Télétravail : pour faire de vraies économies d'énergie, mieux vaut fermer totalement les bureaux

Le télétravail n'a qu'un impact très faible sur la consommation d'énergie des bâtiments lorsqu'une partie des salariés seulement sont absents. Il permet néanmoins, selon une expérimentation lancée sur dix sites publics, des économies globales d'énergie de 20 à 30% lorsqu'un site est fermé pour la journée.
Selon l'étude de l'Adème, « l'impact de la non-présence des travailleurs sur site sur les consommations d'électricité (ordinateur, éclairage) est négligeable ».
Selon l'étude de l'Adème, « l'impact de la non-présence des travailleurs sur site sur les consommations d'électricité (ordinateur, éclairage) est négligeable ». (Crédits : KEVIN COOMBS)

Le télétravail n'a d'impact significatif sur l'énergie consommée par les bâtiments que si le site est totalement fermé. C'est la principale conclusion d'une étude conduite par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et l'Institut français pour la performance du bâtiment (IFPEB), qui a mesuré la consommation d'énergie sur des sites de bureau, au domicile des agents et pour leur transport, dans le but d'évaluer les gains d'énergie quand les bureaux sont fermés.

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L'expérimentation a été lancée en novembre 2022 sur dix sites publics - ministères (Transition énergétique, Transition écologique, Mer), direction générale de l'aviation civile et Ademe -, impliquant 100 agents volontaires, en Ile-de-France, Centre-Val-de-Loire et Provence-Alpes-Côte-d'Azur.

Les économies d'énergie constatées dans les bureaux sont « imputables à la sobriété et non au télétravail »

Selon les premières conclusions publiées lundi et portant sur les deux premiers mois de l'expérimentation, « l'impact de la non-présence des travailleurs sur site sur les consommations d'électricité (ordinateur, éclairage) est négligeable ». Les économies d'énergie constatées dans les bureaux sont « imputables à la sobriété et non au télétravail », alors que la baisse moyenne des consommations de chauffage fin 2022 a été de 38%. « Les bilans énergétiques complets du télétravail ne sont pas du tout évidents », lâchait le président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux le 7 septembre.

En revanche, les tests sont « concluants » lorsque les sites sont fermés une journée entière : le potentiel global d'économie est alors de 20 à 30%. Pour les seuls bâtiments, l'économie d'énergie moyenne les jours de fermeture est de « 25 à 40% » par rapport aux journées ouvertes, grâce aux économies de chauffage ». A deux reprises, durant quatre jours à la Toussaint et à Nouvel An, des sites ont été fermés pour privilégier le télétravail et mesurer si cela provoquait un effet rebond sur la consommation d'énergie au domicile des agents.

« Dans le secteur tertiaire, le gisement le plus important de sobriété repose sur un développement poussé du télétravail », souligne , en octobre dernier, le gestionnaire du réseau électrique RTE dans son rapport « Futurs énergétiques 2050 ». A condition de généraliser très massivement le télétravail « de l'ordre de 50% du temps à distance pour les emplois qui le permettent, contre 20% dans une vision qui intègre a minima les enseignements de la crise sanitaire ».

L'étude, publiée en prélude à la réunion ce lundi matin au ministère de la Transition écologique d'un groupe de travail sur le volet du Plan de sobriété énergétique concernant les grandes entreprises, conclut que « les fermetures de site sur une journée présentent un potentiel intéressant pour gérer les tensions sur le réseau électrique ». Les bâtiments qui représentent les plus forts potentiels sont ceux qui associent faible performance énergétique et faible densité d'occupation.

Un « effet rebond » au domicile du télétravailleur « de très faible ampleur »

Concernant les transports, l'expérimentation montre que les économies d'énergie sont 2 à 4 fois plus importantes en région qu'à Paris, où les distances travail-domicile sont moins importantes et où les salariés utilisent davantage les transports en commun.

L'étude estime que « l'effet rebond » de la consommation au domicile des télétravailleurs est « de très faible ampleur », en moyenne de 1,4 kilowattheure par jour de télétravail, sachant que les économies réalisées vont de 5 à 15 kWh dans les transports. La consommation journalière moyenne d'un foyer est de l'ordre de 20 à 40 kWh.

Une consommation d'énergie en baisse

Gaz, fioul domestique, électricité : toutes les consommations ont baissé en France. « Elle a été inédite et réelle, et dans tous les secteurs », observe Samuel Martin, expert de négaWatt, une association qui milite pour les économies d'énergie. Il estime le potentiel d'économies cumulées de gaz et d'électricité à environ 30% à l'horizon 2 ans et appelle à ne pas se focaliser uniquement sur le chauffage. Il cite d'autres possibilités d'économie: la ventilation des bureaux qui devient « inutile » quand un immeuble est vide, l'eau chaude dont le débit peut être réduit au robinet avec « le même confort », ou, la température des ballons et les pompes des chaudières collectives qui peut être réglée.

Chez RTE, l'entreprise gestionnaire du réseau d'électricité haute tension, on désigne aussi les bureaux, commerces et autres bâtiments tertiaires comme un gros poste de consommation électrique où l'on pourrait aisément économiser. Seuls 6% des bâtiments tertiaires (bureaux ou commerces) de plus de 1.000 m2 en France sont dotés d'outils de pilotage fonctionnels et récents pour la ventilation, le chauffage ou l'éclairage. Du côté des logements privés, 12% utilisaient des solutions de pilotage ou de programmation en 2018.

Le gouvernement souhaite que les salariés lèvent le pied au volant

Afin de faire baisser les émissions de CO2 et la consommation d'énergie globale, le gouvernement souhaite inciter les salariés à ne pas dépasser 110 km/h sur autoroute. Demander aux salariés de rouler à 110 km/h sur autoroute représente « trois minutes sur un trajet de 50 kilomètres, mais 20% d'émissions de CO2 et de la consommation de carburant en moins », a fait valoir Agnès Pannier-Runacher. Cette mesure a déjà été déployée dans les administrations pour les agents de l'Etat.

Dans le détail, la ministre a demandé lundi aux responsables des grandes entreprises, dont celles du CAC40 et du SBF120 adhérentes de l'Association française des entreprises privées (AFEP), d'inscrire cette demande de réduction de la vitesse dans leurs discussions de dialogue social afin « d'ancrer la sobriété dans le temps ».

Lors d'une réunion avec les représentants d'une soixantaine de ces entreprises pour faire un premier bilan des mesures de sobriété mises en place depuis l'automne, elle a rappelé que l'objectif final était de parvenir à une« réduction de 40% de la consommation d'énergie » du pays d'ici à 2050.

Alors que les entreprises ont bien réagi au plan de sobriété et baissé fortement leur consommation de gaz et d'électricité l'hiver dernier, « les consommations de carburant » sont les seules à ne pas avoir reculé en 2022 par rapport à 2021, a-t-elle relevé.

Le gouvernement demande ainsi aux entreprises de « fixer des objectifs chiffrés de baisse de consommation d'énergie » (carburant, électricité, gaz), de « faire valider ces objectifs par des instances internes élevées comme le conseil d'administration ou le comex » et, enfin, de les « publier sur internet ou sur des plateformes dédiées du type de celle soutenue par l'Etat baptisée "les entreprises s'engagent" ».

Au-delà, le gouvernement souhaite que les directions d'entreprises abordent un autre sujet dans le cadre du dialogue social : bien organiser le télétravail pour qu'il permette des économies d'énergie effectives. La ministre a aussi rappelé les consignes pour l'été, à savoir pas de climatisation en dessous de 26 degrés, et a demandé aux entreprises de « faire attention aux dépenses énergétiques liées à la ventilation des bâtiments ».

(Avec AFP)

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Commentaires 5
à écrit le 04/04/2023 à 16:14
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"Expérimentation pendant la Toussaint ou le Nouvel an" : une piste complémentaire serait de fermer de façon continue les bureaux pendant la quinzaine de fin d'année, et mettre ainsi leur personnel en vacances obligatoires à prendre sur le contingent...

à écrit le 04/04/2023 à 10:45
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En télétravail je chauffe mon bureau chez moi alors que quand je vais chez mon employeur non. Et on est 25 a faire de même quand l'open space qu'on occupe d'habitude reste vide. Je ne suis pas sûr que le bilan soit très bon au global.

à écrit le 03/04/2023 à 13:13
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Des expériences personnelles ne sont pas des statistiques mais, dans mon entourage, la plupart de mes connaissances qui profitent du télétravail ont déménagé et se sont éloigné de leur lieu de travail. Certes, elles ne font plus 5 aller-retours par s...

à écrit le 03/04/2023 à 10:02
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evidémment , les bureaux seront toujours chauffés pour les employés ne télétravaillant pas . et on ne ferme pas le chauffage pour une journée de fermeture de bureau . ça tombe sous le sens . Le principal atout du télétravail est (expérience depuis ...

le 03/04/2023 à 16:30
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si vous fermez un jour, vous allez pas pouvoir arreter completement le chauffage car il vaut mieux baisser un peu le chauffage que arrêter complètement et chauffer a fond le lendemain pour eviter qu il fasse trop froid. pour le reste, tout a fait d ...

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