Démocratisons le crédit responsable en France

La mise en place d'un fichier positif recensant l'ensemble des crédits aux particuliers est une opportunité. Et l'exemple de nos voisins européens doit rassurer. Mais deux points doivent être encore débattus : le mode de gouvernance et les délais de mise à jour.
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L'heure est au crédit « responsable ». C'est du moins le message délivré par les organismes de crédit, confrontés à un double défi. Tout d'abord, si l'on en croit les derniers résultats publiés par l'Observatoire des crédits aux ménages, le taux de détention de crédits à la consommation a atteint à la fin 2010 son plus bas niveau depuis 2001, soit 19 %. Et ensuite, le montant moyen d'un dossier de surendettement n'a cessé d'augmenter au cours des dernières années (+ 26 % entre septembre 2007 et septembre 2010), signe que le traitement du surendettement n'est enclenché qu'après l'accumulation d'une dette très importante.

Parallèlement, un rapport publié par la Cour des comptes, début 2010, a mis en lumière qu'une majorité des dossiers de surendettement est due à des situations où des « accidents de la vie » se cumulaient avec une consommation excessive de crédits à la consommation. Ces éléments apparaissent donc comme la conséquence de l'inadéquation des outils mis à disposition des établissements de crédit pour lutter contre le mal-endettement et le surendettement. Une situation qui entraîne également une « non-démocratisation » du crédit à l'échelle nationale.

La mise en place d'un fichier positif recensant l'ensemble des crédits constitue à n'en point douter une opportunité pour la société française. Un tel outil apportera à toutes les parties prenantes (autorités de tutelle, organismes de crédit, consommateurs, associations de consommateurs, etc.) les éléments nécessaires pour que le crédit à la consommation puisse croître de manière plus maîtrisée et plus concurrentielle, y compris auprès de segments de clients n'ayant pas actuellement un accès aisé au crédit. Enfin, il permettra de générer de nouveaux indicateurs macroéconomiques, sur lesquels les organismes de crédit pourront s'appuyer pour mieux piloter leur politique de risque et d'octroi. Autrement dit, la création d'un fichier positif pourra réinstaurer un cercle vertueux dans cet univers.

Le vote de la loi de réforme du crédit à la consommation, en juillet 2010, a amorcé ce mouvement en permettant l'accélération du traitement des dossiers par les commissions de surendettement, en obligeant les établissements de crédit à collecter plus de pièces justificatives lors de l'analyse d'un dossier et à prendre en compte systématiquement la situation du client en matière de logement (propriétaire/locataire). Cette loi a également engendré la nomination d'un comité de préfiguration chargé de définir les contours du futur Registre national des crédits aux particuliers. Un deuxième pas a été franchi il y a quelques jours lorsque ce comité a rendu publique sa première décision définissant le type de créances que ce registre recensera. Cela nous pousse à croire que le débat « pour ou contre un fichier positif » fait désormais partie du passé.

L'observation des pratiques chez nos voisins européens, quasiment tous équipés d'un ou plusieurs fichiers positifs, permet de rassurer la société française sur trois points. Le premier réside dans le fait que le fonctionnement de ces fichiers reste très encadré par des autorités de contrôle et repose sur des codes de bonne conduite sachant que l'utilisation des données à des fins « marketing » et commerciales est interdite. Les dérives restent d'ailleurs marginales et ont toujours été très rapidement jugulées par le législateur.

Le deuxième point est le droit des particuliers à accéder à la consultation et à la correction éventuelle de leurs données personnelles introduites dans ces fichiers. Ce droit est systématique et, dans l'écrasante majorité des cas, gratuit. Le troisième point, enfin, concerne le rôle des associations de consommateurs dans la gestion de ces bases de données. En Italie et en Allemagne, par exemple, les associations les plus représentatives y sont fortement impliquées et développent en partenariat de réelles politiques de prévention.

Outre ces éléments sur lesquels on peut penser que le comité trouvera rapidement un consensus, deux autres points devront être impérativement débattus durant les quelques mois restant à courir avant la fin du « mandat » du comité pour assurer un démarrage serein du Registre national des crédits aux particuliers. Le choix du mode de gouvernance, tout d'abord. Les expériences européennes peuvent là aussi être riches d'enseignement avec la cohabitation de trois modèles allant du 100 % public (banque centrale) au 100 % privé en passant par une solution intermédiaire prenant la forme d'un pool regroupant l'ensemble des établissements financiers (c'est le cas en Allemagne avec la Schufa ou encore aux Pays-Bas avec le BKR, deux fichiers considérés comme des références en la matière).

Les délais de mise à jour des données, ensuite, constituent un élément crucial afin d'éviter à des consommateurs de souscrire des crédits en cascade et ainsi de se retrouver très vite en situation de surendettement. Le fichier positif belge, dernier-né des fichiers positifs en Europe, impose à ses contributeurs d'introduire les nouveaux dossiers de crédit dans les deux jours suivant leur souscription... D'autres éléments tels que le choix des modes d'identification des individus au sein du registre (utilisation du numéro de Sécurité sociale ou création d'un authentifiant spécifique), la possibilité d'utilisation des rapports personnels par la justice ou encore la prise en charge ou non par l'État des coûts liés à la création de ce fichier, devront bien entendu être abordés mais apparaissent plus secondaires par rapport au choix du mode de gouvernance et aux contraintes de délais de mise à jour des fichiers.

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