« Mon centre cède, ma droite recule, situation excellente, j'attaque  !  »

Par Philippe Mabille  |   |  1481  mots
(Crédits : GONZALO FUENTES)
VOTRE TRIBUNE DE LA SEMAINE. L'entrée en campagne d'Emmanuel Macron est imminente. Sa stratégie pour remettre l'économie au centre. Les risques de la fin du "quoi-qu'il-en-coûte". Les succès et les limites des records de la Startup Nation. Et autres informations de la semaine écoulée.

« Quand je suis seul (e) et que je peux rêver, je rêve que je suis dans tes bras, je rêve que je te fais tout bas, une déclaration »... Emmanuel Macron en rêve tout bas, il ne devrait plus trop tarder à le dire (tout haut) : « d'évidence », il est candidat à un second (et dernier) mandat, nul besoin de fredonner en silence les paroles de la chanson de France (Gall). Le terrain se dégage après la séquence piège du discours de Macron au Parlement européen de Strasbourg, suivie par notre correspondant Olivier Mirguet, où ses opposants ont échoué à « nationaliser » la présence du chef de l'Etat, venu présenter l'agenda de « sa » grande présidence de l'UE.

Les planètes s'alignent enfin : la fin de la cinquième vague approche, Jean Castex a préparé le terrain à une levée des contraintes sanitaires en février pour les détenteurs du pass vaccinal (les autres étant destinés à être « emmerdés » jusqu'à ce qu'ils se fassent injecter le sérum...). L'économie va encore bien malgré l'alerte sur le front de l'inflation et du pouvoir d'achat suivi comme le lait sur le feu. Après le chèque-énergie, le plafonnement du prix de l'électricité au grand dam d'EDF, très fragilisé, souligne Marine Godelier, Bruno Le Maire s'apprête à faire un nouveau cadeau fiscal sur le carburant...

Emmanuel Macron ne devrait donc plus faire durer le suspense très longtemps. Ce lundi lors de son déplacement dans la Creuse ? Ce mardi en Haute-Vienne ? Quoi de mieux qu'une visite sur les thèmes de la jeunesse, de la santé et de la relance en milieu rural, entre La Souterraine et Limoges, au cœur de la « France profonde » pour lancer l'offensive auprès de la « majorité silencieuse ». Il semble que cela attendra encore un peu, notamment à cause d'un dîner ce mardi soir à Berlin avec le nouveau Chancelier allemand, Olaf Scholz. En bon chef des armées, le candidat Macron serait partisan d'une guerre éclair et son entourage ne cache pas son impatience et son envie d'y aller, alors que tous ses adversaires sont sur un faux plat. Pécresse patine, Zemmour s'enlise, le PS a disparu, Marine reste sa meilleure adversaire... Comme le disait le maréchal (Foch !!!) : « mon centre cède, ma droite recule, situation excellente, j'attaque ! » Alors, que ce soit lundi, mardi ou dans les trois semaines, qu'importe, quand cela va partir, cela va y aller fort, promet-on dans son entourage...

Notre chroniqueur politique, Marc Endeweld, s'amuse de la manière quasi-florentine dont l'ancien Premier ministre Edouard Philippe a été éconduit dans sa tentative de fusionner son nouveau parti Horizons avec le micro-mouvement Agir de Franck Riester qui rassemble les dissidents de la droite républicaine ayant rejoint Macron en 2017. Un épisode machiavélique où l'ancien ministre de la Culture se serait vu proposer par l'Elysée la présidence du Château de Versailles, que doit quitter incessamment Catherine Pégard. Et un nouvel épisode de la guerre des droites alors que le démarrage imminent de la campagne alimente espoirs et ambitions dans la macronie, y compris chez Bruno Le Maire qui attend son heure depuis la citadelle Bercy...

Attention aux excès de confiance : il est encore trop tôt pour affirmer que l'épidémie est terminée. Dans un dossier très complet, Florence Pinaud et Emilie Guédé font le point sur ce qui pourrait bien devenir une « décennie Covid » avec encore de nombreuses inconnues.

Dans sa chronique, Robert Jules montre que, comme le dit l'OCDE, et contrairement au débat politique actuel à droite, la pandémie a donné un coup d'arrêt à l'immigration en 2020 et que ce n'est pas sans lien avec les pénuries de main d'œuvre rencontrées, notamment au Royaume-Uni depuis le Brexit. Un avertissement sur les raccourcis de la campagne électorale française...

Dans la bataille pour l'Elysée, l'économie va, espérons-le, reprendre le dessus, en particulier la question de la ré-industrialisation. Agnès Pannier-Runacher, la ministre déléguée à l'industrie, nous a accordé un long entretien pour faire le bilan des mesures prises par le gouvernement dans un entretien vidéo avec La Tribune. La ministre y défend aussi la parité hommes-femmes, grande cause du quinquennat à laquelle elle consacre un livre coécrit avec Elisabeth Moreno.

L'un des défis du gouvernement dans la période pré-électorale va être de gérer les conséquences de la sortie du « quoi qu'il en coûte ». La période est critique pour certaines entreprises, et les défaillances d'entreprises (tombées à leur plus bas depuis 35 ans grâce aux aides de l'Etat) ont bondi de 9% en décembre, selon le cabinet Altares. Faut-il craindre une hécatombe en 2022, se demande Grégoire Normand ? Certains secteurs et régions sont en alerte rouge. Michel Cabirol donne un exemple prouvant que la situation de certaines entreprises peut se dégrader rapidement avec le cas de CNIM, un petit conglomérat industriel (environnement, énergie, industrie, défense /sécurité civile) basé à la Seyne-sur-mer (Var), qui vient de se placer en procédure de sauvegarde en dépit des efforts de l'État et de ses actionnaires (la famille Dmitrieff ), qui l'ont maintenu jusqu'ici sous perfusion.

Alors que l'économie française a connu en 2021 sa plus forte croissance depuis les 30 Glorieuses, l'Elysée communique sur les bonnes nouvelles tant qu'il y en a. Emmanuel Macron a annoncé lundi, dans le cadre de Choose France, une nouvelle salve de 21 nouveaux projets d'investissements étrangers en France, qui créeront « plus de 10.000 emplois ». Un calendrier pas anodin à moins de 100 jours du premier tour, relève Grégoire Normand, qui permet au président de vanter le bilan de son action en faveur de l'attractivité. L'Alsace va ainsi accueillir un investissement de 300 millions d'euros de l'allemand BASF dans la chimie, raconte Olivier Mirguet. En Normandie, relève Nathalie Jourdan, le groupe canadien Loop Industries associé à Suez s'apprête à investir 250 millions d'euros dans l'estuaire de la Seine pour construire une usine qui produira du plastique 100% recyclé.

Toujours au chapitre des succès, la French Tech a levé, toutes startups confondues, un record de 11,6 milliards en 2021Dans la liste des licornes, un 26ème nom est apparu avec Spendesk, encore une fintech, qui a levé 100 millions d'euros. La French Tech vit depuis le début de l'année un véritable rêve, au rythme de l'émission vedette de M6 « Qui veut être mon associé », multipliant les succès. Mais attention à ce que l'arbre de la réussite réelle de la Startup Nation ne cache pas la forêt des défauts persistants de l'écoystème français prévient Sylvain Rolland : souveraineté, Bourse, Gafam, taille critique, mixité, la French Tech peut et doit encore mieux faire.

Et si le secteur de la fintech porte le mouvement, à l'image de Checkout fondé par le jeune milliardaire suisse Guillaume Pousaz, valorisée 40 milliards de dollars, il serait bien que de futures licornes naissent aussi dans l'industrie, souligne François Manens, qui prend pour exemple la success story du spécialiste de la robotique des entrepôts, Exotec. De bon augure pour les futures licornes que sont Ÿnsect, Innovafeed, Aledia et Verkor, interroge-t-il.

Dans la finance justement, outre l'accélération de la révolution digitale dans les paiements, on commence à sentir l'impact de la révolution de l'application des critères ESG dans la gestion d'actifs. TotalEnergies, sous la pression des ONG et des investisseurs, vient de décider de se retirer du Myanmar où il opère un champ de gaz. Face à l'escalade des violences, Patrick Pouyanné, qui justifiait pourtant en août dernier lors de l'université d'été du Medef que la présence du groupe en Birmanie était préférable pour l'intérêt des populations locales, a changé d'avis. Le S (social) de l'ESG prend désormais autant d'importance que le E (Environnement) ou le G (Gouvernance) pour les grandes multinationales. Gageons que les ONG et les investisseurs vont continuer de mettre la pression sur le respect des droits humains à l'avenir.

La prise en compte de l'écologie, oui, mais attention à ne pas le faire au détriment des performances financières durables, prévient dans sa lettre annuelle aux dirigeants d'entreprise Larry Fink, le patron du géant Blackrock (10 trillions de dollars d'actifs). Comme l'explique Eric Benhamou, le message, moins vert et plus capitaliste, sonne comme un retour en arrière après les professions de foi environnementales des dernières années. Victime de son succès, l'ESG doit trouver sa place dans un équilibre avec les règles capitalistes, à savoir ce bon vieux profit, comme disait ce bon vieux Milton Friedman...

Philippe Mabille, Directeur de la rédaction

Twitter @phmabille