Les greentechs, un mégaréservoir à start-up

Agir en faveur de la qualité de l'air et de l'eau, limiter la production de déchets et réduire sa consommation d'énergie... À grand renfort de technologies couplant informatique et dispositifs électroniques, les start-up se multiplient en France.
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À moins d'un changement durable des comportements, les maladies dues à la mauvaise qualité de l'air ou de l'eau vont continuer à progresser. Idem pour les émissions de carbone, source de grands désordres climatiques. Dans ce contexte, les start-up des greentechs (technologies environnementales appliquées au bâtiment, à l'automobile, à l'énergie et à l'industrie) sont de plus en plus nombreuses.
Les deux secteurs où se sont créées le plus de start-up depuis 2007 ont été les énergies renouvelables (solaire en tête) et l'efficacité énergétique (bâtiment vert, maîtrise de l'énergie, etc.) : six start-up sur dix appartiennent à l'une de ces catégories. Et leurs technologies rebattent les cartes avec des systèmes conviviaux et faciles à utiliser, comme ces collecteurs ludiques pour encourager le recyclage des déchets ou encore cet épurateur d'air qui sait détecter et éliminer les polluants dans la maison.

La pureté de l'air, un créneau « bankable »

Les idées les plus prometteuses se retrouvent sur les podiums les plus enviés ou enregistrent les levées de fonds les plus alléchantes. C'est le cas d'Ethera, cofondée à Grenoble par Thu-Hoa Tran Thi, une chercheuse du CNRS, et par Yves Bigay, ingénieur du CEA spécialisé dans le transfert de technologie. Leur entreprise créée en 2010 a levé 1,2 million d'euros auprès d'Emertec Gestion et de CEA Investissement. Objectif assigné : industrialiser et commercialiser une nouvelle génération de kits de détection ultrarapides pour repérer et mesurer la présence de composés organiques volatils (COV). Émis par les colles, moquettes, peintures, encres, vernis ou dissolvants, etc., ces gaz toxiques sont massivement présents dans l'habitat comme dans tous les lieux clos. Le décret n°2011-1728 oblige d'ailleurs les établissements recevant du public (ERP) à surveiller la qualité de l'air intérieur. Lequel est réputé 10 à 20 fois plus pollué qu'à l'extérieur. L'obligation, qui s'imposera d'abord aux crèches et aux écoles maternelles (avant le début de 2015), s'étendra progressivement, jusqu'en 2023, à tous les ERP. « Nous préparons un nouveau tour de table pour lever 3,2 millions d'euros », indique Sylvain Colomb, chargé du développement commercial chez Ethera, qui s'adresse aujourd'hui aux professionnels du diagnostic avant de se tourner, demain, vers les particuliers. Une cible que vise justement Air Serenity, cofondée et dirigée par Joseph Youssef, un ancien doctorant du laboratoire de physique des plasmas (CNRS). Cette start-up a développé un procédé qui élimine l'ensemble des polluants présents dans les espaces clos tels que les micro-organismes, particules fines, com-posés gazeux ou COV. Et ce, sans générer de sous-produits.

Pour l'eau, des billes de filtration en polymère

Commercialisé l'an prochain, le premier produit d'Air Serenity, un épurateur d'air autonome, aspire l'air en continu afin de retenir les polluants dans une cartouche contenant des matériaux poreux spécifiques. Ce piège minéral est alors traversé par un plasma froid qui oxyde et détruit les polluants tout en régénérant la cartouche de filtration vendue avec l'appareil. « Dans un second temps, il est prévu de proposer un module qui s'intégrera à des systèmes de ventilation centralisés », prévoit le cofondateur d'Air Serenity, qui se prépare à une première levée de fonds pour lancer l'industrialisation et la commercialisation de cette gamme d'appareils.
Également placée sous haute surveillance, la qualité des eaux est au c?ur de la directive européenne 2000/60/CE du 23 octobre 2000. Cette réglementation va interdire d'ici à 2021 les rejets et émissions d'une quinzaine de substances dont le cadmium et le plomb, ainsi que des métaux lourds difficiles à récupérer. D'où l'intérêt de la technologie développée par Steven Van Zutphen, président de Magpie Polymers. « Nous concevons et produisons des billes de filtration en polymère qui ont une attraction naturelle vers certaines familles de métaux », explique ce chimiste. Une fois en contact avec leurs cibles métalliques, elles créent des liaisons chimiques spécifiques afin de les absorber. « Cette technologie concerne notamment les eaux de rinçage ou issues de processus industriels, chargées en plomb, cadmium ou mercure. » Une fois les polluants absorbés, les billes seront soit évacuées comme déchets industriels soit fondues pour récupérer et valoriser des métaux aussi précieux que le platine, le palladium et le rhodium. « Notre technologie vise dans ce cas les recycleurs de pots catalytiques ou de téléphones portables », confie Steven Van Zutphen, qui a levé 650.000 euros, dont 500.000 euros auprès du Fonds lorrain des matériaux, afin de faire mûrir son offre. L'an prochain, l'entreprise compte réaliser 1 million d'euros de chiffre d'affaires, dont 80% à l'export. D'ici quatre ans, l'activité devrait peser entre 10 et 20 millions de chiffre d'affaires.

Un collecteur ludique pour les canettes...

Récupérer et valoriser les produits en fin de vie fait désormais partie des « écogestes » de la vie quotidienne des salariés et des particuliers. Un comportement que Canibal veut encourager avec le premier collecteur automatique et ludique pour la récupération de canettes en aluminium ainsi que de bouteilles et gobelets en plastique. « Grâce à une analyse combinée du poids et de l'image du déchet, notre appareil sait trier les déchets automatiquement dans le bon compartiment après les avoir compactés », fait valoir Benoît Paget, cofondateur de Canibal, qui a déjà levé 1,2 million d'euros (300.000 euros supplémentaires sont en cours) pour financer la production et la diffusion de sa machine. « Nous avons quatre sources de revenus », résume le dirigeant. D'abord, la location du collecteur et la fourniture des services vices associés (vidage du conteneur et délivrance du certificat de recyclage). Ensuite la revente des déchets dans chacune des filières appropriées. Et enfin les revenus liés à la commercialisation d'espaces promotionnels. En effet, lorsqu'un utilisateur remet un déchet, l'écran de la machine affiche un véritable jackpot qui lui fera gagner ou non des bons d'achat ou des points-fidélité... De quoi fidéliser les adeptes du tri. « Associer le geste de recyclage à un concept ludique permet de multiplier l'importance de la collecte par trois », indique Benoît Paget, qui prévoit d'installer 400 machines en France dès 2013.

CitéGreen, jeu En réseau sur les éco gestes

Inciter de manière ludique les citoyens à limiter leur empreinte environnementale constitue un nouveau filon pour les start-up comme CitéGreen, eGreen et Grid Pocket. « Ce marché n'existait pas encore il y a un an », affirme Emmanuel Touboul, fondateur associé de CitéGreen. Parmi les finalistes du Grand Prix de l'innovation de la ville de Paris 2012, cette start-up a déjà levé plus de 100.000 euros auprès d'investisseurs privés. Ce qui lui a permis de développer un programme d'incitation aux écogestes. Par exemple, en fonction du nombre de kilomètres parcouru avec un Vélib' ou du volume de déchets triés, les membres de sa plate-forme Web gagnent des points et rivalisent entre eux. Grâce à l'accord passé en juillet dernier avec Velib', CitéGreen a attiré plus de 20.000 utilisateurs. « Nous comptons passer la barre des 100.000 membres mi-2013 », indique Emmanuel Touboul, qui, entre-temps, va participer à un programme pilote en région parisienne afin d'inciter les habitants à trier leurs déchets. L'entreprise prévoit d'ailleurs de vendre son dispositif d'incitation aux collectivités locales. « Le prix du programme dépend de la taille de la collectivité. Mais, quoi qu'il en soit, elle pourra réaliser des économies à travers de meilleures performances de tri », assure le dirigeant, qui pense atteindre la rentabilité courant 2014.L'énergie pèse également lourd dans notre bilan carbone. Pour limiter son empreinte, encore faut-il connaître en temps réel sa consommation. Un besoin auquel répondent eGreen et GridPocket, qui récupèrent les données provenant des compteurs et les mettent à la disposition des utilisateurs inscrits sur leur plate-forme. En revanche, difficile pour ces derniers d'identifier les équipements qui consomment le plus.

Un comptage électrique individualisé par appareil

Un besoin auquel répond Smart Impulse, qui innove avec un système qui différencie la consommation des téléviseurs, PC, écrans et autres radiateurs, repérables grâce à leur signature électrique sur le réseau domestique. Ce système de comptage est une première. Lauréate de plusieurs concours, la start-up a été cofondée en 2011 par trois ingénieurs diplômés de Centrale Paris, qui ont levé 300?000 euros. Mais c'est durant leurs études qu'ils ont mis au point ce compteur baptisé Smart Analyzer. Lequel est alimenté en temps réel par les données provenant de boucles électro magnétiques installées sur les câbles provenant du tableau d'alimentation électrique. « Deux heures suffisent pour mettre en place notre système de comptage », indique Charles Gourio, directeur du développement de Smart Impulse, qui espère dépasser les 500.000 euros de chiffre d'affaires pour la première année. Depuis février 2012, une trentaine de bâtiments ont déjà été équipés. Quant au compteur, il est commercialisé en location auprès des gestionnaires de bâtiments, qui peuvent en attendre 10% à 15% d'économie d'énergie par an.

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Commentaire 1
à écrit le 14/12/2012 à 10:35
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On parle souvent des créations d'entreprises, mais plus rarement des cessations d'activité. Il serait intéressant de savoir combien de ces start-up existent encore 5 ans après.

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