Mobilités : "L'Europe a un boulevard pour imposer son leadership", Karima Delli

Karima Delli, député européenne (Europe Ecologie Les Verts) et présidente de la Commission Transport et Tourisme du Parlement européen, vient de lancer à Paris un prix récompensant les meilleures startups dédiées aux nouvelles mobilités. Elle estime que l'Europe doit reprendre l'initiative si elle veut constituer un écosystème de solutions de mobilités innovantes. Selon elle, la conjoncture est favorable à l'Europe, à condition que celle-ci s'empare du sujet.
Karima Delli, député européenne (Europe Ecologie Les Verts) et présidente de la Commission Transport et Tourisme du Parlement européen.
Karima Delli, député européenne (Europe Ecologie Les Verts) et présidente de la Commission Transport et Tourisme du Parlement européen. (Crédits : Karima Delli)

LA TRIBUNE - Vous venez de lancer un programme d'accompagnement pour soutenir le développement des startups européennes les plus innovantes en matière de mobilités. Pensez-vous que l'Europe peut encore trouver un leadership dans ce domaine ?

KARIMA DELLI - L'Europe peut trouver son leadership pour peu qu'elle s'en donne la peine. Elle le peut d'autant plus qu'elle peut faire entendre sa spécificité, celle de privilégier de vraies valeurs comme l'environnement, la sécurité et l'accessibilité. C'est tout l'esprit de cette initiative. Le transport, c'est 30% des émissions de gaz à effets de serre, et 94% des émissions de CO2, ce qui provoque 500.000 décés prématurés par an en Europe. La mobilité, c'est 13% du budget des ménages, c'est beaucoup trop. Et je rappelle que chaque jour, 70 personnes sont tuées sur la route en Europe. Avec European Startup Prize for mobility, nous voulons promouvoir les startups qui sauront apporter des solutions efficaces et qui auront défini un modèle rationnel. C'est un vrai défi. Et il ne s'agit pas de décerner un bout de papier avec en-tête de l'Union européenne à portée honorifique. Les gagnants feront une tournée européenne dans plusieurs capitales où elles présenteront leur projet à des investisseurs des décideurs publics et des grands groupes pour signer des contrats. Les startups lauréates bénéficieront également d'un accompagnement business et juridique sur-mesure créé par The Boston Consulting Group, Grimaldi Studio Legale et Parallel Avocats.

Cette initiative aura une réelle portée d'autant plus qu'elle est parrainée par Frédéric Mazzella, PDG de Blablacar, et un panel d'acteurs publics (la Commission européenne, le Parlement européen), et Violeta Bulc, commissaire aux transports auprès de la Commission européenne. Cette première édition devrait permettre à nos pépites européennes de bénéficier du meilleur soutien pour réussir leur entrée sur le marché.

Pourquoi ne pas associer également les constructeurs automobiles qui sont de plus en plus nombreux à vouloir s'impliquer dans cette nouvelle économie de la mobilité ?

Notre but est de créer un écosystème nouveau en matière de mobilités. L'Europe voit éclore de nombreuses innovations. Nous sommes face à une opportunité unique pour mettre en musique ce vent frais d'innovation. Or, il s'avère qu'une impulsion institutionnelle semble nécessaire pour booster ces jeunes pousses. En parrainant cette initiative, le Parlement européen a pris ses responsabilités. Si les constructeurs automobiles veulent participer à ce mouvement, elles peuvent également encourager la formation d'écosystèmes. Mais la réalité, c'est que ce sont ces jeunes start-ups qui bousculent les conservatismes de cette vieille industrie. C'est cela que nous voulons préserver.

La révolution des nouvelles mobilités que vous appelez de vos vœux a parfois jeté le trouble sur le modèle social européen, comme le montre toutes les controverses autour d'Uber. Dans le cahier des charges de votre prix, avez-vous prévu de vous prémunir contre de telles dérives ?

Il ne faut pas se tromper. Le modèle Uber n'est pas fondé sur une économie collaborative, mais sur une économie de plateforme de services. C'est tout à fait différent. Dans le premier cas, on est sur du partage de frais, dans un second cas, on est sur l'intermédiation d'un business lucratif. Je ne critique pas cette démarche, d'ailleurs, ces deux modèles sont différents, mais complémentaires, il faut néanmoins les réguler. C'est le rôle de l'Europe. Tout l'enjeu sera de réguler sans freiner l'innovation.

En mai prochain, vous allez lancer les assises européennes de la reconversion de l'industrie automobile...

L'industrie automobile doit faire face à de nombreuses transformations : l'électrique, l'autonomie, mais également les nouvelles mobilités comme on vient de l'évoquer. Toutes ces transformations auront un impact sur cette industrie et sur ses très nombreux salariés. Regardez le nombre d'employés qui travaillent autour du diesel. Si nous n'agissons pas maintenant, nous pourrions voir la technologie de la voiture électrique subir le même sort que l'industrie photovoltaïque, et des centaines de milliers de salariés sur le carreau si nous ne prévoyons pas leur reconversion.

Ces assises doivent rénover notre industrie automobile à travers trois paquets. Une fiscalité mieux ciblée sur nos objectifs que ce soit sur les émissions de CO2, mais également sur le travail. Les recettes de cette nouvelle fiscalité devront être mieux fléchées, c'est-à-dire davantage sur des projets de mobilités durables que sur des grands projets de transports. Le deuxième paquet concernera les contraintes des émissions polluantes.

La Commission européenne souhaite favoriser la technologie électrique, et c'est tant mieux. Il faudra également poser la question de l'économie circulaire, un sujet environnemental majeur. Enfin, le troisième paquet visera à valoriser la voiture autonome et connectée à travers de nouveaux standards de sécurité informatique, mais également autour d'un cadre de responsabilité juridique majeur.

Cette fois, vous ne pourrez pas ne pas associer les constructeurs automobiles à vos assises... Ils vous opposeront nécessairement les contraintes d'investissements et du temps long pour monter de nouvelles technologies propres...

Nous n'avons plus le choix. Nous avons perdu 10 ans depuis la crise des subprimes. Alors que Donald Trump sort de l'accord sur le climat, abroge le principe de neutralité du Net, l'Europe a un véritable boulevard pour imposer son leadership dans tous ces domaines. C'est aussi pour cela que lancer aujourd'hui une initiative européenne qui permet à de nouveaux champions de la mobilité d'émerger fait sens.

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Commentaires 8
à écrit le 08/01/2018 à 18:36
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J’aime beaucoup la «  vision de Mme Delli » si seulement ça pouvait être réalité . Actuellement toutes les activités des hommes polluent , tout est pollué du sol à l’air .., même le cosmos... Comment je vois une député vert ( version me) Défen...

à écrit le 08/01/2018 à 18:13
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A lire les commentaires il serait préférable... et de loin !!! de ne surtout rien faire , surtout pas de se projeter dans l'avenir , laisser les autres ( usa, chine, inde) prendre des initiatives ... l'immobilité plutôt que la mobilité !!!

le 08/01/2018 à 22:55
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Ce sont surtout des retraités qui commentent. Ils sont le passé et se cherchent des explications a leur échec personnel et professionnel.

à écrit le 08/01/2018 à 13:54
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Tout à fait d'accord !!! Avec l'Europe passoire : - les Bac+8 s'exportent, - les Bac-5 s'importent, - les usines délocalisent, - les produits chinois arrivent sur les étals de Carrefour/Auchan... et les bétonneurs Bougues/Vinci... sont ravis

à écrit le 08/01/2018 à 11:36
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Si on laisse de tels sujets importants aux mains de EELV (mouvement qui ne represente rien éléctoralement), attention les dégâts économiques ou de dégradation de confort de vie, etc.. Pourquoi toujours matraquer la voiture individuelle (= liberté)....

à écrit le 08/01/2018 à 10:27
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Excellente initiative que d’essayer de fédérer et de promouvoir des projets liés aux transports au niveau de l’UE. Nous sommes au cœur d’une phase de mutation qui devrait amener tous les pays à s’interroger sur ce que seront les technologies et usag...

à écrit le 08/01/2018 à 9:06
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"Selon elle, la conjoncture est favorable à l'Europe, à condition que celle-ci s'empare du sujet" Elle s'en est largement emparée, grâce au travail détaché la mobilité du salarié roumain, polonais, moldave et-c... est immense car il va travailler...

à écrit le 08/01/2018 à 9:06
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"Selon elle, la conjoncture est favorable à l'Europe, à condition que celle-ci s'empare du sujet" Elle s'en est largement emparée, grâce au travail détaché la mobilité du salarié roumain, polonais, moldave et-c... est immense car il va travailler...

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