La finance en procès

Par François Lenglet,

Nicolas Sarkozy à peine rentré de vacances, voilà les banquiers français déjà "convoqués" à l'Élysée et sommés de retourner leurs poches. L'affaire des bonus de la finance est une providence pour les amateurs de caricatures. Elle met aux prises les méchants, des banquiers corrompus par la passion de l'argent, qui vivent dans leur luxueux empyrée, et les bons, entrepreneurs et salariés, qui habitent ici-bas, les pieds alourdis par la glaise de l'économie réelle.
Les uns ont créé la crise, les autres la subissent. Le monde est simple comme un western?: il suffit de punir les méchants pour que les bons puissent vivre tranquilles. Haro sur la finance, tel est le cri qui monte à l'heure de l'apéritif et des vérités toutes faites. S'il faut faire le procès de la finance, soyons juste. Tout d'abord, il n'y a pas de finance sans croissance.
À pendre les banquiers par les pieds, c'est toute l'économie que nous condamnerions. Le monde des marchés financiers et celui des usines sont les deux faces de la même pièce. Certes, le premier cherche toujours à s'émanciper du second, c'est la nature même de la spéculation que d'aller tester les limites. L'histoire de la finance est faite de ces embardées - les bulles spéculatives - qui se soldent toujours par un brutal retour au réel - le krach.
En cela, l'histoire de la finance est celle du capitalisme, et celle de toute entreprise humaine. Bon courage à celui qui voudrait "refonder le capitalisme" en s'attaquant à ce travers aussi ancien que l'humanité. Autant décréter que les hommes devront désormais voler plutôt que marcher.
Pour le reste, il faut évidemment réformer les modes de rémunération, et en particulier ces fameux "bonus garantis", qui ont été l'une des causes de la crise en incitant les traders à prendre des risques inconsidérés. C'est ici que le pouvoir politique doit prendre ses responsabilités. Demander aux traders de s'auto-limiter est à peu près aussi sérieux que de laisser une classe de maternelle sans surveillance dans une pâtisserie.
Tous les financiers veulent évidemment revenir au monde d'avant, celui qui a fait leur fortune. C'est donc aux gouvernements de s'entendre pour imposer de nouvelles pratiques. Et le temps presse. Le G20 de Pittsburgh, le 24 septembre, pourrait bien être la dernière occasion. Car après cela, la reprise va gagner en puissance, et faire disparaître la pression pour changer. Jusqu'à la prochaine crise, inévitable si les pratiques sont laissées en l'état.
 

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