Utiliser des biocarburants à la place de produits pétroliers pour produire de l'électricité. C'est le projet de conversion sur lequel planche EDF PEI, filiale à 100% d'EDF dédiée à la production d'électricité dans les territoires insulaires.
Ce projet concerne les trois centrales thermiques à moteur qu'opère aujourd'hui EDF PEI à La Réunion, en Martinique et en Guadeloupe. La centrale thermique qu'EDF PEI doit mettre en service en Guyane sur le site de Larivot fonctionnera, elle aussi, à la biomasse liquide. Elle sera complétée dans un second temps par de la production photovoltaïque.
"Cela correspond à une demande de la ministre de la Transition écologique qui a validé le projet d'une nouvelle centrale en Guyane, à condition qu'elle fonctionne à la biomasse", précise Frédéric Maillard, président d'EDF PEI, alors qu'initialement l'électricien prévoyait un projet, critiqué, de centrale électrique au fioul.
La biomasse liquide sera produite à partir d'huiles végétales, compatibles avec la technologie à moteur choisie il y a plusieurs années par EDF. Les modifications techniques nécessaires à la conversion (système d'injection des combustibles, réglages des moteurs et du système de contrôle commande), devraient être "restreintes", selon la filiale d'EDF, pour qui le coût d'investissement nécessaire sera maîtrisé.
Quelques millions d'euros par centrale
"Ce sera quelques millions d'euros par centrale. Compte tenu de la puissance des centrales [212 mégawatts pour celle de l'île de La Réunion, ndlr] le ratio d'investissement est acceptable", juge Frédéric Maillard.
Selon lui, ce projet de conversion permettra "aux territoires insulaires d'augmenter rapidement le taux d'énergies renouvelables dans leur mix énergétique pour un coût d'investissement relativement faible, avec une solution rapide à mise en œuvre et offrant une production pilotable et garantie".
Pas question pour EDF de remplacer ces centrales thermiques par des parcs photovoltaïques ou éoliens pour des raisons de sécurité d'approvisionnement de l'électricité, qui pourrait être fragilisée par la trop forte intermittence de ces modes de production.
"En l'état actuel des technologies, la conversion de nos centrales constitue le levier le plus efficace et le plus rapide pour aller vers un mix 100% énergies renouvelables sur les territoires insulaires, tout en maintenant la même qualité d'approvisionnement en électricité. Le recours à d'autres solutions, comme le photovoltaïque ou l'éolien, nécessiterait une surface au sol très conséquente. Or, sur ces territoires le foncier est précieux, notamment pour des raisons de biodiversité", explique Frédéric Maillard.
1,5 million de tonnes de CO2 économisées chaque année
Autre avantage de la biomasse liquide : sa faible empreinte carbone. Selon les calculs d'EDF, le passage à la biomasse liquide permettra d'économiser environ 1,5 million de tonnes de CO2 par an à l'échelle des quatre centrales. A titre de comparaison, une tonne de CO2 représente un aller/retour Paris New-York en avion.
EDF parle d'un bilan carbone nul pour le fonctionnement de ces futures centrales thermiques vertes. "Les émissions de CO2 émises sont consommées par les plantes qui ont poussé dans le champ", précise le dirigeant.
Outre la réduction des émissions de gaz à effet de serre, EDF PEI fait valoir l'amélioration de la qualité de l'air au niveau local. Le remplacement des produits pétroliers par la biomasse liquide permettrait de réduire de manière significative les émissions de poussières et d'oxyde de soufre.
Le défi d'un approvisionnement durable
Mais pour être véritablement vertueux, ce dispositif doit reposer sur un approvisionnement en biomasse liquide durable. Dans cette optique, EDF PEI s'est engagé à n'utiliser que des produits certifiés RED 2. Cette réglementation européenne garantit que le recours à la biomasse liquide permet de réduire d'au moins 65% le bilan carbone du dispositif, depuis les champs de récolte à la fabrication de l'électricité, par rapport aux produits pétroliers. Elle assure également que la culture des produits n'a pas été réalisée sur une terre présentant une grande valeur ajoutée en matière de biodiversité ou de capture de CO2.
"Nous nous interdisons également le recours à l'huile de palme et au soja compte tenu de leur impact potentiel en termes de déforestation", précise le dirigeant.
EDF PEI prévoit ainsi de s'approvisionner essentiellement en huile de colza. Outre son caractère durable pour la biomasse liquide, la culture du colza est aussi utilisée pour obtenir de la protéine végétale nécessaire à la fabrication du tourteau pour l'alimentation du bétail. Pour une tonne de colza cultivée, 60% est dédiée aux protéines végétales et 40% pour fabriquer de l'huile de colza, utilisée dans la biomasse liquide. De quoi optimiser l'utilisation des terres exploitées.
Un scénario hybride pour répondre à des besoins colossaux
Pour répondre à ses besoins colossaux d'approvisionnement (entre 80.000 et 100.000 tonnes de biomasse liquide par an pour une centrale), l'électricien mise sur un scénario hybride, couplant un approvisionnement direct de produits finis sur le marché mondial de la biomasse liquide, un approvisionnement de produits transformés en France à partir de graines, au moins en partie, cultivées dans l'Hexagone (en phase avec le plan de relance national qui souhaite relocaliser la production de protéines végétales ) et un approvisionnement local. EDF se dit ainsi prêt à contribuer au développement de filières biomasse liquides locales, qui n'existent pas encore aujourd'hui sur les territoires insulaires.
Côté calendrier, la centrale de Port-Est à La Réunion devrait être la première à abandonner le fioul, l'île ayant d'ores et déjà inscrit la conversion de la centrale, au plus tard en 2023, dans sa Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Une première étape indispensable à cette transition. "Une fois que la PPE de la Réunion sera validée par les instances nationales, nous pourrons déposer un dossier auprès de la CRE (Commission de régulation de l'énergie) pour valider le déploiement de notre projet", précise Frédéric Maillard. Le producteur Albioma, concurrent d'EDF, s'engage lui aussi sur le terrain de la transition. Il s'apprête à remplacer le charbon par des granulés de bois dans les deux centrales qu'il exploite sur l'île.
La conversion des deux centrales thermiques d'EDF situées en Guadeloupe et en Martinique interviendra, elle, à une échéance plus lointaine, leur PPE étant à un stade moins avancé. Quant à la nouvelle centrale de Larivot, en Guyane, elle doit remplacer la vieille installation au fioul de Dégrad-des-Cannes (qui fournit 40% de l'électricité du territoire ultra-marin), dont l'arrêt est prévu en 2023.
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