Loi Climat : l’encadrement de la publicité renforcé par les députés

Les élus ont interdit jeudi la publicité pour la commercialisation et la promotion des énergies fossiles, et durci les sanctions contre l’éco-blanchiment.
Marine Godelier
Ces dispositions figurent aux articles 4 et 5 du projet de loi visant à lutter contre le dérèglement climatique, en première lecture à l'Assemblée nationale, dont le gouvernement veut faire un marqueur du quinquennat.
Ces dispositions figurent aux articles 4 et 5 du projet de loi visant à "lutter contre le dérèglement climatique", en première lecture à l'Assemblée nationale, dont le gouvernement veut faire un marqueur du quinquennat. (Crédits : Reuters)

Rendre obligatoire l'affichage environnemental et mieux lutter contre les pratiques de « greenwashing ». Jeudi 1er avril, les députés ont musclé les articles 4 et 5 du projet de loi Climat et résilience portant sur l'encadrement de la publicité, tout en restant en-deçà des propositions des 150. Alors que ceux-ci recommandaient de proscrire « la publicité des produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre », le texte adopté vise l'interdiction de celles « en faveur des énergies fossiles » uniquement, et une « autorégulation contrôlée » pour le reste.

« Le gouvernement fait le choix de faire confiance aux acteurs du secteur [...] et à la liberté d'entreprendre », a déclaré la co-rapporteure Aurore Bergé (LREM), lors des débats dans l'hémicycle. L'interdiction des campagnes pour la « vente » des énergies fossiles a néanmoins été renforcée, et étendue à la « commercialisation et la promotion ». Il en va de même pour les sanctions en cas de non-respect de cette mesure, qui pourraient désormais atteindre un montant correspondant à la totalité des dépenses consacrées à l'opération délictueuses, au lieu de la moitié comme prévu initialement. Par ailleurs, les députés ont rendu obligatoire un affichage dans la publicité pour les voitures et l'électroménager de leur classe d'émissions de CO2 (de A à G).

Des changements « insuffisants » pour la gauche - et certains membres de la majorité -, mais inquiétants pour la droite, qui s'est émue de la santé des médias ou d'associations sportives et culturelles « privés d'importantes ressources ». Certains élus LR comme Julien Aubert ont également déploré que le gaz naturel soit mis sur le même plan que le charbon ou le pétrole, alors qu'il génère moins de dioxyde de carbone.

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L'automobile, cible des critiques

A l'inverse, nombre de députés ont dénoncé une loi qui « n'aura aucun impact ». « Un calcul rapide permet d'évaluer la cible de l'interdiction des énergies fossiles à 0,1% du total des publicités », avait lancé Mathieu Orphelin (NI) en commission spéciale. Hier soir, plusieurs amendements (rejetés) réclamaient à nouveau d'aller plus loin, dans une trajectoire progressive d'interdiction de mise en valeur des produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre, en tenant compte de leur futur affichage environnemental. « Cela concerne énormément d'emplois. Il faut être proportionné [...] Nous ne voulons pas d'une société qui interdit, mais qui responsabilise. Sinon, on entre dans un engrenage et on ne sait plus où s'arrêter », a opposé Aurore Bergé.

Le secteur automobile a notamment été pointé du doigt, quelques jours après la publication d'une étude du WWF sur l'omniprésence des SUV dans la publicité. Jean-Charles Colas-Roy (LREM) a ainsi plaidé pour une interdiction de la promotion des certains modèles thermiques dont la date de fin de la mise sur le marché a déjà été décidée, au moins deux ans avant que celle-ci ne soit effective. « Cela permet de préparer le consommateur à l'arrêt de la commercialisation », a abondé Camille Galliard-Minier (LREM).

« N'imputez pas à la publicité l'interdiction de pouvoir juste dire que ces produits existent », a défendu Aurore Bergé. Et d'affirmer que les constructeurs français avaient « clairement rappelé leurs engagements », avec « la moitié de la pub déjà sur les hybrides et les électriques ».

Engagements volontaires

Ces fameuses « règles de bonne conduite » prises par le secteur, dans une logique de co-régulation, sont mentionnées dans l'article 5 adopté hier soir par les députés. Celui-ci prévoit la mise en oeuvre d'un « code » qui transcrirait les engagements pris au sein d'un « contrat climat », conclu entre les médias et les annonceurs d'une part, et le Conseil supérieur de l'audiovisuel d'autre part, afin de « réduire la publicité pour les produits polluants ». Pour le formaliser, le gouvernement avait confié une mission en février dernier à Arnaud Leroy, président-directeur général de l'Agence de la Transition écologique (Ademe), et Agathe Bousquet, présidente de Publicis Groupe en France, dont les conclusions sont encore attendues.

« Le rapport sur les engagements volontaires va sortir après notre débat et vote. Comment voulez-vous que l'on ait confiance dans une promesse comme celle-là ? », a réagi Dominique Potier (PS). « Les engagements volontaires n'ont jamais mené à rien », a ajouté la députée Mathilde Panot (LFI). « Les lobbies de la pub sont en train de trembler », a-t-elle ironisé.

Enfin, les députés ont musclé le dispositif de lutte contre le « blanchiment écologique », en assimilant à une « pratique commerciale trompeuse » le fait d'attribuer à un produit des vertus environnementales fallacieuses. Cette « meilleure définition du greenwashing » vise « ceux qui veulent faire passer des vessies pour des lanternes » a lancé la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili. Les sanctions correspondantes ont été durcies, et pourront atteindre 80% des dépenses engagées.

Une démarche ancienne

Si elle est renforcée, la logique retenue par le gouvernement n'est pas nouvelle. Dès 1990, des formes de de co-régulation du secteur publicitaire se sont imposées, afin de ne pas tromper le consommateur sur des allégations environnementales - à l'époque dans le cadre de campagnes pour de la lessive sans phosphate. Avant de s'élargir aux préoccupations sur le développement durable dès 2003. Et, depuis 2008, ces engagements sont encadrés par l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (Arpp). « Sa mission est d'aider à la bonne application des règles fixées via des dispositifs d'auto-saisine, d'observations ou encore de bilans », explique à La Tribune son directeur général, Stéphane Martin.

Mais selon de nombreuses associations - dont France Nature Environnement qui a claqué la porte du conseil paritaire de la publicité de l'Arpp en septembre dernier -, l'auto-régulation est un « échec ».

« Le problème se situe au niveau du jury de déontologie, composé uniquement de professionnels du secteur, avec des règles floues et sujettes à interprétation. Les associations de défense de l'environnement en sont exclues. Elles servent simplement à donner un avis, souvent non suivi d'effet », précise Rita Fahd, administratrice de FNE. « Le dispositif est co-construit avec la société civile, pour intégrer les préoccupations éco-citoyennes », objecte-t-on à l'Arpp.

Reste que le secteur automobile est divisé sur la question. Il y a une semaine, la Chambre syndicale internationale de l'automobile et du motocycle (Csiam), représentant 45% du marché automobile et 75% du marché des véhicules industriels en France, a refusé ces engagements et demandé la suppression de l'article 5. « La Csiam représente des marques mondiales qui ont du mal à transposer nos principes. Cela ne veut pas dire qu'ils ne seront pas aussi soumis à une forme de contrôle. Ils faut se mettre à leur place, et leur expliquer la spécificité française », avance Stéphane Martin. Et de rappeler que les constructeurs français se sont engagés, dès le 23 mars, à consacrer 70% de leurs dépenses publicitaires à la promotion de voitures électriques ou hybrides.

Lire aussiLes ventes de voitures électriques ont doublé en Europe en 2020

Marine Godelier

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Commentaires 10
à écrit le 03/04/2021 à 9:01
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Bref, on enfonce les portes ouvertes pour dire que l'on fait quelque chose, sans rien anticiper, afin de pas vexer de susceptible donateur!

à écrit le 02/04/2021 à 19:23
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Bref, on enfonce des portes ouvertes pour dire que l'on fait quelque chose, mais s'en rien anticiper afin de pas vexer de susceptible donateur!

à écrit le 02/04/2021 à 17:34
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I had a dream ... Une vraie position, un vrai geste, bref une avancée spectaculaire et historique consisterait à prendre des mesures fortes et contraignantes envers certains industriels qui ne jouent pas le jeu, sans contreparties payées par les co...

à écrit le 02/04/2021 à 13:19
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Bof, on interdirait la publicité que ça changerait radicalement la face du Monde. N'oublions jamais que selon Orwell, la publicité, c'est "Agiter un bâton dans une auge à cochons "... c'est daté ! De nos jours la publicité se vautre dans la fosse à ...

à écrit le 02/04/2021 à 12:19
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Ca y est, le climat est à la mode, maintenant, ils vont le mettre à toutes les sauces

à écrit le 02/04/2021 à 11:25
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Comprenons bien que notre gouvernement choisit de faire confiance à des gamins qui ont le doigt dans le pot à confiture pour ne pas se le lécher et refermer gentiment le pot de lui même ... Donc l'Etat fait confiance et souhaite laisser la liberté "d...

à écrit le 02/04/2021 à 11:23
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Toujours plus de réglementations, d'interdictions, de répressions, d'amendes, de flicages : la France d'aujourd'hui ! Mais quel pays ! Et le rapporteur du projet qui a le culot d'affirmer je cite: "Le gouvernement fait le choix de faire confiance au...

à écrit le 02/04/2021 à 11:21
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Je ne pensais pas que le lobby agro-industriel était tellement puissant que nos politiciens préfèrent s'attaquer au lobby pétrolier plutôt qu'au premier exterminateur de la vie sur terre. Ce qui explique la dette de 35 milliards de BAYER sans que...

le 02/04/2021 à 11:45
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Bayer entreprise privée sa dette ne regarde que bayer et ses creanciers

le 02/04/2021 à 13:12
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Pourtant si on prend comme référence actuelle des économistes même certains néolibéraux mais qui je vous l'avoue sont à géométrie variable jusqu'à en être incompréhensibles, cette dette de 35 milliards est le signe d'une entreprise qui a échoué, ce q...

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