Réforme de la sauvegarde : attractivité, aubaine ou abus ?

Par Michel Menjucq et Gabriel Sonier, respectivement professeur à l'université Paris I et avocat au barreau de Paris.

Applicable pour l'essentiel à compter du 15 février 2009, l'ordonnance du 18 décembre 2008 vient modifier à nouveau le droit des entreprises en difficulté, déjà profondément réformé par une loi du 26 juillet 2005.

Cette nouvelle réforme répond à la volonté du président de la république qui souhaitait rendre plus attractive la procédure de sauvegarde instituée par cette loi sur le modèle du "Chapter" 11 du "Bankruptcy Act" américain (loi sur les faillites).

Conçues pour permettre le rebond des entreprises connaissant des difficultés avant que celles-ci ne soient insurmontables et notamment avant que les entreprises ne soient en cessation des paiements, les sauvegardes sont demeurées très peu nombreuses (500 par an), au regard des dizaines de milliers de redressements et liquidations judiciaires (55.000 en 2008).

Revenant sur son ouvrage en 2008, le gouvernement, habilité par le parlement à agir par voie d'ordonnance, a ainsi cherché à inciter les chefs d'entreprise à recourir davantage à la procédure de sauvegarde.

Pour ce faire, les critères d'ouverture de la sauvegarde ont été assouplis puisqu'il suffit désormais au débiteur d'établir qu'il est confronté à "des difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter", sans avoir à démontrer, comme précédemment, que ces difficultés sont de nature à conduire à la cessation des paiements.

Par ailleurs, la nouvelle ordonnance a rendu plus attractive la sauvegarde en renforçant le rôle du chef d'entreprise et en sécurisant sa situation tout au long de la procédure?: extension des pouvoirs du chef d'entreprise, suppression des dispositions permettant au tribunal de subordonner l'adoption d'un plan de sauvegarde au remplacement des dirigeants ou de prononcer l'incessibilité ou au contraire la cession forcée de leurs parts sociales ou actions.

Elle a en outre un effet d'aubaine indéniable en ce qu'elle étend la protection réservée aux garants personnes physiques, pendant la procédure de sauvegarde et à son issue en cas de plan de sauvegarde, à toutes les sûretés personnelles. Cette mesure est réellement incitative tant la charge des sûretés personnelles freine les dirigeants de PME à franchir les portes du tribunal.

Toutefois, la procédure de sauvegarde ne doit pas permettre à des entreprises de se mettre indûment à l'abri de leurs créanciers. Elle ne doit pas devenir un instrument de concurrence déloyale. L'ouverture d'une procédure de sauvegarde entraîne, faut-il le rappeler, le gel du passif du débiteur dispensé de payer ses créanciers antérieurs et soustrait à leurs poursuites individuelles. Elle ne doit pas non plus décourager les investisseurs français et étrangers, confrontés au risque de voir leurs investissements remis en cause par des plans imposés par les tribunaux, sans que des négociations transparentes et constructives n'aient permis aux parties de rechercher un accord consensuel.

Le risque d'usage abusif de la sauvegarde existe bel et bien, la pratique américaine du "Chapter 11", dont la sauvegarde s'inspire, l'a démontré et le législateur américain a dû intervenir en 2005 pour sanctionner les débiteurs de mauvaise foi et élargir les recours judiciaires des créanciers.

Ainsi, conviendrait-il dans le cadre de la mise en ?uvre de l'ordonnance de 2008, que la jurisprudence renforce les garde-fous, particulièrement en ouvrant plus largement aux créanciers la possibilité d'exercer un recours, au moyen de la tierce opposition, contre le jugement d'ouverture d'une sauvegarde. Ce faisant, elle ne ferait d'ailleurs que se conformer au droit fondamental à un procès équitable tel qu'il figure dans la Convention européenne des droits de l'homme.

En définitive, il faut attirer l'attention des praticiens et des juges en charge des procédures collectives sur la nécessité de rechercher un équilibre entre le traitement précoce des difficultés des débiteurs et la préservation des intérêts des créanciers, dont les sacrifices, parfois lourds, ne devraient pouvoir être imposés par les tribunaux qu'en faveur de débiteurs méritants et de bonne foi.

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