « obstinément élevés » malgré la spectaculaire hausse de leurs revenus. D'autant que les solutions sont simples et connues pour faire baisser les rejets - détection de fuites, réparation d'équipements - sans représenter un coût important. Les limiter fait d'ailleurs partie des solutions à court terme pour limiter le réchauffement climatique.
Le secteur de l'énergie a contribué à 40% des émissions de méthane liées à l'activité humaine, par les rejets ou fuites de gaz pendant leur extraction ou leur transport, selon l'AIE.
Le secteur de l'énergie a contribué à 40% des émissions de méthane liées à l'activité humaine, par les rejets ou fuites de gaz pendant leur extraction ou leur transport, selon l'AIE. (Crédits : Jürgen Fälchle/Fotolia)

C'est le deuxième plus important gaz à effet de serre après le dioxyde de carbone. Le méthane est responsable d'environ 30% du réchauffement mondial depuis la révolution industrielle. Sans compter que ses émissions liées aux secteurs du pétrole, du gaz, du charbon et de la bioénergie ont légèrement augmenté l'an dernier, approchant leur sommet de 2019, selon le rapport « Global Methane Tracker 2023 » de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) publié ce mardi.

Le secteur de l'énergie a ainsi contribué à 40% des émissions de méthane liées à l'activité humaine, par les rejets ou fuites de gaz pendant leur extraction ou leur transport. Ce que dénonce l'AIE qui pointe « le manque d'action » des producteurs d'hydrocarbures, alors que les émissions de méthane provenant du pétrole et du gaz pourraient être réduites de 75% avec les technologies existantes. Notamment la détection des fuites ou la réparation des équipements, que l'agence qualifie d'ailleurs de « très bon marché ». « Il faudrait moins de 3% des revenus accumulés par les sociétés pétrolières et gazières dans le monde l'année dernière pour réunir les 100 milliards de dollars d'investissements (...) nécessaires pour atteindre cette réduction », indique le rapport.

« Des progrès ont été réalisés, mais les émissions sont encore beaucoup trop élevées et ne diminuent pas assez rapidement, alors que les réductions de méthane font partie des solutions les moins chères pour limiter le réchauffement climatique à court terme. Il n'y a tout simplement aucune excuse », a déclaré Fatih Birol, directeur exécutif de l'AIE, cité dans un communiqué.

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Les trois-quarts des fuites pourraient être récupérées

L'explosion du gazoduc Nord Stream en septembre a fait échapper « une quantité énorme » de méthane dans l'atmosphère. Mais les compagnies pétrolières et gazières en rejettent autant tous les jours, a fait remarqué le directeur de l'AIE.

Surtout, les trois-quarts des 260 milliards de mètres cubes rejetés tous les ans pourraient être récupérés, recyclés et mis sur le marché. Ce qui représente une quantité supérieure à l'équivalent des importations de gaz russe par l'Union européenne avant l'invasion de l'Ukraine, selon l'AIE.

Le rapport s'intéresse aussi aux émissions des mines de charbon, dont les émissions passent « souvent sous le radar » et qui devraient être incitées à faire un effort particulier, plaide Fatih Birol. Celles-ci font de la Chine le premier pays émetteur de méthane, selon l'AIE.

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Objectif -30% pour le méthane

Baisser les émissions de méthane n'est pas anecdotique, mais au contraire une nécessité. L'Office météorologique mondial a alerté en fin d'année dernière sur l'accélération sans précédent de la croissance du stock de méthane dans l'atmosphère en 2020 et 2021. Ce gaz s'avère 25 fois plus réchauffant que le CO2 sur une échelle de cent ans, et 80 fois plus sur une échelle de vingt ans, ce qui en fait un redoutable gaz à effet de serre pour le climat.

Mais un atout considérable le distingue du gaz carbonique : il reste beaucoup moins longtemps dans l'air. Par conséquent, les actions entreprises dès maintenant pourraient porter leurs fruits presque immédiatement, contrairement à celles sur la réduction du CO2, voué à perdurer dans l'atmosphère pendant des décennies quelle que soit la politique entreprise aujourd'hui.

À l'initiative de l'Union européenne et des États-Unis, 122 pays se sont réunis dans un « Pacte global sur le méthane » lors de la COP26 en novembre 2021. Objectif : réduire de 30% d'ici à 2030 leurs émissions de méthane. D'après l'AIE, cela « aurait le même effet sur le réchauffement climatique d'ici à 2050 que de faire passer l'ensemble du secteur des transports à zéro émission nette de CO2 ».

Reste que pour le GIEC, le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, il faudrait même aller plus loin en diminuant ces rejets de 45% d'ici à 2030. Cela permettrait d'éviter une hausse de près de 0,3°C des températures mondiales d'ici à 2040, et jusqu'à 0,8°C d'ici à la fin du siècle. Non négligeable puisque l'Accord de Paris de 2015 vise, pour rappel, à limiter les températures sous les +2°C, si possible +1,5°C, d'ici à la fin du siècle.

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(Avec AFP)

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Commentaire 1
à écrit le 21/02/2023 à 14:04
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"Il faudrait moins de 3% des revenus accumulés" c'est énoooorme ! 3%, ils sont précieux à conserver par devers soi... :-) Y a pas un satellite spécialisé dans la détection des émissions de méthane ? Qui fournit une cartographie inquiétante (ça fuit ...

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