ADP a gonflé ses marges en 2022, en attendant l'impact de l'inflation

Reprise du trafic plus forte que prévue, rentabilité retrouvée, prévisions encourageantes… Les voyants sont au vert pour le groupe ADP. Mais, le gestionnaire des aéroports parisiens anticipe déjà une hausse des coûts à venir qui pourrait affecter ses marges.
Léo Barnier
Tous les objectifs de 2022 sont atteints pour Augustin de Romanet, PDG du groupe ADP.
Tous les objectifs de 2022 sont atteints pour Augustin de Romanet, PDG du groupe ADP. (Crédits : Reuters)

Le trafic n'est pas encore totalement revenu pour le groupe ADP (Aéroports de Paris), pourtant le chiffre d'affaires est là. Bénéficiant certes d'un élargissement du périmètre de ses activités, le groupe aéroportuaire s'est très bien comporté en 2022 et a quasiment égalé son niveau de 2019. Mais en ces temps de reprise et de reconstruction de l'activité, synonyme de remontée forte des coûts, l'attention se porte avant tout sur la rentabilité. Et en la matière, le groupe aéroportuaire s'en est très bien sorti. Si l'activité devrait continuer à progresser en 2023, la prudence reste de mise : certains facteurs de coûts jusqu'ici évités devraient désormais produire leurs effets.

« Nous avons atteint tous nos objectifs », s'est félicité Augustin de Romanet, PDG du groupe ADP, en préambule de la présentation des résultats 2022 ce jeudi. Avec 4,7 milliards d'euros de chiffres d'affaires, le groupe a vu son activité progresser de près de 70 % par rapport à 2021, signant un retour au niveau record de 2019 à une dizaine de millions d'euros près.

Cette performance est portée par la reprise du trafic. Celui-ci a plus que doublé dans les aéroports parisiens pour atteindre 87 millions de passagers. Et le groupe ADP a dépassé la barre des 280 millions de voyageurs en comptabilisant ses participations internationales dans le groupe turc TAV Airports, l'indien GMR Airports et ses autres aéroports. Il retrouve ainsi un niveau de trafic équivalent à plus de 80 % de celui de 2019, que ce soit pour les aéroports parisiens seuls ou pour l'ensemble du périmètre. La reprise s'avère même plus rapide sur la fin de l'année et le groupe devrait avoir retrouvé l'ensemble de son trafic dès cette année (95 à 100 % prévus). Pour les aéroports parisiens seuls, il faudra vraisemblablement attendre la fin de 2024 (90 à 100 % prévus), voire 2025 (95 à 105 %).

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Relais de croissance

Le retour du trafic n'explique pas tout : alors qu'il manque encore 20 % du trafic de 2019, le chiffre d'affaires est déjà équivalent. Comme l'explique Philippe Pascal, le directeur financier du groupe, le périmètre a tout d'abord changé avec le rachat par TAV Airports de l'aéroport d'Almaty au Kazakhstan courant 2021, qui a permis d'intégrer 229 millions d'euros dans les revenus d'ADP.

A cela s'ajoute la bonne performance des commerces et services à Paris, qui ont crû plus fortement que les revenus aéronautiques avec une hausse de 75 %. Ils sont ainsi quasiment revenus au niveau d'avant-crise, voire au-dessus pour les activités en zone réservée désormais regroupées sous l'appellation Extime Paris (ex-Société de distribution aéroportuaire). Le chiffre d'affaires moyen par passager y atteint 27,4 euros sur l'année, et même 31 euros sur le dernier trimestre, contre moins de 20 euros en 2019. Augustin de Romanet précise que ce montant peut grimper jusqu'à 60 euros sur certains terminaux à Roissy, loin devant ses concurrents européens.

Cette performance a été réalisée malgré la faible proportion de passagers asiatiques, et surtout l'absence des Chinois qui représentaient avant crise 2 % du trafic mais 15 % des revenus. La reprise progressive des vols avec la Chine - 6 vols par semaine aujourd'hui et une trentaine en juin, contre une centaine en 2019 - devrait permettre d'améliorer encore les recettes commerciales. L'objectif d'Extime Paris a été rehaussé à 29,5 euros par passager pour 2025, même si les aéroports parisiens restent prudents sur ce montant.

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Une rentabilité forte, mais des prévisions abaissées

En attendant, et comme n'a pas manqué de le signaler Augustin de Romanet, cette croissance de l'activité s'est traduite par une hausse de la rentabilité opérationnelle. L'Ebitda, soit le bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement, a plus que doublé par rapport à 2021, pour se situer à 1,7 milliards d'euros soit une marge de plus de 36 %. C'est quasiment autant qu'en 2019, en valeur comme en marge.

« En ce qui concerne la marge d'Ebitda, l'objectif est atteint », a indiqué Augustin de Romanet au vu de la cible fixée entre 32 et 37 % du chiffre d'affaires. « C'était important car, lorsque le trafic reprend très fortement, tous les observateurs surveillent le fait que nos charges ne reprennent pas plus que proportionnellement ».

Concernant le résultat net de 516 millions d'euros, « cela n'appelle pas d'autres observations que de dire que c'est l'un des meilleurs jamais atteints par le groupe ADP parce qu'il s'approche du résultat de 2019 et nous permet de distribuer un dividende de 3 euros par action », déclare Augustin de Romanet, PDG du groupe ADP.

Malgré cette bonne performance, dans la fourchette haute des prévisions, ADP a revu à la baisse ses prétentions à moyen terme. Pour 2023, l'objectif reste d'égaler l'Ebitda de 2019 de 1,8 milliard d'euros, avec une marge toujours comprise entre 32 et 37 % du chiffre d'affaires en 2023. Mais pour 2024 et 2025, le groupe ADP vise désormais une fourchette comprise entre 35 et 38 %, là où il espérait aller jusqu'à 40 % il y a encore quelques mois.

Augustin de Romanet a appelé à « ne pas surinterpréter cette légère baisse du plafond » et de ne pas y voir « une dégradation des perspectives du groupe ». Insistant sur le nombre de critères entrant en ligne de compte dans l'Ebitda, il indique par exemple que le changement de la structure et l'intégration de certaines activités de duty-free et de restauration va jouer négativement sur les marges.

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Effet conjoncturel majeur

Au-delà de ces considérations comptables, le directeur financier d'ADP Philippe Pascal signale surtout « un effet conjoncturel 2022 majeur ». Il explique ainsi que pour faire face à un trafic plus dynamique qu'attendu, le groupe ADP « a recruté rapidement mais pas totalement, d'où une surperformance temporaire » l'an dernier. Celle-ci va donc se résorber avec les recrutements en cours pour s'adapter au niveau d'activité. Un plan de 600 embauches a ainsi été lancé l'an dernier pour accompagner la reprise du trafic.

« En 2023, nous allons rentrer dans une normalisation de notre structure de charges qui va entraîner un petit tassement que nous essayons de retranscrire dans nos objectifs », poursuit le directeur financier qui assure lui aussi que « ce n'est pas lié à une sous-performance ou une difficulté à contenir nos charges pour 2023 et les années suivantes ».

« Nous sommes sur un périmètre qui évolue, avec un cycle de chiffre d'affaires et de charges qui ne sont pas synchronisés aujourd'hui mais qui le seront demain », précise Philippe Pascal , directeur financier du groupe ADP.

A cela va s'ajouter l'impact de l'inflation, principalement à partir de 2024 et 2025. Pour l'instant, celui-ci ne se fait pas encore sentir sur les charges pour plusieurs raisons comme l'explique Philippe Pascal : « nous étions bien sécurisés sur nos coûts de l'énergie avec des index globalement favorables et des contrats à prix fixe en règle générale et qui ne sont pas encore en renouvellement. » Ce ne sera plus le cas à partir de 2024 et ADP devrait dès lors bien ressentir la hausse des prix de l'énergie. Les augmentations générales de salaires de 3 %, consenties à l'été 2022 pour permettre aux personnels de faire face à cette même inflation, vont également jouer à plein avec le retour à des effectifs complets.

Les prévisions de charges courantes par passager ont donc été révisées à la hausse pour 2024 et 2025. Jusque-là comprise entre 16 et 18 euros, la fourchette se situe désormais entre 17 et 20 euros.

Cet effet sera aussi présent sur les dépenses d'investissement. Le groupe, filiales comprises, passe dès lors d'un objectif annuel moyen de l'ordre d'un milliard en euros constants jusqu'en 2025 à 1,3 milliard en euros courants. Une hausse de 300 millions d'euros qui devrait être absorbée aux deux tiers par l'inflation, le dernier tiers étant prévu pour financer de nouveaux projets. « Nous avons été immunisés jusqu'ici, mais désormais lorsque l'on signera la construction d'une petite infrastructure, il faudra embarquer tout le coût des matériaux à date », conclut Philippe Pascal.

Léo Barnier

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Commentaire 1
à écrit le 16/02/2023 à 19:46
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Bonjour, Si ADP semblent bien partis pour cette nouvelle année, ils seraient souhaitables d'éviter les investissements catastrophique... ( Aéroport d'Istanbul par exemple). Espérons que, les jeux olympiques de 2024 ne serons gâté par des grève du ...

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