Les quatre clés du sauvetage de PSA

<b>LE CONTEXTE - </b>Le groupe automobile voit sa situation fi nancière se dégrader rapidement, résultat des mauvais choix stratégiques et de coûts élevés de production dans l'Hexagone.<br /> <b>LES ENJEUX - </b>Pour assurer sa survie, PSA doit changer de direction à la fois en termes de management et de stratégie, s'internationaliser et cibler les économies émergentes.
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PSA Peugeot Citroën va mal. En pleine tourmente médiatico-politique depuis l'annonce au début de l'été de la fermeture du site d'Aulnay-sous-Bois d'ici à 2014 et de la suppression de 8.000 emplois, le constructeur automobile tricolore se débat avec une dégringolade des volumes (-15,2% sur neuf mois), des surcapacités structurelles et le coût élevé du travail... L'État a même dû se porter au secours de sa filiale Banque PSA Finance, en garantissant jusqu'à 7milliards d'euros les futures émissions obligataires.
Quant à l'alliance mirifique avec General Motors, à peine nouée, elle s'essou?e. Selon nos informations, l'américain a en e?et renoncé au projet de fusion de sa filiale allemande Opel avec les activités auto de PSA. Les perspectives stratégiques sont pour le moins confuses. Le groupe brûle au minimum 200 millions d'euros de cash par mois, de son propre aveu, et espère à peine diviser par deux cette consommation en 2013.Certes, PSA conserve plusieurs atouts, comme un excellent savoir-faire dans les voitures petites et compactes ainsi que dans les moteurs Diesel, avec en corollaire une avance sensible en matière de faibles émissions de CO2. Mais, à l'échelle mondiale, c'est insuffisant. Les petites voitures à l'européenne sont trop chères pour les pays émergents. Le diesel n'est prisé que sur le Vieux Continent. Et, même en Europe, PSA - comme Opel, Ford, et Renault - est pris en étau entre les marques de haut de gamme allemandes, qui se mettent aux voitures plus petites en apportant image, prestige ainsi que forte valeur de revente, et le coréen Hyundai-Kia, passé à l'o?ensive. Le tout sous la pression constante de Volkswagen, qui joue sur tous les tableaux, fort de sa réputation de qualité - malgré une fiabilité des véhicules pas nécessairement meilleure que celle de PSA - et d'une rentabilité lui permettant d'attaquer ses rivaux avec des... prix canon. Pour PSA, la voie est donc étroite, alors même qu'il lui faudrait massivement investir pour pallier ses faiblesses à l'international. Voici donc les quatre conditions sine qua non pour assurer sa survie.

1 - Une culture du produit plus affirmée

Il manque à PSA un grand stratège de l'automobile. Chez Renault, le directeur général délégué, Carlos Tavares, est un ingénieur maison, qui sait ce qu'est une voiture, comment on la conçoit, comment on la fabrique. De plus, c'est à titre personnel un passionné de sport auto. Chez les allemands Volkswagen, BMW ou Daimler (Mercedes), une vieille tradition exige que les hauts responsables soient issus de l'industrie automobile, où ils ont exercé différentes fonctions. La plupart ont d'ailleurs réalisé presque toute leur carrière chez le constructeur dont ils sont devenus le patron (comme Martin Winterkorn, président de Volkswagen, et Dieter Zetsche, PDG de Daimler). Les japonais Toyota ou Honda sont également dirigés par des hommes du sérail. Philippe Varin, lui, n'a pas de culture automobile, pas plus que la plupart des dirigeants qui l'entourent. Ses prédécesseurs illustres comme Jacques Calvet ou Jean-Martin Folz n'y connaissaient certes rien non plus à leur arrivée, mais ils étaient entourés de spécialistes. Ce n'est plus le cas, malheureusement, depuis la présidence de Christian Streiff (entre 2007 et 2009), qui avait fait le vide autour de lui. Or, dans une industrie où le produit joue un rôle aussi essentiel, il faut, au sommet, des responsables qui aiment et connaissent l'automobile, pour impulser un mouvement, trancher en connaissance de cause, juger des handicaps et des avantages des produits concurrents, tout en imprimant une vraie vision d'avenir. Cela manque chez PSA.

2 - Un assainissement industriel

Un outil de production « surdimensionné » en Europe. Telle est la conséquence d'une erreur stratégique majeure soulignée par Emmanuel Sartorius, l'ingénieur des Mines auteur du rapport commandé par le gouvernement et publié en septembre. « En Europe, le taux d'utilisation de nos usines est de 70% avec une équipe et demie, voire de 60% pour les véhicules du segment B (petites voitures) », affirmait Denis Martin, directeur industriel de PSA à La Tribune début octobre. Très insuffisant. Et la chute conjoncturelle des marchés d'Europe du Sud n'est pas seule en cause. Il est donc nécessaire que le pouvoir politique laisse PSA fermer son site d'Aulnay - traditionnellement peu productif - en région parisienne. En outre, « l'outil de production reste largement centré sur la France », où PSA produit encore 41% de ses véhicules, contre 21% pour Renault et un tiers pour Volkswagen en Allemagne. Tous ses moteurs et boîtes de vitesses pour le marché européen sont aussi fabriqués en France : « 60% de nos fournisseurs sont encore en France », soulignait Denis Martin. Cette dépendance vis-à-vis de l'Hexagone prouve l'internationalisation trop timide du groupe. Un handicap concurrentiel - hors considération éthico-sociale dont l'acheteur ne tient pas compte -, surtout avec un coût du travail en France « de 35 euros de l'heure, comme en Allemagne, contre 20 à 22 euros en Espagne, 10 en Slovaquie », déplore Philippe Varin.

3 - Des véhicules pour marchés émergents

Le rapport Sartorius note que PSA est trop « dépendant » du mar-ché européen en crise, lequel absorbe encore 58% de ses ventes (hors Russie). Soit dix points de plus que Volkswagen. Hors d'Europe, PSA est faible. Le français détient à peine 3,4% du marché chinois et seulement 5% du gâteau latino-américain (contre 5,7% l'an passé) ! Il est marginal en Russie et absent aux États-Unis comme en Inde. Problème : son allié GM n'a pas a priori l'intention de l'aider. Lors de l'annonce des quatre futurs projets communs avec Opel, le 24 octobre, Philippe Varin confirmait : « La Chine n'est pas incluse dans l'alliance PSA-GM. » Quant au projet conjoint de petit véhicule pour l'Amérique latine, qui devait être l'un des programmes phares de cette alliance, le président du directoire de PSA soulignait : « On a regardé des projets hors d'Europe. Mais les deux parties ont jugé qu'ils n'étaient pas assez attractifs. » Le projet de petite voiture hors d'Europe « n'a pas été retenu », avait-il reconnu. Bref, PSA ne profitera pas du savoir-faire de l'américain dans les zones géographiques où il en aurait tant besoin (Inde, Amérique latine, Chine).PSA avait déjà négocié pour utiliser la nouvelle plate-forme à bas coûts de petites voitures mondiales du japonais Mitsubishi. Mais les discussions avaient échoué. Or, PSA a un besoin vital de ce type de véhicule pour marchés émergents. Au Brésil, c'est une obligation pour percer sur le créneau très couru du carro popular. En Inde aussi. Un premier pas a été fait dans la bonne direction, avec les nouvelles Peugeot 301 et Citroën C-Élysée, des compactes simplifiées sur une base de Peugeot 207, produites en Espagne et bientôt au Brésil et en Chine. Ces modèles, non prévus à ce stade pour l'Hexagone, seront vendus « à partir de 12.000-13.000 euros environ », selon Citroën. Histoire de concurrencer les Chevrolet Aveo, Honda City, Hyundai Accent. Mais, il faut un modèle au-dessous, genre Dacia-Renault Sandero, voire Fiat Uno ou Volkswagen Gol, ces deux derniers modèles étant réservés à l'Amérique du Sud. Le groupe Renault va même lancer fin 2014 une petite voiture pour l'Inde à 5.000 euros, en partenariat avec Nissan... Pour de tels modèles, une coopération est nécessaire à PSA.

4 - Des produits plus haut de gamme

PSA excelle dans les petits véhicules (C3, DS3, 208). C'est indéniable. Même s'il n'a plus la primauté qu'il pouvait revendiquer du temps des Peugeot 205 et 206, avec l'arrivée de nombreuses concurrentes. Le hic, c'est que ces petits modèles à très faibles marges représentaient l'an dernier 45% des ventes totales de voitures du groupe. C'est beaucoup. Et la montée en gamme avec la lignée « distinctive » DS ne peut pas dissimuler que la très grosse partie des ventes se fait avec la petite DS3, les DS4 et DS5 étant des modèles de niche à faibles volumes. Or, le groupe ne peut pas se cantonner à ces petits véhicules, même si la politique fiscale des pouvoirs publics ne peut malheureusement qu'inciter l'industrie auto à se polariser sur des véhicules surtout destinés à l'Europe.
Les ventes de modèles de gamme moyenne et supérieure (Peugeot 508, Citroën C5, DS5, C6) sont faibles : à peine 248.000 en 2011. Soit grosso modo les scores annuels de la seule Mercedes Classe E. Quant aux 4x4 à fortes marges (d'ailleurs simplement achetés à Mitsubishi), c'est à peine quelques milliers d'unités par an ! Pour rehausser l'image et donc les marges, il est indispensable de faire des voitures au-delà du créneau des Peugeot 308, 3008 ou Citroën DS4 compactes. Et, pour la Chine, c'est une condition sine qua non de la percée. PSA en est conscient puisqu'il prépare des 4x4 et une grosse limousine. Mais ce n'est pas pour tout de suite...

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