La pile écolo à base de papier qui pourrait remplacer la pile à usage unique à base de lithium

Avec sa biopile innovante, développée à base de sucre et de papier, les travaux de la deeptech grenobloise BeFC pourraient bien révolutionner l’autonomie énergétique d’un grand nombre d’objets du quotidien. Du suivi des colis pour le monde de la logistique aux dispositifs médicaux, en passant par les objets connectés et même les cartes bancaires, la spin-off du CNRS planche sur beaucoup d’applications. (Cet article est extrait de T La Revue n°12 - « Climat : Et si on changeait nous aussi ? », actuellement en kiosque).
(Crédits : DR)

Elle pourrait être le support de la transformation du secteur de la logistique, avec un suivi des colis intelligent et autonome, mais aussi celui de dispositifs médicaux plus durables, voire celui de cartes bancaires avec de l'intelligence embarquée... La startup grenobloise BeFC, dont la création repose sur plusieurs décennies de travaux réalisés au sein du CNRS et ayant conduit au dépôt de six brevets (génie électronique, bioélectrochimie, « smart papers »), a développé une puce particulièrement peu énergivore et surtout biodégradable, à base de sucre et de papier. Car si à l'origine, elle se destinait à développer un nouveau modèle de biopiles implantables, s'appuyant sur un système de pompe, elle a finalement eu l'idée « de produire une pile plus petite, transférée sur du papier, qui se destine au marché des composants jetables », soulignait déjà à La Tribune son fondateur, Jules Hammond. Ce titulaire d'un master en électronique, puis d'un doctorat en électronique et biodétection, s'était entouré dès 2018 d'une équipe pluridisciplinaire avec le Dr Michael Holzinger, pour sa spécialisation dans le domaine des nanotechnologies et nanomatériaux, le Dr Jean-Francis Bloch pour son expertise du papier, ainsi que le Dr Andrew Gross, spécialisé dans l'électrochimie et les matériaux de surface. Tous espèrent rien de moins que de concurrencer et remplacer les piles à usage unique à base de lithium.

Car l'enjeu est de taille : « Nous avions remarqué une tendance au sein de l'industrie de l'Internet des objets (IoT), qui était de fournir des packagings connectés à usage unique. Dans la santé, par exemple, des capteurs sont intégrés sur des patchs à usage unique ou des produits comme un test de grossesse ou d'ovulation », résumait Jules Hammond.

Malgré un taux de collecte avoisinant les 8 %, les piles miniatures ne parviendraient en effet à être recyclées que dans moins de 3 % des cas, estime BeFC. De la taille d'une pile bouton, la biopile de BeFC utiliserait, quant à elle, la microfluidique, inhérente au papier, pour y adjoindre un procédé de conversion enzymatique du glucose et de l'oxygène en vue de produire de l'électricité. De quoi lui permettre ensuite de proposer une biopile à la fois fine, portable et légère, qui puisse s'insérer dans un grand nombre d'objets du quotidien : vêtements, patchs, etc.

Objectif : atteindre le million de puces produites par jour

La spin-off du CNRS est désormais sur le point de passer de la théorie à la pratique, avec l'industrialisation de sa technologie attendue pour 2024. Objectif : transformer l'essai des premiers volumes, estimés à 1 000 unités, à près d'un million par jour d'ici le 2e trimestre 2023, tout en finalisant ses preuves de concepts en lien avec différentes applications industrielles.

Pour cela, BeFC a déjà démarré les travaux de sa première ligne de production, qui s'apprête à s'agrandir, d'ici la fin de l'année, pour atteindre les 1 000 m2 sur son site de Villard-Bonnot, en banlieue grenobloise.

Bien qu'elle ne communique pas encore les noms de ses futurs clients, avec lesquels elle codéveloppe déjà ses premiers produits, BeFC confirme néanmoins qu'elle vise trois principaux marchés : le packaging et la logistique, le healthcare, ainsi que le milieu industriel.

« L'une des applications les plus avancées est celle du suivi de colis à destination des transporteurs comme des acteurs du e-commerce, où notre tag digital pourrait permettre de regrouper des informations et données comme la température, l'humidité, la luminosité, etc. présentes lors du voyage et de les récupérer sur une plateforme en ligne pour améliorer la traçabilité des colis », affirme Marie Berthuel, manager produit et cofondatrice de BeFC. Avec, en moyenne, une autonomie actuelle pouvant aller de quelques jours à quelques semaines, voire quelques mois. « Tout dépend du contexte d'application : la durée de vie de notre biopile dans un test de grossesse peut être de 5 à 10 minutes pour une utilisation rapide, et de 2 à 3 semaines pour un packaging connecté, allant même jusqu'à un mois en fonction des utilisations, dépendamment de si le signal doit être envoyé tous les jours ou tous les deux jours », rappelait déjà Jules Hammond.

Du dispositif médical au stockage de déchets

Sa seconde application phare sera d'ailleurs destinée au secteur médical, afin de développer une source d'énergie à destination de produits connectés, pour les patients dans le domaine de l'urologie par exemple.

« Il s'agit d'un domaine à plus long terme, que nous sommes en train de développer en commun avec un client, où nous fournirions surtout une plateforme électronique contenant des capteurs, micro-contrôleurs et composants de puissance nécessaires, le tout emballé en un produit final, avec la nécessité de passer les essais cliniques », ajoute Marie Berthuel.

Car même si la crise énergétique que connaît aujourd'hui l'Europe a mis un focus tout particulier sur les enjeux de consommation, la puissance que fournit les piles de BeFC n'est pas de nature à bouleverser immédiatement le jeu. Ni à alimenter de futurs smartphones ou tablettes. « Notre objectif est plutôt d'être compétitifs face à d'autres sources d'alimentation », résume Alban Thierry, ingénieur électronique chez BeFC. Car depuis son démarrage, BeFC veut devenir aussi peu coûteuse que les piles lithium à usage unique, tout en proposant une nouvelle technologie « environnement friendly ».

Face aux différentes projections du marché de l'IoT, qui pourrait représenter des volumes colossaux atteignant jusqu'à 24 milliards de dispositifs connectés d'ici les 10 prochaines années, d'autres niches comme celle du tracking du transport de déchets (liés au BTP tout comme à l'industrie nucléaire) sont en discussion, de même que d'autres applications pour le domaine des cartes bancaires, afin d'alimenter notamment les fonctions de biométrie pour offrir ainsi un niveau de sécurité renforcé.

Pour accompagner ses ambitions, la jeune pousse est en train de lever sa première série A, qu'elle espère d'une valeur de quinze à une vingtaine de millions d'euros, après une première phase d'amorçage où elle avait déjà réuni 3 millions de fonds privés et 3,5 millions de fonds publics. « Nous sommes particulièrement intéressés par des profils de fonds et investisseurs à impact », souligne la jeune pousse, qui comptera 45 collaborateurs d'ici la fin de l'année.

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