La mutualité en attente d'un statut européen

Par Gérard Andreck, président du Gema et président du Groupe Macif.

La crise économique et sociale actuelle génère des trappes à pauvreté et à isolement, multipliant ainsi les besoins de protection et d'accompagnement. Chacun doit faire face à des inquiétudes croissantes. Aux facteurs structurels, comme l'allongement de la durée de la vie par exemple, la crise économique que nous traversons ajoute des facteurs aggravants : érosion du pouvoir d'achat, remontée préoccupante du chômage, creusement des inégalités sociales.

Plus qu'une dépression économique, notre société traverse une grave crise morale marquée par une perte de confiance en l'avenir et le sentiment d'avoir été "trahie" par ses entreprises. Alors que l'on questionne le capitalisme financier, le modèle mutualiste, avec ses valeurs structurantes de sens de la mesure et du consensus, de démocratie et de solidarité, apparaît comme l'une des réponses possibles aux aspirations d'une société qui est à la recherche de pratiques collectives et d'engagements de long terme. La mission des mutualistes est, plus que jamais, d'apporter des réponses d'intérêt général aux aspirations de notre siècle.

En toutes circonstances, les mutuelles d'assurance ont su démontrer leur capacité de résistance dans des contextes économiques difficiles, créant des emplois durables sur le territoire français, et rejetant la tentation à courte vue des délocalisations.

Mais elles ne pourront jouer leur rôle dans la sécurisation des parcours de vie qu'en faisant évoluer leur métier et leurs marchés. Pour être en mesure d'apporter des réponses aux besoins fondamentaux des individus en matière de santé, d'épargne, de prévoyance ou de protection, les mutuelles doivent développer de nouvelles activités, au-delà de l'assurance et au-delà des frontières de l'Hexagone.

Parce que les mutuelles d'assurance savent concilier création de valeur sociale et performance économique, les consommateurs européens ont d'autant plus besoin d'elles pour accompagner leurs parcours de vie. Mais sans l'adoption d'un statut spécifique européen et sans la capacité de se structurer en groupe à cette échelle, elles n'auront pas les moyens juridiques nécessaires pour exploiter leur potentiel d'expansion.

Pour répondre efficacement aux enjeux rendus plus criants par la crise, il est urgent de donner aux mutuelles d'assurance et de prévoyance le statut d'entreprise européenne qui leur permettra de se structurer en groupes transfrontaliers. Ne pas le faire reviendrait à exclure du jeu de la concurrence en Europe un modèle qui fait la preuve de sa pertinence et de son efficacité. Peut-on accepter que les modèles capitalistes, dont on pointe aujourd'hui les excès, bénéficient de législations favorables à leur déploiement et à leur fonctionnement, et que les mutuelles d'assurance, dont les principes fondateurs et la gouvernance répondent aux aspirations des citoyens, en soient privées ?

En effet, les valeurs fondatrices de solidarité, de démocratie, de liberté et de transparence sur lesquelles s'appuient depuis leur création les mutuelles font désormais partie des principes de fonctionnement attendus des entreprises. Ainsi, ces assureurs mutualistes n'ont pas de capital social et donc pas d'actionnaires à rémunérer. S'appuyant sur leurs fonds propres, le principe de prudence régit leurs placements. Un fonctionnement économique unique qui démontre aujourd'hui toute sa pertinence. Or, dans le contexte actuel, plus que jamais, la société a besoin d'être écoutée. Le principe de gouvernance de ces entreprises où chaque personne, chaque sociétaire est une voix qui peut s'exprimer pour faire bouger les lignes répond absolument à ce besoin. Le modèle mutualiste doit donc être doté des moyens adéquats pour répondre efficacement à ces attentes.

Il est indispensable que le droit européen autorise la création de mutuelles européennes pour leur permettre de se développer à armes égales avec les sociétés de capitaux. Pour être bon socialement, il leur faudra être efficace économiquement : non seulement en France mais, dorénavant, au niveau européen. C'est ce que nous demandons et attendons de la nouvelle Commission et du nouveau Parlement européens.

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Commentaires 2
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Je ne vois pas en quoi d'avoir des structures Européennes pourraient permettre de vous développer. Quand chaque pays de l'union est en crise et aucun n'a pas les mêmes structures sociales. On voit là vous faites chorus avec Sarkosy et vous trompez " ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Je doute que la gouvernance des organismes mutualistes soient intrinsèquement "meilleure" que celle des organismes capitalistes en raison des valeurs de solidarité et de démocratie qui (devraient) animer les mutuelles. Avant d'être sociétaire, celui ...

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