Oui, c'est d'ailleurs assez paradoxal. L'Elysée fait pression depuis des mois sur la banque centrale européenne, la BCE, pour qu'elle baisse ses taux. La BCE devrait d'ailleurs le faire une nouvelle fois aujourd'hui. L'objectif, c'est qu'il faut rendre le crédit moins cher - pour relancer la machine, pour soutenir en particulier la construction de logements sociaux. Bref, tous ceux qui le peuvent doivent tout faire pour baisser le prix de l'argent. C'est ce que dit l'Elysée. Mais quand l'Elysée le peut, il fait le contraire. L'argent du livret A, il va au logement social. Plus il est rémunéré, plus c'est cher pour le logement social. Malgré tout cela, donc, l'Elysée a voulu limiter la baisse de la rémunération du livret A...

Baisser davantage le taux du livret A, c'était amputer les revenus d'épargne des plus modestes...

Pipeau, tout cela. Normalement, ce taux du livret A, il y a maintenant, depuis quelques années, une formule quasi-automatique pour le fixer. Cette formule, objective, tient compte, pour l'essentiel, de l'inflation. Or l'inflation, il n'y en a plus. Les prix à la consommation ont augmenté l'an dernier de 1% seulement. C'est rien. La formule automatique, ça devait amener une rémunération du livret A à 2%. Le livret A restait d'ailleurs, avec un tel taux, l'un des placements les plus rentables du moment. L'Elysée a voulu donner un coup de pouce. Le prétexte, vous le disiez : les plus modestes. Là, on rigole. Le livret A, ce n'est pas vraiment de l'épargne populaire. Tout le monde en a, bien sûr. Il y a plus de 46 millions de livrets ! Mais les plus riches en ont plus que les autres. C'est eux qui profitent le plus de ce coup de pouce élyséen !

Le gouvernement pouvait craindre un assèchement du livret A !

Une crainte totalement injustifiée. D'abord, avec la crise de la Bourse, l'effondrement de l'immobilier et le doute sur la dette de l'Etat, le livret A reste un produit d'épargne extraordinairement attirant pour les Français. Ensuite, la bataille en cours entre les réseaux bancaires, ouverte depuis que tout le monde peut vendre du livret A, depuis le 1er janvier donc, a redonné au livret A une seconde jeunesse. Toutes les banques font une publicité d'enfer en faveur du livret en question. Il n'y a aucun risque de voir l'épargne collectée par les livrets A, cette épargne qui sert à financer le logement social se contracter. Absolument aucun. Non, cette intervention de l'Elysée, ce coup de pouce, c'est surtout l'occasion pour l'Etat de montrer qu'il est là, qu'il se préoccupe des gens, qu'il est prêt à intervenir partout et pour tous. Une autre forme du retour de l'Etat dont on parle tant ces derniers temps !