La politique à contretemps

Par Valérie Segond, journaliste à La Tribune.
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Bon d'accord, on peut comprendre que le temps des estrades préélectorales soit propice à la floraison de concepts fourre-tout qui marquent les esprits. Ainsi en est-il aujourd'hui de la démondialisation, comme on se gargarisait hier de la mondialisation ou de la création de valeur. Le concept est d'ailleurs si vendeur que l'on trouve côte à côte chez ceux qui s'en réclament des hérauts de l'identité nationale, des écolos, des alter, des anti, des frontistes pur jus, des socialistes bon teint, des prophètes de l'apocalypse, le tout dans un joyeux désordre conceptuel. Seulement, sans rejeter a priori les utopies nécessaires pour être régénératrices, peut-on encore parier sur le retour des frontières commerciales et sur la relocalisation de la production ?

Notre train de vie comme notre activité économique se nourrissent pour beaucoup d'importations, qui représentent plus de 28% de notre PIB. Et voudrions-nous relocaliser nos usines que nous ne le pourrions pas tant nous avons perdu de savoir-faire depuis vingt ans ! Enfin, qui est prêt, au-delà des grands discours, à se serrer la ceinture ? Combien de partisans de la décroissance profèrent leurs sombres incantations un iPhone à la main ? Mais ce qui est le plus frappant, c'est le moment malencontreux de ce discours : est-ce bien l'heure de fermer nos frontières quand l'avantage compétitif chinois s'amenuise à toute vitesse, avec des coûts salariaux qui progressent de plus de 15% l'an dans les sociétés locales à capitaux étrangers ? Les industriels européens l'ont d'ailleurs bien compris, qui commencent à douter de la pertinence à long terme des délocalisations dans le but de bénéficier de coûts de production moindres. Et le consommateur chinois lui-même ne devient-il pas enfin solvable : le grand marché chinois pour tous est enfin là !

Bref, après avoir tant souffert de la mondialisation dans notre chair productive et sociale, est-ce bien le moment d'y renoncer alors que ses avantages pourraient enfin devenir évidents ? "Ce débat vient trop tard !" juge l'économiste Patrick Artus. Si nous avons perdu tant d'emplois industriels, ce n'est pas à cause des délocalisations, mais parce que notre offre est de plus en plus inadaptée à la demande mondiale. C'est sur elle, plus que sur le mirage des frontières, que les politiques français devraient enfin débattre.

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