Deux leçons allemandes à méditer de ce côté-ci du Rhin

Par Peter Gumbel, grand reporter pour Time et Fortune, et auteur de "French Vertigo" (Grasset).

Cocorico ! La crise économique mondiale s'avère une bonne crise pour la France, si l'on en croit ce que l'on entend de plus en plus à Paris. Certes, la France souffre comme les autres pays, mais elle semble mieux résister que ses voisins. Le PIB français a chuté de 1,5% au premier trimestre et a de nouveau perdu 0,6% au deuxième, ces chiffres sont mauvais mais ils sont moins dramatiques qu'en Angleterre, en Espagne ou en Allemagne.

Voilà la preuve que le modèle français reste performant et, ô miracle, c'est grâce à ses fonctionnaires trop nombreux et ses structures supposées ossifiées. Car, finalement, c'est le poids - lourd - de l'Etat dans l'économie, si souvent critiqué par ces étrangers perfides, qui fait la différence. Et les Français ne sont pas les seuls à le dire. The Economist, l'hebdomadaire britannique souvent ultracritique envers la France, n'a-t-il pas mis en couverture une belle photo de Nicolas Sarkozy comme nouveau champion de l'Europe, perché sur une estrade au-dessus de la chancelière allemande et du Premier ministre britannique ?

Tout cela est vrai, mais excusez-moi de jouer le rôle de trouble-fête. Je reviens d'Allemagne, où j'ai passé quelques jours à manger des asperges et à visiter quelques entreprises. J'ai constaté que, même si les Allemands souffrent davantage actuellement que les Français à cause de la chute catastrophique de leurs exportations, ils montrent déjà une capacité à rebondir beaucoup plus convaincante que leurs voisins d'outre-Rhin.

Deux éléments m'ont particulièrement frappé. D'abord la volonté des entreprises allemandes de travailler de façon constructive avec leurs syndicats afin de gérer la crise à court terme sans licenciement mais avec un maximum de flexibilité. Il y a d'abord l'efficacité du système temporaire du "Kurzarbeit", le travail court. Les salariés sont renvoyés chez eux pendant quelques jours ou semaines quand on n'a pas besoin d'eux mais ils continuent à toucher une part importante de leur salaire. L'entreprise réduit fortement sa production et continue à payer une partie des charges sociales, et le gouvernement fait le reste, subventionnant les salaires au lieu de payer le chômage.

Plusieurs entreprises ont aussi conclu un accord avec leur comité d'entreprise qui prévoit une réduction temporaire du temps de travail avec réduction proportionnelle du salaire. Chez Daimler, le fabricant des automobiles de luxe, le comité d'entreprise a même donné son feu vert à la demande du management de reporter de quelques mois une augmentation de salaire déjà approuvée. En revanche, la direction générale, y compris le PDG, Dieter Zetsche, a renoncé à deux mois de salaire et a promis de ne pas réduire la masse salariale pendant un an. Bref, tout le monde partage la douleur en restant solidaire. La France, quant à elle, est le pays du "bossnapping", de l'intransigeance chronique des syndicats et du patronat, et de l'interventionnisme nuisible du gouvernement dans les relations dans les entreprises. Elle a besoin d'urgence d'un modèle de relations industrielles plus germanique.

La deuxième leçon concerne la politique. Le grand débat qui agite l'Allemagne ces derniers temps, à part la question controversée du sauvetage d'Opel, porte sur l'avenir des finances publiques. Faut-il vraiment ancrer dans la constitution des limitations au niveau de l'endettement national ? Pour la France, endettée jusqu'au cou, la question serait ringarde, Nicolas Sarkozy et son gouvernement se moquent apparemment de la dette. Pour eux, semble-t-il, la gestion de crise à court terme est la seule politique à mener.

En Allemagne, en revanche, le Bundestag vient de voter à une majorité de deux tiers en faveur d'une limitation constitutionnelle de l'endettement. C'est d'autant plus remarquable que les Allemands ne prônent pas le changement de leur Constitution tous les deux ans, comme le font les Français. Ils ont raison de s'inquiéter. L'explosion de la dette, conséquence d'une politique irresponsable menée par de nombreux pays, se paiera très cher dans l'avenir. La France sera un des pays à souffrir le plus. Qui a crié cocorico ?

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Commentaires 2
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Bayrou est le seul à s'intéresser à la réduction de la dette, voyez son score...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Article très lucide, hélas.

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