Le gaz européen recule à moins de 50 euros le MWh, mais la Berd est pessimiste

Le prix du gaz a chuté de 50% depuis novembre dernier, il est même sept fois moins cher qu'au début de l'invasion de l'Ukraine, et pourtant, à 50 euros, c'est encore plus de 40% cher qu'en 2019, quand le prix dépassait rarement les 35 euros du MWh. Pour la BERD, les prix actuels du gaz restent « six fois plus élevés qu'aux États-Unis » et vont peser sur la croissance.
(Crédits : KWON JUNHO - Unsplach)

Le contrat à terme du TTF néerlandais, qui fait référence sur le marché européen du gaz, s'échangeait pour moins de 50 euros le mégawattheure (MWh) au matin du vendredi 17 février. Un niveau qu'on n'avait pas vu depuis septembre 2021, et près de sept fois moins qu'à son plus haut historique dans les premiers jours de l'invasion russe de l'Ukraine.

Cette chute de -50% depuis novembre des prix européens du gaz est due à des températures anormalement clémentes en cette saison qui limitent l'utilisation du chauffage, selon Edoardo Campanella, analyste chez UniCredit. Mais pas seulement: pour lui, un autre facteur a joué, celui d'« une compétition pour le gaz naturel liquide (GNL) limitée du côté de la Chine quand les mesures anti-Covid étaient encore d'actualité ».

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Certes, les craintes de pénuries au plus fort de l'hiver en raison du rôle crucial de la Russie comme fournisseur de l'Europe se sont apaisées, mais les prix restent historiquement élevés : avant 2021 et le début des tensions sur les livraisons russes, ils avaient rarement dépassés 35 euros, autrement dit, le prix actuel représente encore une hausse de +42% par rapport à la période pré-conflit.

Les prix européens restent « six fois plus élevés qu'outre-Atlantique »

Et l'effet de répit de cette baisse ne doit pas cacher la situation préoccupante dans laquelle se trouve plongée l'économie de l'UE à cause de l'attrition des livraisons de gaz depuis la guerre en Ukraine : Salomon Fiedler, analyste chez Berenberg, le dit sans détour :

« Sans la diminution drastique des livraisons de gaz russe, l'Europe pourrait profiter actuellement d'une croissance au dessus de la moyenne plutôt que de subir une stagnation. »

Même constat du côté de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd) : soulignant des prix historiquement élevés du gaz, « six fois plus élevés qu'outre-Atlantique », elle a revu nettement à la baisse ses prévisions de croissance pour les pays qu'elle couvre, à 2,1% pour 2023 contre 3% auparavant.

Un répit de courte durée si la compétition pour le GNL reprend

Et le répit apporté par la baisse des cours pour des pays qui luttent contre une inflation galopante pourrait être de courte durée, notamment si l'on retrouve des températures saisonnières normales au prochain l'hiver 2023-24.

« Malgré des réserves élevées, si les températures se normalisent à l'hiver 2023-24, baisser la consommation sera plus difficile, rendant la compétition avec la Chine pour le GNL plus intense », prévient Edoardo Campanella l'analyste chez UniCredit.

L'Europe a augmenté ses importations de GNL de 60% en 2022 pour compenser la baisse de l'offre russe, selon un rapport publié jeudi par le géant des hydrocarbures Shell, qui prévoit que le marché restera "tendu" dans les années à venir en raison de la concurrence entre acheteurs et d'un manque d'augmentation de l'offre.

Le pétrole baisse moins que le gaz, mais la Fed rend les marchés nerveux

Du côté du pétrole, le Brent européen pour livraison en mars cédait 1,37% à 83,96 dollars vers 09H45 GMT (10H45 à Paris) et le WTI américain perdait 1,47% à 77,34 dollars.

Les prix du pétrole ont perdu quelque 3% sur la semaine, même si la tendance est moins marquée que pour le gaz.

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« Les marchés pétroliers sont plus nerveux à l'idée que la Fed pourrait remonter ses taux et détruire la demande dans les mois à venir, et des réserves commerciales américaines abondantes ont aussi pesé sur l'appétit du marché cette semaine », résume Han Tan, analyste chez Exinity.

Face à une inflation qui persiste, la Réserve fédérale américaine (Fed) pourrait poursuivre plus longtemps que prévu ses hausses de taux.

Mais cela pèse sur le pouvoir d'emprunt des entreprises et des ménages, ce qui limite par ricochet la consommation et donc la demande d'or noir.

GNL : GTT annonce des commandes dynamiques malgré l'annulation des méthaniers brise-glace par les Russes

La société française GTT (Gaztransport et Technigaz) spécialisée dans l'ingénierie navale, notamment les systèmes de transport et de stockage de gaz liquéfié, a annoncé hier, jeudi 16 février, qu'elle tablait sur une activité en hausse en 2023 grâce à un carnet de commandes fourni, après un recul l'an dernier qui a pénalisé le bénéfice net. Depuis hier jeudi, le titre est chahuté en Bourse (voir en pied d'article).

En 2022, la société a réalisé un bénéfice net de 128,3 millions d'euros, en baisse de 4%, lié à un recul du chiffre d'affaires. Les ventes se sont repliées de 2,4% à 307,3 millions d'euros, une « baisse limitée » due à un « effet de base défavorable », selon le PDG Philippe Berterottière, cité dans un communiqué.

Cet effet de comparaison « disparaît progressivement grâce à la dynamique de commandes », explique le dirigeant, qui annonce une hausse de 14% des ventes au quatrième trimestre sur un an.

Lire aussi : « Le gaz est le meilleur ami du renouvelable » (Philippe Berterottière, PDG de GTT)

« La poursuite d'une forte demande de GNL, notamment en Europe », qui compte sur le gaz liquéfié pour limiter sa dépendance des hydrocarbures russes, « génère en effet des besoins supplémentaires de méthaniers », explique encore M. Berterottière, qui souligne « une performance commerciale exceptionnelle » réalisée en 2022.

GTT a obtenu en un an quelque 200 commandes, dont 162 méthaniers. Il s'attend ainsi à un chiffre d'affaires entre 385 et 430 millions d'euros en 2023.

Le résultat d'exploitation (EBITDA) devrait atteindre en 2023 entre 190 et 235 millions d'euros, contre 161 millions en 2022 (-6,4% comparé à 2021).

En raison du retrait annoncé de GTT de Russie, le carnet de commandes, de plus de 270 unités fin 2022, n'inclut plus 15 méthaniers brise-glace pour 81 millions d'euros au total. GTT était engagé dans la conception des cuves de ces méthaniers en construction par le chantier naval russe Zvezda Shipbuilding Complex, un contrat "suspendu" depuis le 8 janvier.

Les modalités de départ concernant la conception de réservoirs sous-marins (appelés GBS pour Gravity Based Storage unit) sont "en cours de finalisation", précise GTT.

« D'autres commandes en cours dans des chantiers navals asiatiques » et « destinées spécifiquement aux projets arctiques russes" se "poursuivent normalement », ajoute le communiqué. Le conseil d'administration propose un dividende inchangé sur un an, à 3,10 euros par action.

Pour autant, en Bourse aujourd'hui, l'action GTT affiche un peu avant 13 heures, heure de Paris, une chute autour de -8%.

(avec AFP)

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Commentaire 1
à écrit le 18/02/2023 à 8:55
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c'est l'allemgne qui spécule sur le gaz pour reduires sa facture et obliger les autres nations a combler leur facture

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