Auchan en appelle aux sentiments pour moderniser son image

Nouveau service d’assistance téléphonique, nouveau slogan nouvelle pub, nouvelle organisation interne… mais toujours la promesse des petits prix. Le groupe nordiste s’offre une nouvelle campagne de communication axée sur un marketing de "l’expérience" tout en se lançant dans une complexe unification de ses canaux de vente.
Marina Torre
L'enseigne lumineuse Auchan sera bientôt affublée d'un .fr dans certains hypermarchés.

"Où se trouve le paquet de lessive vanté sur votre catalogue ?" "Je ne trouve pas le prix de cette boîte de céréales, aucun vendeur n'est disponible". "Il manque des produits dans le panier qui m'a été livré"...

A ces questions basiques mais ô combien agaçantes quand elles ne trouvent pas de réponse immédiate, Auchan promet d'apporter un début de solution. Celle-ci prend la forme du très en vogue bouton "SOS". Un service d'assistance téléphonique gratuit accessible après avoir téléchargé l'application mobile du distributeur et accepté qu'un opérateur rappelle au numéro de téléphone indiqué par le client. Ce dernier peut ainsi se faire aider dans ses achats, qu'il se trouve physiquement à l'intérieur ou à l'extérieur d'un hypermarché du groupe.

Cet outil en place qui repose sur dix centres d'appels animés par des employés du groupe en France rappelle ceux de Darty ou Amazon qui promettent d'assister des clients confrontés à une panne de leur machine à laver, réfrigérateur ou autre appareil électroménager dans le cas du premier, ou de leur tablette Kindle dans le second.

Du slogan au hashtag

"Certains [concurrents] ont choisi un ton professoral, d'autres un ton guerrier. Nous souhaitons nous positionner en allié du client", a affirmé Valérie Vendeville, directrice marketing d'Auchan en France lors de la présentation à la presse d'une série d'initiatives visant à rénover l'image de la marque le 28 mai.

Ce bouton SOS, aussi anecdotique puisse-t-il paraître, fait partie d'un plan plus vaste de rénovation de la politique marketing par le distributeur dans l'Hexagone. Rénovation qui se traduit également par l'abandon du slogan "Vivons mieux, moins cher" utilisé depuis 2012 et très marqué par la guerre des prix.

Il est remplacé par "Et vous, la vie, vous l'aimez comment ?" Message aisé à décliner en une multitude de "hashtags", (mots-dièses) visant à susciter des commentaires sur les réseaux sociaux en ligne. Ce sera justement le cas avec une campagne lancée le 6 juin, en même temps qu'une série de clips publicitaires mettant en scène des moments de vie en famille, en couple ou entre amis. Il se trouve que le matin même de cette présentation, un palmarès établit par le bureau d'études Semiocast pour le cabinet BCG attribuait les meilleurs points en matière d'animation du bouche-à-oreille numérique à... Auchan.

3.000 sollicitations par jour

Presque au même titre que les prix, Twitter, Facebook et autres plateformes en ligne font figure de champ de bataille pour les grands distributeurs, soucieux de faire renforcer leurs messages. Pas évident de se distinguer lorsque les consommateurs sont bombardés par 3.000 sollicitations par jour en moyenne de la part des marques. Aussi, même s'il y a parfois quelques ratés, la campagne "j'optimisme" de Carrefour parfois raillée sur les réseaux sociaux en témoigne, le but reste de faire du bruit en ligne, et susciter du bouche-à-oreille représente un vecteur de communication clé.

A cet égard, la stratégie d'Auchan consiste notamment à s'appuyer sur les souvenirs des clients afin de les fidéliser à sa marque. L'enseigne a fait analyser son image auprès d'un cabinet d'étude - sans en dévoiler le détail des résultats - et conclu qu'elle doit désormais s'adresser au "cœur" de ses clients, appelés "habitants" dans le jargon Auchan.

Le choix du développement des services et d'une communication plus "émotionnelle" peuvent être rapprochés des stratégies de marketing baptisées "expérientiels" par des universitaires, et notamment théorisés en France, par le centre de recherche en marketing à l'université de Bourgogne et les travaux de son directeur, Marc Filser, ou ceux d'Isabelle Collin-Lachaud, à Lille.

Le vrac s'étend

Cela dit, l'argument du prix est loin d'être abandonné. Et s'il n'est plus, désormais, question de discount "responsable", mais "loyal", quelques 2.300 références de "premiers prix" continueront à être commercialisés, des rayons spécialement destinés au prix bas à être remplis, et le vrac sera étendu à 20 nouveaux hypermarchés. A l'image de silos présents dans de nombreux magasins bio, le groupe vend déjà thé, fruits secs ou épices en libre-service dans 19 points de vente. Un moyen de réduire les coûts du transport et d'emballage mais aussi de diminuer le montant apparent sur le ticket de caisse pour le client s'il ne souhaite qu'une petite quantité d'un produit.

Surtout, comme ses rivaux, Auchan investit dans la promotion personnalisée. A cette fin, elle a même créé une nouvelle unité chargée des données, baptisée BluData. "Nous savons suivre un client au long de son parcours de course", assure même Vincent Mignot qui chiffre même à 1,8 million le nombre de client "touchés chaque semaine avec des promotions personnalisées".

Autre décision, elle aussi moins anodine qu'il n'y paraît : des enseignes placées sur le toit des hypermarchés seront affublées d'une mention ".fr". Une manière de signifier au public la dimension "connectée" du réseau. Le premier à y avoir droit sera l'hypermarché de Meaux, à la fin du mois d'octobre. Des critères encore à définir autoriseront des sites à obtenir ce ".fr". Mais ils aboutiront à ce que, concrètement, la relation avec tous les clients répertoriés - par leur carte de fidélité notamment - dans une zone donnée soit prise en charge par un directeur de magasin.

Auchan carte fidélité

Un exemple de carte de fidélité dématérialisée (en haut, le nom du magasin de rattachement apparaît)

L'objectif final dans le monde entier est pour le moins ambitieux puisqu'il s'agirait de réaliser "5% du chiffre d'affaires mondial via l'e-commerce", selon Vincent Mignot. Pour se faire une idée, Auchan a déclaré l'an dernier 63 milliards d'euros de chiffre d'affaires global dans le monde, activités des franchises et des filiales étrangères comprises.

L'avis des employés performants

Aussi, bien au-delà de la refonte de l'image, accompagnée d'un très subtil changement de logo (l'oiseau est un peu arrondi), la réorganisation interne des hypermarchés, pilotée par le directeur général d'Auchan France, Vincent Mignot, se poursuit. Elle se traduit notamment par une décentralisation. Désormais, les "99 marchés" définis par le groupe, qui vont des fruits et légumes frais au sport. Originalité : un directeur de magasin ainsi qu'un chef de produit dirigeront à deux des équipes composées d'employés, notamment des hôtesses de caisse. "Nous irons chercher l'employé le plus performant de France de façon cartésienne", explique Vincent Mignot. Autrement dit, les employés les plus productifs seront invités à donner leur avis sur le rôle de chaque catégorie de produits.

Un autre responsable du groupe, Eric Dombasse qui a récemment pris en charge les données clients après avoir été en charge de la marque détaille à La Tribune :

"Le digital transforme notre vision. Auparavant, nous avions raisonnions par rapport à la zone de chalandise. Ce qui pouvait créer une concurrence entre des magasins Auchan géographiquement proches. Seulement, pour le client ce ne sont pas des concurrents. Quand je vais chez l'un ou chez l'autre, j'ai le sentiment de laisser mon argent chez Auchan... c'est aussi vrai sur internet et aussi vrai sur A2Pas."

Depuis 2011, ces nouveaux petits formats ont fait leur apparition dans plusieurs grandes villes dont Paris, Lille ou Lyon. Ils font apparemment partie de la transition vers une nouvelle formule "multicanale" de l'enseigne que tous ses concurrents cherchent également à obtenir.

En clair, il s'agit de faciliter le passage entre chaque canal de vente, de l'hypermarché classique à la supérette de centre-ville en passant par le drive afin de coller aux habitudes d'achat. "Le client zappe, mais reste fidèle à la marque", estime à cet égard Vincent Mignot. Cela commence par l'adoption d'une seule et même carte de fidélité valable partout, ce qui n'est pas encore le cas. "C'est en train d'arriver. Vous ferez vos courses chez A2Pas tous les jours et vous irez acheter votre salon de jardin à Vélizy. Ou bien vous engrangerez des points dans un hypermarché et vous les utiliserez dans un A2Pas", affirme le directeur d'Auchan en France. Cette gestion locale des produits et de la clientèle sont censés permettre davantage de souplesse afin, donc, de personnaliser le service.

Unifier les données, le graal

Le hic, c'est que, pour cela, il faudrait unifier les données. Or, en pratique, c'est encore loin d'être le cas. En premier lieu parce qu'A2Pas est gérée par la division supermarchés du groupe qui pilote également les Simply Market... L'avenir de ces surfaces de 500 à 3000 m2 serait lui-même serait suspendu aux débouchés de l'alliance en cours avec Système U sur le bureau de l'Autorité de la concurrence...

Pour l'heure en tous cas, A2Pas reste une entité à part, mais partagerait ses données avec BluData. Sur le site d'Auchan, qui identifie automatiquement la position géographique de l'internaute pour lui suggérer des magasins de rattachement, ses adresses ne sont pas renseignées. Côté pratique, si la livraison à domicile est assurée par directement par des camionnettes Auchan dans certaines villes, le retrait dans un point de proximité n'en est qu'à sa phase de test (dans le XVe arrondissement de Paris). Tandis que certains de ses rivaux en sont déjà la phase de déploiement.

Autre point crucial à unifier, et non des moindres: les informations sur les stocks et les prix. Un responsable d'Auchan explique :

"La difficulté sur le plan technique, c'est que sur un site web on est capable de changer les prix plusieurs fois par jour. Si j'ai vu la promotion d'un concurrent, je peux changer mon prix de manière très facile. Dans le magasin, c'est plus difficile, il éditer une nouvelle étiquette, donc on a effectivement un souci de cohérence totale. Il faudrait que même dans le magasin toutes les étiquettes de produits soient digitalisées, dans certains magasins peut-être qu'on y arrivera, en tous cas pour certains produits cela aurait du sens. "

En attendant, les équipes sur places seraient incités adopter une certaine souplesse pour s'aligner sur les prix en ligne, quand l'argument de promotion "spéciale web" n'est pas mise en avant. Ce serait une pratique généralement acceptée dans la distribution, puisque selon une étude de l'Insee parue le 12 mai, plus de 8 distributeurs français sur 10 opérant à la fois dans le monde physique et en ligne, alignent leur prix. Pour Auchan, voilà peut-être un usage tout trouvé pour le fameux bouton SOS répondre à cette autre énigme contemporaine : "mais pourquoi ce paquet de lessive coûte-t-il plus cher dans les linéaires de mon hypermarché que sur celui du site en ligne?"

Marina Torre

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Commentaire 1
à écrit le 02/06/2015 à 21:06
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Si Auchan s'affiche fr., cela ne concerne pas le domaine fiscal ou mal famille expatriée en majorité en Belgique continue à echapper au fisc en continuant son optimisation fiscale. Vite une messe à la prochaine réunion de l'association famille Mullie...

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