French Tech : Exotec, cette première licorne industrielle qui veut multiplier ses revenus par... 10 d'ici à 2025

La startup basée dans les Hauts-de-France lève 335 millions de dollars (293 millions d'euros) auprès d'un fonds américain pour développer ses petits robots destinés aux entrepôts. Sa valorisation bondit à 2 milliards de dollars (1,75 milliard d'euros) et lui permet de devenir la 25è licorne de la French Tech (la 24è active). En ligne de mire : construire des entrepôts entièrement robotisés avec plusieurs robots spécialisés tous reliés par ses logiciels propriétaires. Exotec envisage ainsi de multiplier son chiffre d'affaires par...10 d'ici à 2025 pour atteindre à cette date 1 milliard d'euros. Explications.
François Manens
(Crédits : Exotec)

Emmanuel Macron martèle dans ses discours la nécessité de faire émerger des startups capables d'appuyer la réindustrialisation de la France. Pourtant, jusqu'ici, les 24 autres licornes -ces startups non cotées et valorisées à plus d'un milliard de dollars- qui font la devanture de l'écosystème français provenaient toutes du secteur du numérique. Avec Exotec, la French Tech pourrait donc s'être trouvée une nouvelle vitrine. Ce 17 janvier, le champion français de la robotique devient une licorne valorisée à 2 milliards de dollars (1,75 milliard d'euros) à la faveur d'une levée de fonds de 335 millions de dollars (293 millions d'euros) menée par l'américain Goldman Sachs Asset Management, aux côtés du fonds Large Ventures de Bpifrance et de son investisseur historique 83North.

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Basée à Croix, près de Roubaix, un bassin d'emploi frappé par la désindustrialisation, la startup équipe déjà les entrepôts de plusieurs géants mondiaux avec ses flottes de "Skypods" - des petits robots organisés en ruches, qui participent à la préparation des commandes. Grâce à ce tour de table, Exotec ambitionne de recruter plus de 500 ingénieurs en 3 ans dans le but de développer d'autres types de robots. Avec pour objectif, à moyen terme, de robotiser l'ensemble de la chaîne logistique des entrepôts.

Maîtrise du matériel (les robots) et des logiciels qui les font fonctionner

En à peine 5 ans d'existence, Exotec s'est frayé une place dans les entrepôts de Carrefour, CDiscount ou encore Uniqlo grâce à son système Skypod. Concrètement, la startup construit au sein des entrepôts une structure modulaire qui peut atteindre plus de 10 mètres de haut et accueillir des centaines de bac de rangement. Les Skypods, de petits robots électriques carrés de quelques centimètres de haut, circulent au sein de cette ruche à la fois latéralement et verticalement, à une vitesse pouvant atteindre 4 mètres par seconde. Leur mission : récupérer des bacs de produits (un par un) pour les amener jusqu'à des postes de travail où des préparateurs de commandes récupèrent les objets demandés par les clients. Puis ils remontent les bacs dans la structure, et vont en chercher d'autres.

Le système robotisé remplace ainsi une partie pénible du travail humain, le "picking", qui consiste à aller chercher les produits de chaque commande dans les étagères et donc à parcourir plus d'une dizaine de kilomètres par jour. Ici, les produits -stockés sur une surface réduite grâce à la hauteur de la structure- arrivent jusqu'au préparateur de commande, qui n'aura ensuite plus qu'à les récupérer pour les placer dans un autre bac. Pour organiser ce ballet logistique, la startup édite ses propres logiciels afin que les robots fonctionnent de façon autonome dans leur espace dédié. Ainsi, ils ne se croisent jamais et se mettent en recharge par eux-mêmes. De fait, Exotec maîtrise à la fois le matériel et le logiciel qui le fait fonctionner, ce qui n'est pas étranger à sa valorisation.

En ligne de mire, un entrepôt entièrement robotisé

Si le Skypod est le produit phare d'Exotec, la startup janvier a commencé à élargir son offre de robots en janvier 2021 avec le « Skypicker ». Ce bras robotique fixe peut préparer les commandes de certains produits en les récupérant dans les bacs... apportés par les Skypod. L'entreprise a ainsi posé les deux premiers maillons d'une chaîne qu'elle compte poursuivre bien au-delà.

"Nous voulons aller au plus vite vers l'entrepôt logistique robotisé", annonce à La Tribune Renaud Heitz, CTO et cofondateur de la startup. Dans la vision d'Exotec, l'entrepôt n'est pas dépourvu d'humain, mais des machines sont placées à chaque emplacement stratégique de la chaîne logistique, où elles peuvent apporter le plus de valeur par rapport à du travail humain.

Pour y parvenir, la licorne prévoit d'étendre sa ligne de produits, et elle travaille en continu sur le logiciel de gestion destiné à articuler ces modules. "Dans notre plan de R&D [recherche et développement, ndlr], nous envisageons une sortie majeure par an", précise le CTO. Une grande avancée logicielle et un nouveau produit devraient ainsi être présentés au premier semestre, nous confie-t-il.

La startup a de nombreux enjeux à adresser, qui vont de l'optimisation du stockage des produits, au séquençage des commandes (l'ordre de prise en charge). Mais si Exotec a un grand chantier à réaliser sur l'entrepôt robotisé, son CTO se projette déjà plus loin :

"A terme, nos logiciels pourraient gérer des ensembles d'entrepôts, et avoir la mainmise sur la chaîne logistique complète, de la gestion des flux de produits à la question du positionnement des entrepôts en passant par l'emballage."

La réussite de la standardisation

Un des principaux ingrédients du succès d'Exotec est la standardisation, dans un secteur où les dispositifs peuvent être personnalisés pour chaque entrepôt. Autrement dit, ses robots sont exactement les mêmes, quel que soit le client, et quel que soit le continent où ils sont déployés. "Les acteurs traditionnels sont habitués à personnaliser les dispositifs sur des détails, par exemple sur la taille des écrans ou la couleur des boîtes. Mais il faut amener le marché à se rendre compte des intérêts de la standardisation en termes de prix, de robustesse et de disponibilité", argumente Renaud Heitz.

Pour la startup, la standardisation offre plusieurs atouts. Par exemple, si elle prévoit une production surdimensionnée de robots pour un projet, elle pourra attribuer les robots en trop au projet suivant, et ainsi absorber le surplus. Ou encore, elle peut déployer rapidement des robots supplémentaires dans un entrepôt lors des pics d'activités comme les fêtes de fin d'année.

"Il faut nous comparer à un logiciel SaaS [software-as-a-service, ndlr] : on n'imagine pas demander à Google de changer la place ou la couleur du logo de Gmail pour son entreprise", compare le dirigeant. "Je pense que l'industrie du logiciel a pavé la voie dans les usages pour que notre discours soit entendu", poursuit-il.

Objectif : 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires

Comme nous l'évoquions dans nos colonnes en octobre, Exotec affiche une santé financière rare pour une startup. A peine 5 ans après sa création, l'entreprise vient de boucler un exercice 2021 à 100 millions d'euros de chiffre d'affaires, tout en étant à l'équilibre. Autrement dit, elle a déjà pu prouver à ses investisseurs la viabilité de son modèle économique, en plus d'afficher une croissance annuelle à trois chiffres.

Cette belle santé économique est une petite prouesse dans le contexte de pénurie qui frappe l'industrie. "Nous avons réussi à ne pas reporter les pénuries sur nos opérations", se félicite ainsi Renaud Heitz. "La pénurie de matières premières se reflète dans les coûts, et nous a poussé à revoir notre organisation pour les garder sous contrôle. La pénurie de l'électronique, quant à elle, affecte les délais de livraisons. Nous devons attendre 1 an pour du matériel qu'on pouvait se procurer en 2 semaines, et une livraison de 1000 pièces peut arriver en plusieurs livraisons de 100 désormais."

Pas de quoi atrophier les ambitions d'Exotec cependant. "Lever des fonds nous permet de calculer nos dépenses en fonction de ce que nous espérons faire dans 3 ans et pas seulement sur nos projets de l'année", développe le cofondateur. La startup a déjà ouvert des bureaux à Atlanta, Tokyo et Berlin, suite à sa dernière levée en 2020 avec le fonds 83North, mais elle prévoit d'accélérer son expansion internationale. D'où le choix du fonds américain Goldman Sachs Asset Management pour mener l'opération.

"Lorsqu'ils nous ont contactés, nous avons été surpris par la profondeur de leur analyse, notamment sur le groceries retail [les courses alimentaires, ndlr]", raconte le CTO. L'entreprise espère creuser son trou sur ce marché, où "les modèles sont à créer". "Une palette de produits Amazon vaut bien plus cher qu'une palette alimentaire. Pour les distributeurs de l'alimentaire, c'est donc un coût logistique plus dur à absorber, car les articles sont gros et lourds par rapport à leur coût", développe Renaud Heitz. La robotique, et sa capacité à pousser l'optimisation à l'extrême, aurait donc un rôle important à jouer.

Grâce à la croissance de l'e-commerce et à l'ouverture de nouveaux marchés, Exotec ambitionne ainsi de générer 1 milliard d'euros de chiffres d'affaires d'ici 3 à 4 ans. "Actuellement, nous équipons une cinquantaine d'entrepôts pour une trentaine de clients. Nous devons multiplier ce nombre par 10 pour atteindre notre objectif."

Licorne made in Hauts-de-France

Pour accompagner son accroissement d'activité, Exotec prévoit de doubler ses effectifs chaque année. A l'heure actuelle, elle compte 350 employés, parmi lesquels environ 150 ingénieurs, dont la moitié se consacre à la R&D. A l'horizon 2025, elle prévoit de recruter 500 ingénieurs supplémentaires.

Une grande partie de ces recrutements -dont ceux hautement qualifiés de la R&D- se feront à Croix, en métropole lilloise. La nouvelle licorne insiste d'ailleurs sur son attachement à la région : même si une partie de son dispositif (bacs produits, postes de travail...) est produit au plus près des clients dans le but de diminuer les coûts logistiques, les robots Skypods et Skypicker sont tous produits dans les Hauts-de-France. De quoi faire rayonner à nouveau l'industrie d'une région qui a particulièrement souffert de la désindustrialisation.

François Manens

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Commentaires 6
à écrit le 17/01/2022 à 16:48
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Le "picking" ne consiste pas à aller chercher des bacs dans des magasins. Les personnes qui font du picking vont chercher des pièces dans les bacs, vos robots ne remplace pas les pickeurs il remplace les caristes. Ils le font plus vite, sans prendre ...

à écrit le 17/01/2022 à 14:14
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Des robots français, c'est un mirage, miracle ? Ils sont allemands, généralement. Amazo* va peut-être les adopter, ça ne doit pas être un métier amusant de piocher dans des bacs pour remplir des cartons, toute la journée, toute l'année, avec un suiv...

à écrit le 17/01/2022 à 11:49
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Vu il y a 4 ans dans un salon de logistique, c’est un super concept! Ils mettent une tolle à toutes les grandes chaînes automatiques qui préexistaient avec un système aussi rapide voir plus rapide et infiniment plus flexible.

à écrit le 17/01/2022 à 9:35
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...Et déjà sous contrôle américain..!

à écrit le 17/01/2022 à 9:25
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Faire du cash, en remplaçant les humains, dans une "politique de l'offre" avec l'indispensable pub qui s'y colle! Peut on y voir un quelconque intérêt, a par pour ceux qui font travailler l'argent a leur place?

à écrit le 17/01/2022 à 6:36
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Enfin une licorne basée sur du réel, qui n’est pas du bullshit d’apps ou SaaS

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