Hydrogène vert : Lhyfe vise quinze implantations en France et en Allemagne d’ici 2026

En mer comme à terre, le producteur d’hydrogène vert Lhyfe multiplie les projets de production pour créer des conditions de marché propices à l’usage et au développement de l’hydrogène. Quatre ans après sa création, l’entreprise qui revendique une centaine de projets en Europe, compte avoir installé quinze sites de production en France et en Allemagne d’ici à 2026. Objectif : amorcer la décarbonation des mobilités et de la petite industrie.
Sealhyfe va affronter les conditions extrêmes de l'océan cet hiver. Les données recueillies permettront d'optimiser la conception, le pilotage automatique, la maintenance... des électrolyseurs en mer comme à terre.
Sealhyfe va affronter les conditions extrêmes de l'océan cet hiver. Les données recueillies permettront d'optimiser la conception, le pilotage automatique, la maintenance... des électrolyseurs en mer comme à terre. (Crédits : Lhyfe)

« C'est un peu comme le pétrole il y a 150 ans. On a commencé à produire des barils de Brent au large de l'Ecosse dans les années 70, alors que la Standard Oil Company de John Davison Rockefeller avait créé sa première raffinerie en 1870. Il a fallu cent ans pour que l'on aille en mer. Cette fois, on va aller beaucoup plus vite », promet Matthieu Guesné, fondateur et PDG de Lhyfe, premier producteur d'hydrogène vert, créé à Bouin en Vendée en 2019.

Quatre ans plus tard, Lhyfe ambitionne déjà d'implanter à terre la production de 3 gigawatts à l'horizon 2030 et 3 gigawatts, en mer, en 2035. Fin 2022, l'entreprise présentait un portefeuille total de projets de 9,8 GW de capacité de production, contre 4,8 GW un an plus tôt. « On pousse dans les deux directions. Les deux stratégies sont importantes parce que si l'on ne fait pas le début il n'y aura pas la fin », conçoit Matthieu Guesné. Autrement dit, la production à terre doit permettre de créer le marché. De rendre l'hydrogène vert disponible dans les stations-services pour que la population achète des voitures et que les véhicules industriels roulent à l'hydrogène. « Mais, à un moment, on va manquer d'énergies renouvelables, et c'est là où la stratégie offshore va prendre le pas », résume le fondateur de Lhyfe.

De 400 à 4.000 kilos d'hydrogène par jour

Quatre ans après avoir produit ses premiers kilos d'hydrogène vert, à terre, en Vendée, Lhyfe raccordait, en juin dernier, la plateforme pilote de production d'hydrogène offshore, Sealhyfe, au site d'essais en mer SEM-REV, situé à 20 km de la côte au large du Croisic où était déjà connectée l'éolienne Floatgen (Bw ideol). Dimensionné pour produire 400 kilos d'hydrogène, l'électrolyseur, grimpé sur la plateforme WAVEGEM, a très rapidement livré ses premiers kilos d'hydrogène. Un premier pas vers la production à grande échelle. Après avoir réussi les six premiers mois de tests dans le bassin du port de Saint-Nazaire, ce prototype va affronter les conditions extrêmes de l'océan au cours de l'hiver prochain. « L'objectif, désormais, est de mesurer l'usure et le comportement du matériel face à la corrosion, au vent, au sel, à l'eau, à des vagues de dix mètres... et de réussir à produire 400 kilos jour malgré les aléas environnementaux. L'accélération des vagues a un véritable impact sur la gestion des fluides dans les systèmes. Ça va être un apprentissage ! », reconnaît Matthieu Guesné.

A la différence du site de Bouin, l'électrolyseur, fourni par la société américaine Plug Power, intègre une technologie PEM (membrane échangeuse de protons) spécifiquement adaptée à la mer où il n'est, notamment, pas nécessaire d'ajouter de la potasse pour l'électrolyse. L'importance des données recueillies par Lhyfe au cours des six prochains mois sera capitale. Ce sont elles qui guideront la conception du futur électrolyseur déployé, à Ostende en Belgique, dans le cadre du projet Hope (Hydrogen Offshore Production for Europe), un consortium, soutenu à hauteur de 20 millions d'euros par l'Union Européenne, ayant une capacité inédite de 10 mégawatts « Il ne s'agira plus de produire 400 kilos mais 4000 kilos jour. Là, on changera d'échelle et on va permettre à l'hydrogène d'être rentable », assure Mathieu Guesné. Qui plus est l'hydrogène produit ne sera pas éventé dans l'atmosphère comme c'est le cas avec le prototype Sealhyfe, mais acheminé par pipeline jusqu'à la terre. Situé à 1 kilomètre de la côte, ce projet doit être le maillon central de la filière hydrogène en Belgique.

De 14 à 75 fois la production en un an

Si, au large du Croisic, les conditions économiques et techniques n'étaient pas réunies pour acheminer l'hydrogène par pipeline ou par bateau, l'expérience du pilotage automatique, de la maintenance... profiteront à la fois aux projets terrestres et offshore. « Ce sera la même technologie utilisée sur le site de Toulouse en cours de construction, à Buléon, dans le Morbihan, où nous construisons notre deuxième site de production pour fournir 2 tonnes d'hydrogène par jour à la Bretagne. Suivra Tours, Epinal, l'Allemagne... », égrène Matthieu Guesné qui ambitionne de mailler le territoire en circuit court grâce à la mise en œuvre de contrat d'énergie PPA (Power Purchase Agrément) permettant de suppléer les besoins en énergie renouvelable. Lhyfe a d'ailleurs, avec cinq autres acteurs de l'énergie, tout récemment co-fondé l'Union Nationale de l'Hydrogène Renouvelable (UNHYR) pour alerter sur les besoins croissants de développements des énergies renouvelables dans le mix énergétique. Car pour Lhyfe, l'ambition est d'implanter quinze sites de production en France et en Allemagne d'ici 2026. « On va, cette année, multiplier par quatorze notre capacité de production. Et par soixante-quinze l'année prochaine », assure Matthieu Guesné . Le site historique de Bouin, parvenu à saturation, va d'ailleurs voir ses capacités de production tripler dès 2024.

Se préparer à la décarbonation de l'industrie et des mobilités

Lhyfe, qui entend devenir le premier opérateur d'hydrogène vert en Europe, vise un chiffre d'affaires de 200 millions d'euros en 2026. Date qui, selon Matthieu Guesné, correspondra à la mise en œuvre de la décarbonation des transports lourds en Europe « Des tests de matériels roulants sont en cours chez Volvo, Mercedes, Iveco... mais la production industrielle des camions à hydrogène en quantité, c'est plutôt pour 2026. Or aujourd'hui, seulement 1% des 46 millions de camions qui circulent sur les routes en Europe sont décarbonés », observe-t-il. Suivront les besoins pour les petites et grosses industries, sommées de se décarboner sous la pression réglementaire des quotas carbone, promis à une législation drastique à l'horizon 2030. « Les premiers y viendront vers 2027/2028. On va les voir changer de modèle dans le dernier tiers de la décennie », estime le patron de Lhyfe, dont les investissements se poursuivent en mer Baltique, en mer du Nord, en Atlantique, en Méditerranée, dans la péninsule ibérique, les pays scandinaves, les pays baltes.... pour anticiper cette potentielle montée en puissance. Si l'offshore est toujours un peu plus long et complexe qu'à terre, le coût de l'hydrogène devrait y être équivalent. C'est ce qui doit permettre de faire de meilleures économies d'échelle. « Cela permettra d'être à parité de coûts par rapport à ce qui sera produit à terre. Quand on regarde les derniers appels d'offres gagnés par EDF, sur l'éolien offshore, on est à 44 euros le mégawattheure, c'est très très compétitif. Ce ne sera pas moins cher mais ce sera le même prix qu'à terre », assure-t-il.

En implantant des installations au-delà de la ligne d'horizon qui se situe à 50 kilomètres, là où les vents sont de meilleures qualités, les éoliennes s'affranchiront aussi des problèmes d'acceptabilité. A terre, en mer et dans les têtes, l'hydrogène fait sont chemin. L'entreprise dont l'effectif a été multiplié par 2,5 l'an dernier emploie aujourd'hui 150 personnes et ne souffre d'aucun problème de recrutement. « On démontre que l'on peut créer de la valeur économique en ayant un impact positif sur l'environnement. Et certains viennent de grands groupes pour nous rejoindre », se félicite le fondateur de Lhyfe. Une prise de conscience transgénérationnelle où 50% des employés sont nés avant 1986 et 50% après.

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Commentaires 2
à écrit le 12/07/2023 à 16:23
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Qui prend les paris avec moi, qu'aux dates annoncées, on sera loin des objectifs...? Si la société n'est pas en faillite d'ici là....

à écrit le 12/07/2023 à 14:50
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et apres, on nous dit que les ENR ne sont pas rentables.......

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