En fin de semaine dernière, l'américain
General Motors
a déclaré qu'il ne pourrait peut-être pas disposer d'un fonds de roulement suffisant au cours du premier semestre 2009. En temps normal, il lui faut 11 à 14 milliards de dollars pour faire tourner ses usines.
Sa situation contraste singulièrement avec l'allemand
Porsche
, qui vient d'annoncer une augmentation de 46% à 8,57 milliards d'euros de son bénéfice avant impôts pour son dernier exercice fiscal. Il est même supérieur à son chiffre d'affaires réalisé sur l'exercice.
Cependant, ce n'est pas en vendant des voitures que
Porsche
a dégagé ses profits mais en achetant des options pour renforcer sa position dans le capital de
Volkswagen
(peut-être en vendant des puts, des options de vente). Fin octobre, Porsche a indiqué avoir augmenté de 35% à 42,5% ses parts dans Volkswagen, et détenir la possibilité de monter à 74,1%, le tout grâce à l'utilisation de produits dérivés. Comme le Land de Basse-Saxe détient 20,2% du capital, le flottant du titre s'en trouve considérablement réduit. Et ce n'est pas tout. Depuis le printemps, le capital de Volkswagen fait l'objet d'un arbitrage que l'on pensait sans risque mais qui, compte tenu des opérations non dévoilées par
Porsche
, s'est finalement révélé catastrophique et pour les banques et pour les hedge funds.
Pour comprendre la situation, il faut savoir que le capital de
Volkswagen
est composé de titres ordinaires à droit de vote (294,7 millions) et de titres à dividende préférentiel sans droit de vote (105,2 millions). D'habitude, le titre à droit de vote se négocie avec une petite prime par rapport au titre sans droit de vote. Le premier a versé, au titre de 2007, un dividende de 1,80 euros et le second un dividende de 1,88 euros.
Or, pendant le printemps 2008, les hedge funds et les banques d'affaires ont jugé que l'action ordinaire et l'action à dividende prioritaire avaient les mêmes droits économique et qu'en conséquence, la prime du titre à droit de vote n'avait plus de raison d'exister. Dans le cas de
Volkswagen
, elle était considérable, de l'ordre de 35%, alors qu'un maximum de 10% eut été raisonnable.
Pour jouer la contraction de cet écart, il faut emprunter l'action à droit de vote, la vendre sur le marché, et réinvestir le produit de la vente dans l'achat d'action sans droit de vote. Des milliards d'euros ont été consacrés à cette structure d'arbitrage.
Hélas, loin de se contracter, l'écart s'est agrandi, agrandi, et agrandi encore. Tant et si bien que les hedge funds et les banques se sont rués pour couvrir leurs positions, c'est-à-dire vendre l'action à dividende prioritaire pour racheter l'action à droit de vote. Cette dernière, qui avait commencé à monter, s'est élancée vers de nouveaux sommets, dépassant 1000 euros par titre le 28 octobre. Or, ni les hedge funds, ni les banques ne savaient en septembre et début octobre que
Porsche
achetait par tombereau des options lui donnant droit à acheter des titres
Volkswagen
. Porsche n'a donné des indications que fin octobre. De fait, il est même possible que Porsche ait acheté des options d'achat représentant plus que le capital réellement disponible.
Pourquoi ?
En revendant ces options,
Porsche
peut engranger des sommes considérables et financer à bon compte sa montée dans le capital de
Volkswagen
. En se basant sur un cours normalisé de
Volskwagen
, le
Credit Suisse
avait calculé qu'il faudrait à
Porsche
10 milliards d'euros de dette supplémentaire pour monter de 52% à 74% dans le capital de
Volkswagen
. Cela aboutirait à une dette nette de 21 milliards d'euros, pour une capitalisation boursière de 8 milliards d'euros. La chaque d'intérêt, équivalente à 1,5 milliard d'euros, absorberait la totalité de son résultat d'exploitation. Ce n'est pas très raisonnable.
Mais est-ce raisonnable d'être intervenu ainsi sur le marché des options Volkswagen sans divulguer la teneur des opérations ?
Bien sûr, les lois boursières allemandes ne demandent pas spécifiquement que ces opérations soient divulguées. Cependant, le silence de
Porsch
e a coûté 10 à 30 milliards d'euros aux banques et aux hedge funds (certaines banques, qui comptent
Porsche
parmi leur client ont vendu des options nues, c'est-à-dire sans se couvrir avec l'achat de titres Volkswagen). D'autre part,
l'indice DAX
s'est retrouvé complètement chamboulé par le poids pris par Volkswagen dans sa composition. Les gérants passifs, qui achètent l'indice, ne pouvaient décemment plus le faire, compte tenu de l'envolée de Volkswagen.
Au bout du compte, la réputation des marchés allemands est ternie. Celle de Porsche l'est aussi.
Quant à
Volkswagen
, la montée de
Porsche
dans son capital va diminuer considérablement le flottant de l'action ordinaire. Cette éventualité a conduit
Morgan Stanley
a cessé de suivre l'action ordinaire pour se concentrer sur l'action préférentielle. La banque n'estime pas que
Porsche
fera une offre sur ces 105,2 millions de titres. Ils resteront le seul véhicule coté disponible pour avoir une exposition au groupe automobile. Sur la base d'une estimation de baisse de 78% du bénéfice par action de
Volkswagen
,
Morgan Stanley
donne un objectif de cours de 50 euros pour l'action préférentielle. Précisons que la prime entre l'action ordinaire et l'action préférentielle est aujourd'hui de 91%. Elle n'a pas de raison d'être aussi importante mais personne n'a maintenant envie de jouer la contraction du spread. Enfin, avec une capitalisation de 118 milliards d'euros, Volkswagen vaut en bourse à près deux fois la somme de
BMW
(14 milliards d'euros),
Daimler
(25)
(6),
(4,5),
(7,5),
Ford
(4) et
GM
(2) réunis.
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