Au cinéma, à la télévision, sur les plateformes en ligne, la seule solution décrite face à des bavures policières est généralement un cycle de violence sans fin, comme autant de prophéties auto-réalisatrices. Nous devons prendre conscience collectivement des imaginaires que nous contribuons à façonner, et financer des contenus qui ne renforcent pas les clichés.
En les produisant, en les consommant, en y investissant de l'argent privé ou de l'argent public via des subventions ou de la défiscalisation, nous participons à figer les imaginaires. Les personnages sont clichés, érodés, voire totalement faux.
« Trafiquant, y a que dans les films que ça donne envie ! », écrivait un dealer à ses amis sur EncroChat ainsi que le révèlent les écoutes judiciaires dans le cadre d'une enquête en cours relative à cette messagerie sécurisée, citées dans les médias.
Une autre réalité
Où sont par exemple les films montrant qu'après une bavure policière, il est possible de créer un parti politique dont la première mesure sera d'instaurer un contrôle externe de la police ? A-t-on vu un scénario dans lequel les habitants des quartiers riches participent à une marche blanche les menant d'un quartier prioritaire au perron de l'Assemblée nationale ?
Ils sont rares, si ce n'est inexistants et durs à financer ces projets qui montrent à voir une autre réalité.
Certaines équipes font toutefois jaillir de leur processus créatif des scénarios moins attendus : c'est par exemple la série « En Place » de Jean-Pascal Zadi, dans lequel un éducateur noir devient président de la République, alors que les autres candidats ont été balayés par des affaires de corruption. C'est aussi la série « Narvalo » de Matthieu Longatte, qui raconte la banlieue et son quotidien de scènes de vie loin de la stigmatisation habituelle. Il faut mettre fin au sensationnalisme qui veut montrer une France à feu et à sang, avec toujours les mêmes victimes et les mêmes bourreaux.
Montrer une autre vérité de ces territoires. Imaginer aussi, c'est là tout le rôle de la fiction, d'autres destins. En changeant nos façons de voir le monde sur les écrans, il est possible d'encourager le changement.
Wim Wenders écrivait que « les armes les plus puissantes du XXIe siècle sont les images ».
À l'heure où les budgets d'armement augmentent, comment en finir avec les représentations attendues et les scénarios rabougris ? Comme d'autres secteurs, de la construction à la mode en passant par l'automobile, le cinéma et l'audiovisuel sont en train de modifier leurs usages pour améliorer les conditions de production. Il faut saluer la mise en place de label et le travail d'acteurs comme l'association EcoProd soutenue par le CNC et l'Arcom notamment. Il est aussi indispensable d'ouvrir encore et sans relâche les viviers professionnels à des profils moins normés.
Mais plus encore que dans d'autres secteurs, ce que produisent le cinéma et l'audiovisuel a un impact sur notre manière de voir le monde. Soit les productions enferment dans des poncifs rabâchés. Soit elles permettent d'ouvrir le champ des possibles et de s'émanciper. Chaque équipe de création est libre de ce qu'elle souhaite véhiculer. Mais est-ce dans l'intérêt collectif de financer des contenus stéréotypés qui vont à l'encontre du bien commun ?
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