Transport maritime : les startups, des moteurs d’innovations

Le transport maritime mondial prend le virage de la transition digitale et environnementale avec des objectifs particulièrement ambitieux alors que les solutions techniques ne sont pas encore toutes disponibles. Face à ce défi sans précédent, l’innovation et l’agilité des startups jouent un rôle déterminant. Par Philippe Berterottière, PDG de GTT (Gaztransport et Technigaz) et Matthieu Somekh, directeur de ZEBOX.
L'OMI a également pour projet d'ici à 2030 de réduire de 40% les émissions de CO2 par tonne transportée par rapport à 2008 et de réduire d'ici à 2050 le volume total des émissions de CO2 annuelles d'au moins 50 % par rapport à 2008. (Philippe Berterottière, PDG de GTT, et Matthieu Somekh, directeur de ZEBOX.
"L'OMI a également pour projet d'ici à 2030 de réduire de 40% les émissions de CO2 par tonne transportée par rapport à 2008 et de réduire d'ici à 2050 le volume total des émissions de CO2 annuelles d'au moins 50 % par rapport à 2008". (Philippe Berterottière, PDG de GTT, et Matthieu Somekh, directeur de ZEBOX. (Crédits : DR)

La réglementation sur les émissions d'oxyde de soufre, d'oxyde d'azote et de CO2 est de plus en plus contraignante afin de garantir un transport maritime plus propre. La dernière des réglementations ayant impacté le transport maritime est le "2020 Global Sulphur Cap" mise en place par l'Organisation Maritime Internationale (OMI). Elle impose depuis le 1er janvier 2020 une limitation de la teneur en soufre des carburants utilisés par les navires à 0,5 % (contre 3,5 % auparavant) sur l'ensemble des mers du globe.

D'autres réglementations sont à venir sur les émissions d'oxydes d'azote du transport maritime, qui représentent plus de 17 % des émissions mondiales et qui seront plus restrictives dans les zones d'émission contrôlées à partir du 1er janvier 2021. L'OMI a également pour projet d'ici à 2030 de réduire de 40% les émissions de CO2 par tonne transportée par rapport à 2008 et de réduire d'ici à 2050 le volume total des émissions de CO2 annuelles d'au moins 50 % par rapport à 2008.

Un véritable défi technique & technologique

Ces réglementations constituent un véritable défi technique et technologique à relever pour l'ensemble du secteur. C'est un challenge que les grandes compagnies maritimes ne peuvent relever seules. Les solutions techniques les plus "vertes" reposent sur des énergies alternatives comme l'hydrogène ou les carburants de synthèse qui présentent des enjeux de production, de stockage ou encore de motorisation. Accélérer la maturité des solutions zéro émission implique une action coordonnée de l'ensemble des maillons de la chaine : producteurs d'énergie, chantiers navals, motoristes... Dans ce contexte, nouer des partenariats forts avec les startups est la clé pour faire émerger des logiques d'innovations de rupture.

Ces innovations sont-elles possibles au sein des grands groupes ?

Toutes les entreprises parlent d'innovation, quelle que soit leur taille. Mais cette démarche est, dans les faits, très difficile à mettre en œuvre. Car plus les sociétés grandissent, plus elles s'internationalisent, plus elles se soumettent à des processus qui, au fur et à mesure de leur croissance, deviennent complexes. Pour délivrer les résultats que l'on attend d'elles, elles sont conduites à prendre également des risques accrus et leur gouvernance devient d'autant moins agile.

La taille et l'organisation même des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et des grands groupes peuvent donc représenter des freins structurels et ontologiques, à l'innovation. Or, cette dernière provient de personnes capables de penser "en rupture", hors des règles et surtout des process établis, voire même de tout conformisme. L'innovation est le résultat de périodes de temps passées sur des chemins de traverses, loin des objectifs court-termistes, avec un droit à l'erreur revendiqué.

Pourquoi travailler avec des startups ?

Un des premiers bénéfices pour les grands groupes de travailler avec des startups est donc de soutenir leur capacité à s'engager dans un processus d'innovation continue. Les jeunes pousses, grâce à leur mode de fonctionnement agile et leur approche disruptive, bousculent en effet les habitudes, les manières de penser, les certitudes. Elles stimulent la créativité, amènent les entreprises à explorer de nouvelles idées et les poussent à donner le meilleur d'elles-mêmes.

Quelles innovations les startups Bluetech apportent-elles?

Les innovations de ces startups améliorent par exemple le rendement des moteurs et réduisent les fuites de méthane. Elles permettent également de gagner du temps sur l'acquisition de nouvelles technologies. On peut notamment citer la startup allemande Fuelsave, qui développe une technologie améliorant le rendement des moteurs, plus précisément leur combustion. La startup a mis au point une solution d'optimisation de l'efficience motrice qui se compose d'un générateur embarqué d'hydrogène et de divers procédés d'injection de gaz - notamment méthanol - et d'eau liquide. Cette technologie peut être utile pour gérer les fuites de méthane non brûlé qui s'échappe des moteurs quand ces derniers ne sont pas bien réglés.

Cette innovation est typiquement le fruit du travail de rupture d'une startup, elle n'aurait très probablement pas pu voir le jour au sein d'un grand groupe. Il faut en effet pouvoir sortir du cadre pour concevoir de telles optimisations et appliquer des méthodes d'idéation sans limite.

Shift, un éco-calculateur multimodal pour des itinéraires plus verts

Mais les startups permettent aussi aux grands groupes de renforcer leur capacité à expérimenter rapidement de nouveaux produits, de nouveaux domaines. On peut ainsi citer la startup Searoutes qui propose Shift, un éco-calculateur permettant de calculer la route la plus verte pour un container d'un point A à un point B.

La solution prend en considération le planning des transporteurs et les paramètres les plus pertinents dans le calcul des émissions de CO2 comme le carburant, les distances, la vitesse, la météo en mer... Shift permet également de comparer la route la plus économique et la plus courte en fonction des services des différents transporteurs et permet ainsi à ses clients de prendre les meilleures décisions.

Une collaboration mutuellement bénéfique

Les fondateurs de startups et leurs équipes aident les grandes entreprises à penser les problèmes différemment et, plus globalement, à trouver de nouvelles sources de croissance pour pérenniser leurs activités. Ils leur apportent une souplesse et une agilité que les grands groupes ont - de par leur structure même - le plus souvent perdues. En retour, les grands groupes peuvent mettre à la disposition des startups leur expérience, leurs réseaux ainsi que leurs ressources financières et surtout, humaines. Il peut par ailleurs y avoir des échanges sur une idée, des conseils sur une amorce de produit... Le lancement commercial d'offres conjointes ainsi que des projets de recherche communs peuvent ainsi voir le jour.

Le champ des possibles est infini. Il l'est d'autant plus que les équipes qui collaborent de part et d'autre auront l'envie commune d'inventer de nouvelles offres et de mettre sur le marché de nouveaux produits. La collaboration entre grands groupes et startups n'est pas nouvelle mais le contexte qui est le nôtre (réchauffement climatique, accélération technologique...) les rapproche plus que jamais. On le voit, développer des collaborations mutuellement bénéfiques entre les grandes entreprises et les startups, est un cercle vertueux qu'il faut développer avec soin et pérenniser.

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Commentaire 1
à écrit le 17/06/2020 à 10:24
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"alors que les solutions techniques ne sont pas encore toutes disponibles" Cocasse quand on connaît l'aberration mécanique majeur que sont les portes containers, tankers et autres bateaux croisières à avoir 10000 chevaux vapeurs concentrés sur un...

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