
L'arbitrage est décidément au cœur de l'actualité.
Le rapport Lange au Parlement européen se prononce très clairement en défaveur de l'arbitrage ISDS (Investor-State Dispute Settlement) opposant investisseurs et Etats confortant la « doctrine économique » du Parti Socialiste Européen réuni récemment à Madrid.
D'après les socialistes, les tribunaux d'arbitrage internationaux seraient le symbole d'une vision libérale du commerce international, forcément contraire à la vision post marxiste qu'ils défendent. Pire, ils sont censés protéger le Grand Capital contre les décisions des Etats qui l'accueillent, au risque de remettre en question leur droit à légiférer.
Ajoutez à cela la rocambolesque annulation de l'arbitrage Tapie et obtenez un climat délétère réservé à l'arbitrage, fustigé de justice privée, corrompue à la solde des puissants pour la satisfaction de leurs seuls intérêts partisans.
Le réalisme gouvernemental... pendant une semaine
Ce concert s'est vu brusquement interrompu, la semaine dernière, par l'annonce surprenante de ce que le secrétariat général aux affaires européennes (SGAE) avait émis une note signifiant que la France ferait machine arrière dans sa lutte contre ce mode odieux de règlement des conflits.
Une semaine plus tard, le Ministre du commerce extérieur a fait machine arrière fustigeant à nouveau l'arbitrage ISDS en déclarant n'avoir pas été informé de la teneur de la note publiée, laquelle ne reflète pas la position du gouvernement. Le réalisme ne dura qu'une semaine avant de périr devant la satisfaction de l'électorat de ce gouvernement en perdition.
L'argument présenté pendant ce court laps de temps était pourtant judicieux au titre de ce qu'il serait - peut-être - opportun de ne pas fermer la porte au principe d'une juridiction internationale, certains disant même que mieux valait une cour d'arbitrage qu'une juridiction inféodée au pouvoir.
Cesser de se focaliser sur l'incarnation du mal absolu, les USA
Pour le comprendre, il faut cesser de se focaliser sur l'incarnation du mal absolu que sont les USA avec lesquels nous n'avons, pourtant, que de très rares problèmes juridiques ou banalement commerciaux, même s'il est toujours satisfaisant d'avoir un ennemi clairement honni de beaucoup. Et regarder, par exemple, vers la Chine ou l'Inde qui développaient, encore récemment, une croissance étourdissante entraînée par une économie peu régulée.
La note du SGAE faisait état de ce que même si la France estime que l'inclusion d'un mécanisme d'arbitrage investisseur-Etat (RDIE/ISDS) n'est pas nécessaire avec les États-Unis, le projet de résolution tranche de manière un peu trop catégorique cette question. Une approche plus prudente sur ce sujet délicat pourrait être préférable en raison des risques de précédent, avec des États dont les standards juridictionnels ne correspondent pas à ceux qui prévalent aux États-Unis.
Un arbitrage international n'est-il pas préférable à une juridiction chinoise?
En clair, dans de futures négociations avec la Chine (l'Inde...), ne serait-il pas opportun de recourir à une juridiction arbitrale internationale plutôt que de s'en remettre aux juridictions chinoises ? Car, par hypothèse, un mécontentement opposant une entreprise française à la Chine (dans le secteur automobile, de la production manufacturière...) comme à une entreprise chinoise, si l'on sort quelques instants du cadre strict de l'ISDS, pourrait aboutir devant un juge chinois que l'on sait souvent protecteur des intérêts domestiques.
Or, si l'on rejette vertement l'arbitrage à l'occasion du TTIP, le considérant comme trop prédateur, il sera délicat de chercher à l'imposer à la Chine, l'Inde, le Brésil...ou tout autre pays dont les exigences procédurales et l'impartialité des juges sont, a priori, moindres que les nôtres.
Tout observateur du commerce international sait bien que débarrassé d'idéologie, l'arbitrage ISDS TTIP ne peut réserver que peu de surprises au contraire d'un contentieux peu normé avec l'un quelconque des BRICS, pour ne parler que d'eux.
Le principe du réalisme commanderait donc à notre gouvernement de se montrer prudent et de ne pas se laisser bercer par les sirènes d'une fraction de son électorat pour le regretter plus tard quand il s'agira de structurer les échanges commerciaux avec certains pays qui ne s'embarrassent pas de nos principes fondamentaux.
Gouverner, c'est prévoir ! Craindre inutilement les USA ne servira pas à nous protéger des autres.
Hervé Guyader
Avocat au Barreau de Paris
Docteur en droit
Président du Comité Français pour le Droit du Commerce International
M. Guyader, vous oubliez simplement que la couleur du gouvernement n'a pas de rapport avec le vote des citoyens. Ces derniers veulent garder la maîtrise de leur destin contre des forces ultralibérales dont le seul objectif est de supprimer toutes velléités de résistance des peuples.
Nous résisterons !
#StopTTIP
"Partenariat transatlantique : quand les Etats-Unis proposent 20.000 dollars aux "pro-TTIP""
Mais pour Mr Guyader c'est surement beaucoup plus.
6 mars, 2015 Posté par Benji sous Argent et politique, Géopolitique, Manipulation
13 commentaires
Nous allons le subir de la plus belle manière, et pour beaucoup, le sujet étant trop ennuyeux, on passe à une autre discussion bien plus intéressante car agréable: la télé, le foot, le sport, la momie Madonna qui se casse la figure, etc… Et pourtant, ce sujet d’une gravité sans précédent que nous ne pouvons remettre en doute, devrait être priorisé dans tous les médias, car ce que subit l’Ukraine, ce qu’a subit la Grèce, nous allons le subir: nous allons nous faire dépouiller, et la loi Macron en est un prémice. Non seulement les décideurs ne sont pas élus, mais il y a pire, pour travailler à l’harmonisation des législations, des réglementations et des normes entre l’UE et les USA, une commission spéciale à été mise en place. Dans celle-ci du nom de Conseil Économique Transatlantique, plus de 70 firmes siègent, et elles décident pour vous!
Nous avons les moyens, et nous le méritons. Du reste, si nous n'empruntons pas ce nouveau chemin, nous allons être débordés par les extrêmes, et risquons une implosion Européenne. Un principe universel a toujours orienté l'avancée des politiques, c'est de faire valoir nos intérêts. Autant cette vision réductrice jusqu' en 1940, a valu un conflit mondial. Autant une union Européenne sera de nature à équilibrer les grands blocs économiques qui se dessinent.
Enfin, et pour terminer. Les peuples doivent pouvoir évoluer en fonction de leur ressenti. Nous sommes encore nombreux (si ce n'est pas votre cas M. Guyader) à se sentir Français, et volontaire à construire une identité Européenne ; et non rester à la marge d'un autre continent, mais surtout d'un mode de vie qui n'est pas le notre. Merci.
Allez dire cela aux Mexicains ruinés par le traité de l'Alena avec les US.. Comment peut-on d'autre part engager un traité commercial avec les US quand la parité euro dollar rend chaque produit comparé plombé de 30 %, quel désastre à venir ?? !!
Sans référendum pas de traité international,cela suffit à présent le mépris des élus pour le peuple, comme l'a fait Sarkozy.
Si des gouvernements commettent des malversations au profit des multinationales, les gouvernements suivants ne pourront pas faire marche arrière, car cela serait considéré comme de l’expropriation au titre de l'ISDS.
Allez dire ca a Alstom ou a BNP Paribas
- en savoir plus sur l'ISDS ---> https://stoptafta.wordpress.com/category/isds-rdie-arbitrage-investisseur-etat/
- Quel bilan après 20 ans d'ISDS entre les USA, le Canada et le Mexique (dans le cadre de l'accord ALENA) ---> https://stoptafta.wordpress.com/category/accord-alena-usa-canada-mexique/