Après Exotec, qui sera la prochaine licorne industrielle de la French Tech ?

Avec ses robots d'entrepôts, Exotec est devenue la première licorne industrielle (startup valorisée à plus d'1 milliard d'euros) de la French Tech... sur 25. Si l'écosystème continue d'être tiré par des champions du logiciel et de la fintech, le gouvernement insiste sur la nécessité de faire émerger des champions industriels. Et pour les startups Ÿnsect, Innovafeed, Aledia et Verkor, le passage au statut de licorne pourrait avoir lieu dès cette année. Explications.
François Manens
(Crédits : CLODAGH KILCOYNE)

Enfin ! Depuis le 17 janvier, la French Tech compte une licorne industrielle dans ses rangs: le spécialiste de la robotique des entrepôts Exotec. Certes, le titre de licorne n'est pas une fin en soi, puisqu'il ne fait qu'indiquer que la startup est valorisée à plus d'un milliard de dollars. Mais il reflète tout de même une reconnaissance dans le potentiel de la technologie présentée par la startup.

D'un côté, on peut donc se réjouir du statut de licorne d'Exotec. Mais de l'autre on peut aussi s'inquiéter qu'elle soit la première startup industrielle... sur 25 licornes de la French Tech. L'écosystème français est-il déconnecté de l'industrie ? A l'heure où le président Emmanuel Macron place la réindustrialisation au centre de son discours, ce bilan fait un peu tâche.

Le gouvernement en a bien conscience, et s'il continue de saluer les performances des  startups fintech et des marketplaces innovantes, il compte mettre les bouchées doubles pour soutenir les startups industrielles, censées relancer des secteurs délaissés. Des annonces sont prévues en ce sens dès mercredi 19 janvier, dans les locaux d'Exotec, comme un symbole.

"Nous avons commandé, avec Cedric O, un rapport de l'inspection générale des finances et du conseil général de l'économie sur le sujet. Notre objectif est de parvenir à installer chaque année 70 à 100 usines de startups industrielles à l'échelle de l'Hexagone, qui généreront en retour de la croissance industrielle", expliquait à La Tribune Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l'industrie lors d'un déplacement à Lyon en septembre 2021.

Ce coup de pouce supplémentaire de l'Etat pourrait permettre à certaines startups industrielles de grandir encore plus vite que prévu. La Tribune a donc listé 4 candidats très sérieux au statut de licorne dans un futur proche, et 3 autres qui en ont le potentiel.

  • Ÿnsect, le producteur d'insectes pour l'alimentation animale

Après des années sous les projecteurs, le producteur français d'insectes a moins fait parler de lui en 2021. Mais il n'a pas chômé, loin de là, et 2022 pourrait être l'année de sa consécration. Ses deux dernières levées de fonds, de 125 millions de dollars en février 2019 et de 224 millions de dollars en juin 2020 (soit 110 et 190 millions d'euros) lui ont permis de lancer la construction d'une gigantesque ferme verticale à Poulainville, près d'Amiens, dans la Somme.

Le chantier de cette usine de production d'insectes, la plus grande du monde avec ses 36 mètres de haut et ses 45.000 mètres carrés de surface, a commencé en mars 2020. Puis, la première pierre de la structure a été déposée en mai 2021. La startup parisienne prévoyait de lancer la production en ce mois de janvier 2022, et elle n'a pas communiqué sur un éventuel retard.

Créé en 2011, Ÿnsect veut devenir le premier fournisseur mondial de fertilisants naturels pour les cultures et de protéines alternatives à base de scarabées pour l'alimentation animale. Il dispose pour cela de trois usines de production, une dans le Jura, une aux Pays-Bas, et donc l'"Ÿnfarm" de Poulainville, qui a elle seule aurait la capacité de produire 200.000 tonnes d'ingrédients par an.

Suite à sa dernière levée de fonds, Ÿnsect était valorisé à 500 millions d'euros. Si elle parvient à prouver l'efficacité de sa nouvelle ferme, elle pourrait décider d'accélérer à nouveau son développement, et accéder rapidement au statut de licorne.

  • Innovafeed, le pari américain pour les insectes

Plus jeune qu'Ÿnsect de 5 ans, Innovafeed a énormément de similitudes avec son aînée, bien que les deux startups cultivent différents types d'insectes. Comme Ÿnsect, Innovafeed produit des protéines alternatives qui serviront à l'alimentation animale. Comme Ÿnsect, Innovafeed a effectué une méga-levée en 2020 (de 140 millions d'euros). Et comme Ÿnsect, Innovafeed a ouvert une ferme verticale dans la Somme, à Nesle, sur plus de 25.000 mètres carrés.

Mais pour la suite de son développement, la startup créée en 2017 a pris une autre direction. Elle a misé sur la construction d'une gigantesque usine aux Etats-Unis, en partenariat avec le géant américain de l'agroalimentaire Archer-Daniels-Midlands Company (ADM). Le chantier, situé dans l'Illinois à proximité du plus gros site de transformation du maïs au monde, a démarré en 2021.

En se projetant plus rapidement que son concurrent vers l'international, Innovafeed joue une carte différente, qui pourrait accélérer son développement et gonfler vite sa valorisation.

  • Aledia, des écrans du futur pour un marché gigantesque

"Notre premier chiffre d'affaires sera soit de zéro euro, soit de plusieurs centaines de millions d'euros", tranchait dès 2019 Giorgio Anania, cofondateur et dirigeant d'Aledia. Créée en 2011 à partir de travaux du laboratoire de recherche public du CEA Leti, la startup grenobloise a levé près de 200 millions d'euros au total pour peaufiner sa technologie de LED (diodes électroluminescente) destinée à composer les écrans de nouvelle génération. "La technologie de rupture d'Aledia apporte plus de brillance et de luminosité aux écrans, tout en assurant une meilleure efficacité énergétique, pour un coût de fabrication équivalent ou moindre comparé aux technologies traditionnelles LCD ou OLED", promeut la société, qui va devoir se frotter aux golgoths du secteur des écrans comme Samsung, LG ou Apple.

Pour la deeptech, cette année devrait être enfin l'année du démarrage de la production. En novembre 2021, elle a commencé les travaux du premier bâtiment (sur trois) de son site de production isérois, qui fera 14.000 mètres carrés. Il devrait voire le jour fin 2022, dans l'objectif de lancer la nouvelle technologie d'écran en 2023. Puis les deux autres bâtiments seront livrés en deux phases supplémentaires, de sorte que le site de production s'étendra sur 52.000 mètres carrés en 2025.

Si Aledia réussit son pari de s'imposer sur le marché des écrans de nouvelle génération -qui pèse plus de 150 milliards de dollars par an- le statut de licorne ne deviendra qu'un passage rapide vers une valorisation encore plus importante. Mais pour cela il faudra "go big" et éviter le "go home".

  • Verkor, la fusée des batteries

Verkor est un véritable ovni dans la French Tech, et pourrait être la première licorne de cette liste tant il se développe rapidement. Créée en juillet 2020, cette startup qui conçoit des batteries pour véhicules électriques a levé pas moins de 100 millions d'euros après seulement un an d'existence, à la faveur d'un contrat signé avec Renault.

Cette enveloppe lui a permis de construire un centre de R&D et une ligne de production de cellules de batterie pour faire de premier tests. Mais Verkor voit déjà bien plus grand: l'entreprise compte construire une gigafactory pour produire ses batteries dès 2024.

Pour atteindre cet objectif ambitieux, il faudra lever de l'argent, beaucoup d'argent : le budget d'une gigafactory est estimé à 1,2 milliard d'euros. Or, la startup, encore en phase de développement, ne génère pas de revenus. Si elle parvenait à réaliser une levée proche du milliard d'euros dès cette année, elle dépasserait forcément le statut de licorne.

Les autres challengers

  • DNA Script

DNA Script a levé 142 millions d'euros en octobre 2021. L'objectif de l'opération : lancer la commercialisation de son "imprimante à ADN" destinée à la recherche. Concrètement, leur machine peut élaborer différentes fréquences d'ADN personnalisées grâce à des cartouches contenant des enzymes naturelles. Sans elles, les chercheurs doivent utiliser des procédés bien plus long, et moins robuste. Mais une question persiste : son marché est-il suffisant pour qu'elle atteigne le milliard d'euros de valorisation ?

  • M2i Life Sciences

M2i Life Sciences conçoit et produit des molécules pour repousser les insectes comme le vers de la grappe de vigne ou la pyrale du buis, qui peuvent endommager les récoltes. Autrement dit, elle propose des alternatives aux insecticides de synthèses, basé sur des phéromones. Cette startup issue d'une fusion de plusieurs activités a déjà une usine dans le Lot depuis 2015, et elle a levé 60 millions d'euros fin 2019. Double lauréate du plan France Relance, elle fait partie des devantures de l'idéal de la réindustrialisation. Mais il lui faudra lever plus de capital et croître encore plus rapidement pour atteindre le statut de licorne dans un futur proche.

  • Flying Whales

C'est un des projets les plus étranges de la French Tech. La startup Flying Whales veut produire des ballons dirigeables de 200 mètres de long. Plus sécurisés que les zeppelins du XXe siècle, ils seraient un nouveau moyen de transport potentiellement rapide et surtout plus écologique que l'avion... si tant est que la startup arrive à relever les nombreux défis techniques qui se présentent à elle.

Flying Whales dont la dernière levée de fonds de 30 millions d'euros date de 2019, a noué des partenariats avec les géants Safran et Thalès pour ses équipements. Elle prévoit de présenter un premier prototype en 2024, grâce à une usine d'assemblage qui sortira de terre en Gironde en 2023. Pour financer ces projets, la jeune pousse prépare une troisième levée de fonds pour cette année, et si elle parvient à prouver que son projet est réalisable, elle pourrait très rapidement gagner en valorisation.

François Manens

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Commentaires 3
à écrit le 19/01/2022 à 6:14
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La bouffe : l'âme de la France. Parce qu'avec le luxe, il ne nous reste plus que ça.

à écrit le 18/01/2022 à 9:54
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Runacher aime s'afficher avec toutes ces entreprises (pardon, start-ups, ça fait plus kool). Son fil linkedin suggère que c'est à elle qu'on doit toutes ces réussites. Bel exercice de comm pour une énarque, soudain passionnée d'usines...

à écrit le 18/01/2022 à 9:30
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Le futur sera de "bouffer" des asticots et des algues, perso, je resterai fidèle au foie gras et aux patates. Les asticots, dans la logique des choses, je préfère que ce soient eux qui me "bouffent"😂 😂

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