Taxe carbone, clause sociale : l'Europe doit se défendre

Par François Loos, ancien ministre du Commerce extérieur, député du Bas-Rhin.
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S'il y a tant de débats aujourd'hui sur le libre-échange, c'est parce qu'il tenait du dogme jusqu'à présent et que la situation économique nécessite des interventions au-delà de ce que le libre-échange "autorise". Dogme parce que le libre-échange est un paradigme convenable en théorie car il a quand même des avantages et qu'aucune alternative n'est satisfaisante. Pourtant, il est urgent de trouver des aménagements car la vitalité économique nécessite la création d'emplois industriels et que la compétition internationale nous en a fait perdre beaucoup. Avec l'arrivée des pays émergents et de la Chine en particulier, les moyens existants ne fonctionnent pas bien.

L'idée que l'Europe serait protectrice est une contre-vérité. Certes, il reste un peu de préférence communautaire dans le domaine agricole, mais les directives sur la concurrence l'emportent sur les stratégies industrielles volontaristes.

L'idée que l'Organisation mondiale du commerce puisse créer des règles et les faire respecter de la même façon à la Chine, aux États-Unis et au reste du monde, est un voeu pieux.

Appliquer des mesures antidumping met tellement longtemps, surtout en Europe, que le secteur concerné risque de disparaître avant d'avoir vu les résultats de son action.

 

Il faut donc aller plus loin :

- la taxe carbone est un exemple. Au moment où l'industrie doit prendre en compte une vraie comptabilité du CO2 et les coûts correspondants, appliquer à nos frontières européennes une taxe carbone est parfaitement légitime ;

- la clause sociale demandée par Bill Clinton à Seattle, et jamais obtenue, devrait jouer un rôle équivalent mais n'a jamais été approuvée, même à l'Organisation internationale du travail et ne le sera pas de sitôt ;

- les règles internationales peuvent adoucir notre condition dans la mesure où nous en respectons déjà tant et que nous pouvons attendre des autres qu'il en soit de même. Il faut exporter nos règles mais cela ne saurait suffire à faire une politique industrielle ;

- aller plus loin nécessite que nous définissions notre objectif stratégique, comme on imagine que la Chine a planifié la suite de ses succès industriels : d'abord le textile, l'électronique ensuite, le nucléaire, les avions, le photovoltaïque, les batteries électriques, l'acquisition des réserves de matières premières dans le monde, etc. Cette stratégie domestique nous manque aujourd'hui et c'est à cela qu'il faut travailler.

Nous avons eu par le passé la volonté d'une indépendance énergétique. Mais de fait, aujourd'hui, la volonté d'avoir une industrie de défense, un secteur aéronautique ou n'importe quel autre secteur stratégique semble atténuée, voire disparue. C'est notre propre indétermination qui est à l'origine de nos difficultés.

 

Le cadre international ne permet pas tout, soit, mais ce n'est pas en en faisant un bouc émissaire que l'on saura mieux choisir nos priorités.

Tant que nos communautés nationales ou internationales n'auront pas élaboré un véritable projet de société, donc tant qu'elles n'auront pas décidé ce qu'elles veulent et, a contrario, ce qu'elles ne veulent pas, aucune solution ne pourra être trouvée pour remédier au malaise ambiant. Les enjeux de notre époque, de la mondialisation et du libre-échange planétaire étant inédits, si nous voulons un avenir, nous devons y imprimer notre volonté.

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