Cinq ans après avoir inauguré son premier parc de panneaux photovoltaïques au Chili, EDF accélère son déploiement dans la région, en finançant cette fois-ci la plus grande ferme solaire du pays d'Amérique du Sud. L'opérateur français conforte ainsi sa place dans ce nouvel eldorado des énergies renouvelables, aux côtés d'autres acteurs tricolores comme Engie ou TotalEnergies. Et pour cause, grâce à son rayonnement solaire sans pareil dans le monde, le nord du pays représente un lieu stratégique. Et attire par là-même les investisseurs étrangers, désireux de réaliser des installations à moindre coûts.
Concrètement, le parc se situera dans le désert d'Atacama, dans la région d'Antofagasta. Situé à 1.700 mètres d'altitude, le site bénéficie en effet de « niveaux d'irradiations exceptionnels », fait valoir EDF. Ainsi, avec 860.000 modules photovoltaïques, il s'étendra sur environ 400 hectares, soit l'équivalent de 370 terrains de football. Et permettra d'alimenter dès 2023 « environ 1,2 million d'habitants, de 8 heures à 18 heures », assure le groupe. D'un montant total de 843 millions d'euros, le projet s'appuie sur un financement en fonds propres assuré à hauteur de 20% par EDF et son partenaire chilien AME, et en dette à hauteur de 80% portés par un pool bancaire.
Du gaz naturel pour assurer la sécurité d'approvisionnement
L'infrastructure géante permettra ainsi d' « économiser 280.000 tonnes d'émissions de CO2 », affirme Philippe Castanet, directeur Amériques d'EDF. Soit l'équivalent de « 120.000 voitures retirées des routes », ajoute-t-il. A cet égard, EDF n'est pas le seul à y trouver son compte : le Chili vise à sortir progressivement des hydrocarbures pour atteindre la neutralité carbone, en parvenant à 75% d'énergie renouvelable d'ici à 2030, et 95% d'ici à 2050, contre moins de 40% en 2016. Mais la tâche est complexe, alors que le désert d'Atacama compte aussi de nombreuses mines de cuivre, dont le pays est le premier producteur, avec un tiers des réserves mondiales. Gourmande en électricité, l'activité est aujourd'hui principalement alimentée par des centrales au charbon.
Cependant, intermittence de la production photovoltaïque oblige, le contrat signé par EDF n'est pas 100% renouvelable. Il prévoit d'adosser aux panneaux photovoltaïques des moyens thermiques, avec l'achat en 2018 de quatre unités représentant 700 MW de capacités de production. « La manière la plus efficace d'assurer la continuité de service aujourd'hui dans le contexte chilien est de coupler du gaz à ces installations solaires, dans un projet hybride, pour fournir de l'électricité le soir et la nuit », explique Philippe Castanet. Les unités fonctionnant au gasoil seront ainsi modernisées et converties au gaz naturel, un combustible fossile moins polluant, à l'exception de celle de Santa Lidia (139MW) qui « restera dans un premier temps au gasoil car elle est très peu appelée ». Quant à la centrale historique au fioul que possède le groupe sur le site, elle sera « décommissionée dès 2022 », c'est-à-dire démantelée, assure EDF.
« L'hybridation au gaz fait partie de la transition, car cette source d'énergie émet deux fois moins d'émissions de CO2 que le charbon », défend Philippe Castanet.
Stocker l'électricité grâce à des barrages
Mais pour aller plus loin, EDF travaille également sur des solutions de lissage de l'offre d'électricité à l'aide des énergies renouvelables plutôt que du gaz, par le biais de l'utilisation de barrages. En effet, grâce au pompage-turbinage, ou STEP (pour station de transfert d'énergie par pompage-turbinage), qui consiste à remonter de l'eau pour la concentrer dans des bassins d'accumulation, l'énergie pourrait être stockée sous forme hydraulique. Et permettrait donc de pallier à l'intermittence du solaire.
« Concrètement, on pourrait pomper l'eau dans la journée grâce à l'électricité produite par les panneaux photovoltaïques, et turbiner cette eau dans un réservoir pour restituer le courant le soir et la nuit, afin d'alimenter les populations », précise Philippe Castanet.
Le groupe français a ainsi lancé les premiers jalons pour développer des projets de STEP au Chili et au Pérou, avec une prise directement dans la mer, plutôt que dans des cours d'eau douce, « rare et chère dans ces pays ». Le but : stocker l'eau marine en haut des montagnes, qui ont la particularité dans cette région d'avoir les "pieds" dans l'eau salée.
Aucun planning précis n'a pour l'instant été communiqué, les projets de barrage avec STEP étant au stade de l'esquisse, contrairement aux parcs solaires. Mais pour EDF, l'idéal serait d'obtenir un permis « d'ici à deux ans maximum ». Afin de pouvoir, après une phase de financement, enclencher le processus. Et renforcer un peu plus sa position dans la région.
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