C'est une nouvelle encourageante qu'ont délivrée, ce lundi, des experts dans leur estimation quadriennale publiée sous l'égide de l'ONU. Selon eux, la couche d'ozone, cette couche située dans la stratosphère terrestre, entre 20 et 50 km d'altitude, qui protège la Terre de radiations solaires dangereuses, est « en bonne voie » pour se reconstituer en quatre décennies.
Le trou dans la couche d'ozone consiste en « une diminution importante de l'épaisseur de la couche d'ozone au-dessus des pôles, au cours du printemps de chaque hémisphère. En Antarctique, il apparaît à partir du milieu du mois d'août et il disparaît entre novembre et décembre (le printemps de l'hémisphère Sud correspond à l'automne dans notre hémisphère) », selon l'Institut Pierre-Simon Laplace.
Les premiers signaux ont été découverts entre 1975 et 1984 par le géophysicien britannique Joseph Farman lors de ses campagnes de prospection avec ballons-sondes qui ont révélé une baisse graduelle et inquiétante des taux d'ozone dans la stratosphère au-dessus de la base scientifique de Halley Bay dans l'Antarctique. Puis, début 1989, un trou est observé au-dessus de l'Arctique. Ce phénomène est dû à la pollution d'origine humaine, particulièrement par les chlorofluorocarbures (CFC) autrefois émis par de nombreux réfrigérateurs, comme l'avait déjà démontré deux chimistes de l'université de Californie, Mario Molina et Sherwood Rowland, en 1974. Ces gaz industriels étaient alors abondamment utilisés dans l'industrie du froid et les aérosols. Bien des années plus tard, à la fin du mois de septembre 2006, le plus grand trou dans la couche d'ozone jamais observé au-dessus de l'Antarctique est relevé, selon les observations des Agences spatiales américaine (Nasa) et européenne (ESA).
Une série d'accord pour réduire les émissions de CFC
Grâce à la coopération mondiale, la couche d'ozone a cependant une chance de se reconstituer. Le 22 mars 1985, une première convention pour la protection de la couche d'ozone a, en effet, été signée par 28 pays dans le cadre du programme pour l'environnement de l'ONU (UNEP). Le texte visait à prévenir la destruction de la couche d'ozone par les émissions de CFC et a été ratifié par les Etats-Unis en 1986. Un an plus tard, le Protocole de Montréal (Canada), signé en 1987 et ratifié par 195 pays, a fortement réduit la quantité de CFC dans l'atmosphère, et la couche d'ozone semblait ainsi pouvoir se reconstituer complètement, selon les estimations de l'ONU. A partir de 1995, les CFC ont totalement été interdits dans l'Union européenne et leurs substituts, les HCFC, y ont progressivement été éliminés. Le 7 décembre, une nouvelle conférence internationale à Vienne a abouti avec difficultés à l'interdiction du bromure de méthyle (autre produit néfaste à l'ozone) en 2010 et des HCFC en 2020 dans les pays industrialisés. De même, le 22 septembre 2007, un accord « historique » a été conclu à Montréal par 190 pays pour accélérer l'élimination des HCFC, qui sont, en plus de leurs effets sur l'ozone, de puissants gaz à effet de serre.
En outre, l'accord de Kigali de 2016 a prévu l'élimination progressive des hydrofluorocarbones (HFC), gaz extrêmement nocifs pour le climat utilisé dans les réfrigérateurs et climatiseurs. Si l'accord est respecté, il pourrait réduire de 0,5°C le réchauffement mondial d'ici 2100, ont déjà estimé les experts.
« Si les politiques actuelles restent en place, la couche d'ozone devrait retrouver les valeurs de 1980 (avant l'apparition du trou dans la couche d'ozone) d'ici environ 2066 au-dessus de l'Antarctique, 2045 au-dessus de l'Arctique et 2040 dans le reste du monde », indique néanmoins l'ONU Environnement. En effet, « l'élimination progressive de près de 99% des substances interdites qui détruisent l'ozone a permis de préserver la couche d'ozone et contribué de façon notable à sa reconstitution dans la haute stratosphère et à une diminution de l'exposition humaine aux rayons ultraviolets (UV) nocifs du soleil », notent ces experts.
Des projets de géo-ingénieries potentiellement dangereux pour la couche d'ozone
Il ne faut toutefois pas crier victoire trop vite, préviennent les experts qui se sont penchés pour la première fois sur les potentiels effets sur l'ozone de projets de géo-ingénierie destinés à limiter le réchauffement climatique. Pour rappel, la planète a gagné près de +1,2°C depuis l'ère pré-industrielle, entraînant déjà une multiplication des canicules, inondations ou tempêtes. Face à ce constat, la communauté internationale s'est engagée à limiter ce réchauffement bien en deçà de +2°C, +1,5°C si possible. Mais les politiques actuelles laissent présager une hausse des températures de 2,8 °C d'ici la fin du siècle, bien au-dessus des limites de l'accord de Paris, selon les Nations Unies.
Parfois avancés comme une solution pour gagner du temps, les projets de géo-ingénierie ont déjà fait l'objet de mises en garde par les scientifiques alertant sur les dangers qui y sont associés. L'idée serait d'ajouter intentionnellement des aérosols dans la stratosphère pour ainsi renvoyer une partie des rayons du soleil. Plus précisément, l'un de ces projets consisterait à injecter des milliards de particules de soufre dans la couche supérieure de l'atmosphère. Ces technologies reproduiraient en quelque sorte une éruption volcanique similaire à celle du Pinatubo aux Philippines en 1991, qui avait abaissé la température de 1°C. Mais une injection de particules dans l'atmosphère « pourrait avoir pour conséquence une grave baisse du niveau de l'ozone », met en garde John Pyle, cop-président du panel scientifique qui travaille sur l'ozone pour le compte de l'ONU. D'autant que le niveau d'ozone a été affecté pendant les années qui ont suivi, remarque-t-il, alertant sur le fait qu'« il y a beaucoup d'incertitudes ».
Une modification intentionnelle des rayonnements solaires pourrait, par exemple, perturber le régime des moussons en Asie du Sud et dans l'ouest de l'Afrique et détruire ainsi les cultures dont des centaines de millions de personnes dépendent, selon des études déjà publiées. Et si la modification des rayonnements prenait fin « pour une raison quelconque, il est très probable que la température de la surface augmenterait rapidement », estime le Giec.
Un injection de particules au-dessus de l'Antarctique a été simulée, avec des résultats mitigés. Cela permettrait certes de réduire la température mondiale de 0,5°C sur vingt ans, mais le trou de la couche d'ozone retournerait à des niveaux proches de ceux des années 1990. « La chose la plus simple à faire est d'arrêter de relâcher des gaz à effet de serre dans l'atmosphère », conclut John Pyle, admettant que « c'est difficile ».
(Avec AFP)
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