Pourquoi Transdev abandonne son projet de navette autonome à Giverny

Verra t-on un jour une navette autonome circuler sur une route départementale ? La perspective s’éloigne pour l'opérateur français de transport public. Après une phase de test à blanc, le groupe renonce au service qu’il prévoyait d’exploiter entre Vernon et le village de Giverny. Explications.
Transdev renonce à opérer les navettes autonomes qui devaient desservir le village où Claude Monet avait peint son célèbre tableau des Nymphéas.
Transdev renonce à opérer les navettes autonomes qui devaient desservir le village où Claude Monet avait peint son célèbre tableau des Nymphéas. (Crédits : Transdev)

Les touristes ne monteront finalement jamais à bord des trois navettes autonomes qui devaient parcourir les six kilomètres séparant la gare de Vernon du célèbre jardin de Claude Monet à Giverny. Au terme d'une période de test sans passagers, Transdev et son fournisseur de navettes Easymile viennent de mettre fin à l'expérimentation baptisée Nimfea qui avait été lancée avec tambour et trompettes en janvier dernier. Ce devait être « le plus long parcours sur routes ouvertes mixtes jamais testé par ce type de véhicule autonome et une première en Europe »,  se félicitaient alors les deux partenaires.

Las. Trois mois et un million d'euros d'investissement plus tard, l'heure est donc à la déconvenue. « Les conditions ne sont pas réunies pour une ouverture au public pour assurer la sécurité des voyageurs et des usagers de la route », justifient les mêmes dans un communiqué diffusé discrètement aux médias locaux, mi-avril.  Que s'est-il passé entretemps ?

Comme les techniciens le craignaient, c'est sur la portion de route départementale du trajet que l'expérience a achoppé. Lors des phases de test, les véhicules ont en effet franchi sans encombre les obstacles dans le centre de Vernon où ils devaient traverser un pont et un rond-point équipé de feux tricolores pour la circonstance. En revanche, ils ont rencontré beaucoup d'aléas dans la seconde partie du tracé : une route de campagne à deux voies limitée à 50 km/h. « Sur ce tronçon, la période d'essai a montré des situations à risques », souligne le communiqué.

Sur la route, une cohabitation compliquée

En cause, la difficulté de faire cohabiter une navette circulant à petite vitesse ( entre 20 et  25 km/h) avec les autres usagers d'une route très fréquentée, y compris par des poids-lourds et des bus. Benoît Perrin, directeur général d'Easymile, incrimine moins la technologie que l'étroitesse de la chaussée et la densité du trafic. A l'entendre, ce sont les principales raisons qui ont conduit à l'arrêt du projet.

« Les navettes autonomes ont un comportement très conservateur, rappelle t-il. Elles peuvent par exemple s'arrêter de façon brutale si des véhicules les doublent d'un peu trop près ou si un camion arrivant en face empiète sur l'autre voie ».

Difficile dans ces conditions d'assurer le niveau de sécurité maximal requis sur une voirie publique : seule garantie d'une acceptabilité massive.

L'échec de Vernon survient à un mauvais moment pour les deux opérateurs engagés dans des dizaines d'expérimentations un peu partout à travers le monde. Pour autant, ils se défendent de vouloir lever le pied. « Dommage que cela intervienne maintenant alors que l'on est parvenu à un bon niveau de maturité de la technologie avec un excellent niveau de satisfaction des passagers là où elle est en service comme dans l'enceinte de l'hôpital de Toulouse », commente le patron d'Easymile.

Même tonalité chez son partenaire qui se refuse à jeter le bébé avec l'eau du bain. « Transdev conserve toute sa confiance dans le développement de la filière des véhicules autonomes qui contribuera au mix des solutions de transports de proximité », écrivent ses dirigeants.

En zone rurale, la navette autonome n'est pas pour demain

Il n'en reste pas moins que cet abandon en rase campagne est de mauvais augure pour le déploiement commercial de navettes autonomes ailleurs que sur des sites fermés (parc d'affaires, aéroports...) ou dans des zones urbaines où les véhicules peuvent rouler au pas. A l'inverse, les territoires ruraux où les navettes pourraient pallier les carences des transports publics devront sans doute attendre longtemps l'autocar sans conducteur.

L'expérience normande avortée « éloigne la date à laquelle on verra des navettes circuler sur des routes départementales ouvertes », reconnaît-on d'ailleurs au siège de l'opérateur de transport public. Chez le fabricant Easymile, Benoît Perrin se montre plus optimiste. Il estime qu'un autre choix de véhicules pourrait changer la donne. « La navette que nous avons utilisé est à usage urbain. Notre sentiment est qu'il serait pertinent de tester ce même type de service avec un véhicule où les passagers seront assis, ceinturés et face à la route ».

En attendant, les touristes en route pour le jardin de Claude Monet depuis la gare de Vernon devront se contenter d'un bus classique. Avec chauffeur.

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Commentaire 1
à écrit le 21/04/2022 à 3:31
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Un peu comme les navettes hydrofoils sur la Seine. Quel succes.

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