Vers une Silicon Valley de la recherche en Bourgogne-Franche-Comté ?

La signature de la convention entre le CNRS et UBFC, le 15 décembre dernier à Besançon, est l’occasion de revenir sur le dispositif I-site, un label d’université d’excellence, lancé en 2010 par l’État, via le programme d’investissement d’avenir (PIA) afin de valoriser les atouts scientifiques d’un territoire à l’échelle internationale.
(Crédits : ENSMM/P1br)

La France est l'unique pays à former ses chercheurs à la fois dans les écoles d'ingénieurs et dans les universités. Une particularité qui lui fait perdre en visibilité internationale et la dessert au niveau des classements mondiaux. Pour peser davantage dans le monde de la recherche, le gouvernement français a initié le programme d'investissement d'avenir (PIA) en 2010, avec différents outils de financements adaptés. Objectifs : fédérer les universités et écoles d'ingénieurs afin que les travaux scientifiques français soient visibles et émergent au niveau mondial.

C'est dans ce cadre qu'en mars 2016, l'université Bourgogne-Franche-Comté - qui fédère sept établissements membres - obtenait une dotation de lancement de 5 millions d'euros pour son I-site (Initiatives Sciences Innovation Territoires Économie). L'objectif de l'État, à travers ce dispositif, est de booster la recherche dans des domaines où les acteurs d'un territoire sont reconnus pour leur excellence. L'I-site BFC a identifié trois axes d'excellence emblématiques du site qui répondent aux défis sociétaux, autant par la formation que par la recherche : matériaux avancés, ondes et systèmes intelligents ; soins individualisés et intégrés ; territoires, environnement, aliments.

Approches pluridisciplinaires

Ce projet entraîne la communauté des universités et des écoles vers des approches pluridisciplinaires fortement connectées aux enjeux de l'industrie de la région Bourgogne-Franche-Comté. « Favoriser les projets interdisciplinaires permet de faire émerger tout un écosystème, avec la création de start-up », remarque Olivier Micheau, directeur de recherche à l'Inserm, basé à Dijon. Par exemple, celle créée par Naïm Khan, Ektah. Ce chercheur de l'université de Bourgogne, associé à Agrosup, a reçu le prix alimentation nutrition de l'Académie de médecine en décembre dernier, pour ses travaux sur l'obésité. C'est ce que le directeur de l'Inserm appelle « l'effet Silicon Valley ». Un cercle vertueux qui attire les talents et les projets. « Ces financements ont permis de développer des projets industriels associant des laboratoires de recherches publique à des entreprises qui n'auraient pas été possibles sans le PIA », souligne-t-il. L'I-site BFC ambitionne de créer un environnement international stimulant qui attire les étudiants et chercheurs talentueux du monde entier. « La chimie, la biologie, la physique, la médecine, il ne doit pas y avoir de frontières entre les disciplines. Nous devons travailler ensemble ! Les avancées les plus importantes se font via l'interdisciplinarité. Certes, nos laboratoires n'ont pas attendu l'I-site et sont engagés dans des projets ambitieux, à l'échelle internationale et notamment à travers les programmes européens (H2020), mais l'I-site permet aujourd'hui de financer ce type de projets au niveau local, en fédérant des compétences complémentaires du site BFC, le projet BioCAIR* en est un exemple », constate Franck Denat, professeur à l'institut de chimie moléculaire de l'université de Bourgogne (Icmub).

Projet Biocair : Analyse et traitement

Pour recruter les chercheurs les plus prestigieux du monde, la Bourgogne-Franche-Comté peut à la fois miser sur ses domaines d'excellence et son attractivité territoriale. « À titre de comparaison, l'université de Paris-Saclay est un site où le CNRS a affecté le plus de personnes en 2020, soit 350 (ndlr sachant que l'UBFC compte un peu moins de 300 personnels CNRS sur le site pour un budget de l'ordre de 25 millions d'euros). Mais c'est aussi le site où les effectifs ont le plus baissé : 700 personnes ont demandé leur mutation vers des laboratoires d'excellence en région. Aller à la chasse, pas à la pêche pour recruter des chercheurs ! Il y a des opportunités à saisir avec les collectivités territoriales car désormais il faut proposer des « packages » aux chercheurs pour qu'ils s'installent, en prenant en compte l'environnement, le travail du conjoint, etc. Même si Dijon ou Besançon ne sont pas les villes auxquelles ils penseraient en premier, outre ses domaines d'excellence, cette région possède de nombreux atouts à mettre en avant ! », avance Antoine Petit, PDG du CNRS. Ce dernier a également incité les équipes universitaires à « continuer à travailler sur des projets plutôt que des structures. Celles-ci viendront après ». Ceci en référence aux querelles qui n'ont cessé d'émailler la constitution toujours en cours de la Comue (communauté d'universités et d'établissements).

Simultanément, l'I-site BFC vise à procurer à la population de Bourgogne-Franche-Comté l'accès aux savoirs, aux cultures et échanges internationaux, mais aussi aux formations initiales et continues, ouvrant des opportunités d'emplois sur un marché compétitif. « La science est au cœur de la société. Cela ne remet pas en cause la qualité de la recherche fondamentale. Nous avons l'ambition d'appliquer la recherche fondamentale. Je crois qu'il est important de se tourner vers les gens qui sont preneurs de savoirs et de connaissances. Il faut développer des actions co-construites avec les architectes ou les agriculteurs, par exemple, pour rappeler l'importance de la science dans la société », confie Antoine Petit.

Projet BioCAIR au CGFL-Scintigraphie-Monophotonique-07

Une politique scientifique partagée

 Le 15 décembre dernier à Besançon, une convention quinquennale de partenariat était signée entre le CNRS et UBFC. « Cette signature montre également la volonté politique de coordination entre les établissements d'enseignements supérieures et les organismes de recherches », précise Antoine Petit. Ce partenariat fructueux entre le CNRS et UBFC s'était d'ores et déjà concrétisé au travers de certains projets d'investissement d'avenir (PIA) emblématiques, dont le projet I-site BFC, les Labex ACTION et FIRST et six Equipex (dont deux nationaux), le Labex Lipstic qui fédère les unités INSERM autour d'un projet à forte valeur ajoutée et différenciant. Ils ont permis d'aboutir à une réelle visibilité des secteurs d'excellence du site désormais reconnus et au cœur des grands enjeux de société́.

Cette convention quinquennale vise ainsi à développer des programmes de recherche relevant d'une politique partagée et à apporter un cadre au fonctionnement des 23 laboratoires de recherche et de service en gestion partagée, communs au CNRS et aux établissements du site. « Chaque président d'université s'engage à laisser des prérogatives au président de l'UBFC, Dominique Grevet, qui est un administrateur altruiste, afin d'avoir une stratégie unique », souligne Olivier Micheau.  Celui-ci a pour rôle de fédérer tous les établissements et de donner une impulsion nouvelle. « Nous lui faisons confiance pour entreprendre et coordonner le passage de la transition vers un établissement fédéral sur l'enseignement et la recherche », poursuit-il. Les établissements conviennent ainsi d'œuvrer en synergie en matière de formation et de recherche, notamment dans le cadre des écoles doctorales mais également dans celui de l'activité́ contractuelle et de la valorisation des travaux de recherche. Ils projettent également la mise en œuvre de coopérations internationales concertées, structurées et portées par des laboratoires de recherche internationaux.

Le plan de relance gouvernemental vient d'attribuer 55 millions d'euros à la recherche dans la grande région. « C'est plus que la part du PIB de la région dans le PIB national », a souligné le recteur de région académique, Jean-François Chanet. Une région que le recteur a invité néanmoins à « faire un effort supplémentaire qui soit à la hauteur de celui de l'État, afin d'avoir encore plus de chances devant le jury international. Car ces enveloppes doivent être consommées rapidement, sinon elles seront redistribuées. » Parmi les enjeux immédiats : la venue, dans trois mois, du jury I-site, qui évaluera à mi-parcours les programmes régionaux Investissements d'avenir. La grande région universitaire saura alors si elle peut continuer à bénéficier de 10 millions d'euros annuels pour les cinq ans à venir, sur ses trois axes d'excellence.

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Quelques chiffres liés au périmètre de cette convention :

  • -  23 laboratoires de recherche CNRS-UBFC ;
  • -  1 projet I-SITE, 2 Labex et 6 Equipex ;
  • -  5 millions d'euros de dotation de fonctionnement ;
  • -  81 millions d'euros de masse salariale ;
  • -  563 chercheuses, chercheurs, enseignantes-chercheuses et enseignants-chercheurs ;
  • -  402 personnels techniciens, techniciennes, ingénieurs, ingénieures et administratifs.

* Le projet BioCAIR est un projet de recherche collaboratif public-privé (I-site BFC / Industrie) qui vise le développement de nouveaux outils d'imagerie pour l'identification de biomarqueurs de l'efficacité des immunothérapies des cancers.

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