Gouvernance de la zone euro, le dilemme de Moscovici

Souvent, on aimerait pouvoir pousser les portes d'un cénacle européen devant de simples citoyens, pour qu'ils voient un peu de quoi est faite la chair de cette « Union » qu'ils connaissent si mal. Mais parfois, il semble préférable que les portes restent closes.
Florence Autret, correspondante pour La Tribune à Bruxelles / DR

C'était le cas la semaine dernière au cours d'un « briefing technique » de la direction générale des affaires économiques et monétaires. L'exercice consiste à faire venir plancher un ou deux fonctionnaires devant un parterre de journalistes au sujet d'un dossier particulièrement ardu. Exercice habituellement salutaire pour tout le monde.

En l'occurrence, le sujet était le contrôle des budgets et des politiques économiques des pays de la zone euro par la Commission européenne. Depuis l'éclatement de la crise de l'euro, les chefs de gouvernement et leurs ministres n'ont cessé de chercher un moyen de faire fonctionner ce qui avait dysfonctionné : le pacte de stabilité, en clair les règles budgétaires communes.

Un impressionnant écheveau de procédures

En trois ans a été créé un impressionnant écheveau de procédures, d'allers-retours entre les gouvernements et la Commission, entre la Commission et les ministres des Finances de l'Eurozone. Le but : décourager les passagers clandestins, ceux qui font leurs choix économiques et budgétaires sans tenir compte de l'intérêt de cette collectivité appelée « zone euro ».

Rien à dire sur l'objectif. Sinon que la dernière mouture de cette « nouvelle gouvernance » économique met la Commission européenne dans la position d'un « FME », d'un Fonds monétaire européen, qui, au nom du non-respect des règles budgétaires par la plupart des pays, leur prescrit leur politique.

"L'opinion" de Bruxelles sur les budgets nationaux

Pour la première fois cette année, elle va intervenir dans les débats budgétaires devant les parlements nationaux en rendant, autour du 15 novembre, son « opinion » sur les projets de budget et les choix politiques qui les sous-tendent.

La recommandation pour la France de mai 2013 regrette « l'interdiction des ventes à perte » (sans d'ailleurs dire précisément pourquoi il serait préférable d'y renoncer), l'augmentation de 16% en valeur réelle du salaire minimum entre 2002 et 2012, l'augmentation des cotisations sociales ou la concentration du marché de l'électricité.

La commission se défend de vouloir dicter leur politique aux pays.

Mais la fougue avec laquelle la fonctionnaire qui planchait ce jour-là a tenu à rappeler que « nous n'avons pas de droit de véto [sur les budgets]... Les parlements conservent toute leur souveraineté » montre toutefois qu'un doute est permis.

L'un des enjeux de cette nouvelle gouvernance consiste en effet à lier la question du déficit d'un côté et les réformes de structure de l'autre, ce qui augmente le levier de Bruxelles sur ce dernier volet.

Aucun contrôle parlementaire

Rien de plus logique, mais en pratique cela revient à placer la Commission en situation de formuler des conseils politiques et de le faire, dans l'état actuel des règles, de son propre chef et sans aucun contrôle parlementaire.

Les recommandations par pays sont à peine validées, dans leurs grandes lignes, par les ministres des Finances, qui sont plus attentifs à défendre l'intérêt de leur pays qu'à s'intéresser à celui des autres.

La Commission défend les intérêts des pays créditeurs

Tout irait encore si la Commission était capable de défendre l'intérêt européen et de définir une politique réellement efficace. Hélas, cette aptitude est de plus en plus contestée par des dirigeants nationaux mais aussi par des économistes.

« La Commission a agi comme un agent défendant les intérêts des nations créditrices », à commencer par l'Allemagne, a écrit récemment Paul de Grauwe*, qui démontre les effets catastrophiques des politiques d'austérité dans le Sud. Le risque existe que les gouvernements non créditeurs se rebiffent.

« La Commission est là pour laisser se déployer les politiques nationales... Intervenir dans le débat français serait pour elle un problème », a dit récemment Pierre Moscovici à Bruxelles, où il était venu présenter le budget français pour 2014.

Le ministre a pourtant voté l'an dernier les nouvelles règles de gouvernance de la zone euro. Cette contradiction risque de devenir de plus en plus flagrante dans les années à venir.

___

* « The legacy of austerity in the eurozone », Center for European Policy Studies

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 8
à écrit le 14/10/2013 à 22:10
Signaler
"Le ministre a pourtant voté l'an dernier les nouvelles règles de gouvernance de la zone euro. Cette contradiction risque de devenir de plus en plus flagrante dans les années à venir." Tout est dit ! C'est dans les actes que l'on juge des politiques ...

à écrit le 14/10/2013 à 19:54
Signaler
Mosco ou le club des chauves avec Sapin, l'alliance de ceux qui ont trop usé les bois de lit.... Je blagoune mais bon, en même temps, reconnaitre qu'ils n'ont pas les manettes c'est les priver d'une feuille de paie, donc obligés de dire du bien de l...

à écrit le 14/10/2013 à 17:36
Signaler
une chose est sure Monsieur Moscovici n'a pas eu le prix Nobel d'économie !!!!!!!!

à écrit le 14/10/2013 à 15:02
Signaler
La gouvernance de la zone euro est un sujet complexe et hautement important. Rare que la presse tacle le sujet de l'article. Quelques problèmes de fonds sont mentionnés mais de suite Mme Autret se noie en voulant récupérer une ligne rédactrice."Aucu...

le 14/10/2013 à 20:07
Signaler
Lisez donc ce lien mon bon @déni, de quoi vous reformater quelque peu sur le futur et les attentes de la Chine... Je vous conseille aussi Jacques Sapir pour la nécessaire sortie de l'Europe. http://www.lepoint.fr/monde/et-si-le-monde-se-desamericani...

à écrit le 14/10/2013 à 14:26
Signaler
Voila pourquoi le pen finira par gagner. Parce qu'elle promet de sortir de la zone euro

le 14/10/2013 à 21:09
Signaler
Avec 40 % de dévaluation, j'augmente mes ventes à l'export de 1000 %. Pour l'instant, je viens de perdre un gros client aux Etats-Unis. Maintenant, expliquez moi comment on exporte avec l'euro/reichsmark ridiculement surévalué ?

le 14/10/2013 à 22:06
Signaler
@Picton : Elle ne promet rien du tout, elle dit tout et son contraire ! Un jour, on sort de l'Euro, un autre, on attend qu'il se casse la gueule. D'ailleurs, elle évite bien de dire qu'il n'existe aucune porte juridique pour la sortie de l'Euro sans ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.