« Captain Europa »

Le temps d'un week-end syrien, Emmanuel Macron a endossé le costume de Captain Europa. Il faut qu'il le garde encore, cette fois sur le front de l'Union européenne, ce mardi, devant le Parlement européen. Par Jean-Christophe Gallien, professeur associé à l'Université de Paris 1 La Sorbonne, président de j c g a.
Jean-Christophe Gallien.
Jean-Christophe Gallien. (Crédits : DR)

Finalement, il a osé. Emmanuel Macron a engagé la France, comme Donald Trump les USA, dans des frappes punitives en Syrie. Chef des armées, il a tapé avant de discuter. Durant les longues (trop) 2 heures 38 min de son show TV dominical, il a légitimé l'action militaire hors cadre onusien dans le but, notamment, d'établir un dialogue équilibré avec Vladimir Poutine et Recep Erdoğan et tenter de créer les conditions d'une solution géopolitique collective. Emmanuel Macron a même dû préciser que « la frappe était devenue indispensable pour donner de la crédibilité à notre action » sans que la France ne « déclare la guerre au régime de Bachar al-Assad ». Sans provoquer de mort civil ni militaire, les frappes françaises et américaines avaient donc pour objectif de détruire des installations chimiques et surtout de tenter d'incarner la « ligne rouge » abandonnée à son triste sort ensanglanté par le repli de Barack Obama en 2013.

Entre action militaire et diplomatie plurielle

C'était un test d'envergure pour Emmanuel Macron. Lui, le nouvel entrant sur la scène diplomatique et médiatique internationale. Face à ceux qui, comme nous l'écrivions ici la semaine dernière, testent sans relâche la ligne de l'horreur très mouvante et trop souvent acceptée par le camp des démocraties, ceux qui éprouvent nos faiblesses individuelles et collectives dans une nouvelle géopolitique de l'épreuve, entre terreur asymétrique et gangsta-diplomatie. La néo-diplomatie d'Emmanuel Macron a pris ses responsabilités, entre action militaire et travail diplomatique pluriel. Il l'a martelé dans son show TV : « Nous parlons avec tout le monde » et « Nous avons réacquis de la crédibilité aux yeux des Russes » qui attendaient de jauger la réalité de ses ambitions et de sa détermination comme celle de son allié de circonstance, Donald Trump. Ensemble, ils ont tenté de poser un stop à ce gagne-terrain mortifère de la terreur sans déclencher une escalade guerrière. Au passage, Emmanuel Macron a, d'un seul coup, largement éteint les prétentions et légitimités de ses opposants internes en matière de politique étrangère, de Marine Le Pen à Jean-Luc Mélenchon en passant par "Les Républicains" de Laurent Wauquiez où fleurissait le désastreux « Il ne faut pas ajouter la guerre à la guerre » ...

La France, force de frappe de l'Union européenne

Nous savions que Captain America avait disparu depuis longtemps, bien avant les folles interventions en Irak, bien avant le lâche « leading from behind » de Barack Obama, bien avant la twitto-diplomatie de Donald Trump. L'Europe attends aussi l'émergence d'un Captain Europa. Impitoyable chef d'Etat major des intérêts de l'Allemagne, Angela Merkel vient encore de démontrer dans son dégagement « munichois » sur l'affaire syrienne qu'elle n'a jamais vraiment voulu endosser ce rôle et qu'elle ne le peut surtout plus. Après l'épisode désastreux de ses premières initiatives isolées sur les vagues migratoires, elle est devenue peu audible sur les enjeux diplomatiques et militaires de l'Union. Rappelons-nous en son temps de ses assauts répétés sur la pourtant très inspirée Union de la Méditerranée de Nicolas Sarkozy. La France est, de son côté, depuis bien longtemps, la force de frappe de l'Union. A tort en Lybie, très justement en Afrique et au Moyen-Orient. Elle le paye de ses propres euros car intervenir coûte de l'argent. Elle n'a pas su le faire reconnaître financièrement, ni politiquement par ses partenaires.

Le temps d'un week-end syrien, Emmanuel Macron a endossé le costume de Captain Europa. Il faut qu'il le garde encore, cette fois sur le front de l'Union elle-même ce mardi devant le Parlement européen. Il doit prendre le leadership de la Défense et du futur de ce « Laboratoire inédit d'association des êtres » comme la définit si justement le romancier Aurélien Bellanger, car l'Union européenne, même ô combien imparfaite, est un exploit à défendre. Nous l'oublions facilement, mais au-delà de ce marché commun très ouvert aux autres, nous vivons dans un espace libre de mouvement et sans frontière, et surtout, sans affrontement militaire depuis sa création. Submergés par les crises et la mondialisation, nous ne mesurons plus ce que cela a d'incroyable. L'Union a renouvelé le Vieux Monde au sortir de deux conflits destructeurs. Le succès inédit de cette expérience toujours en vie, se mesure par le nombre de candidats pays ou individus qui frappent encore à sa porte. Ce sont les autres, Américains, Africains, Sud-Américains, Chinois, Russes... qui définissent le mieux l'Union. Un adversaire à éliminer, un marché sans équivalent, une destination de vie...

Le plus grand ennemi de l'Europe : le chacun pour soi létal

Si l'Union européenne n'est pas en danger de mort, comme le prophétise certains, elle subit plusieurs attaques durables. L'Euro demeure sous pression. L'Union subit, désordonnée, le défi des vagues migratoires.

Et l'Europe est surtout menacée par ses propres divisions et incapacités sur de grands sujets : politique étrangère, politique énergétique, défense, élargissement, fiscalité, régionalismes... transformant une partie de l'expérience communautaire en guerre économique interne. Certes, l'Europe a changé, regardons-la en face. Nous sommes 27 - avec le départ des Britanniques - dans une maison conçue pour 6 ! L'Union s'est même progressivement renationalisée à la faveur des élargissements successifs et notamment celui, à l'est, de 2004 qui consacra le retour de l'Allemagne comme puissance centrale. Le chacun pour soi létal nous guette pour ne pas dire qu'il est déjà là !

Alors, au-delà des batailles de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, de celle du rail, au-delà de l'enjeu syrien et des crises du monde multipolaire... il faut qu'Emmanuel Macron saisisse à nouveau l'opportunité du moment et prenne ses responsabilités, au sein de l'Union cette fois, et dès ce mardi devant le Parlement des Européens, qu'il endosse définitivement le costume de Captain Europa !

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Par Jean-Christophe Gallien

Professeur associé à l'Université de Paris 1-La Sorbonne
Directeur général de ZENON7 Public Affairs et Président de j c g a 
Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals

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Commentaires 15
à écrit le 18/04/2018 à 17:07
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Il est évident que pour le pas très franc Macron, brader la force de dissuasion à l'Allemagne serait son bâton de Maréchal. On a déjà liquidé Péchiney puis Aérospatioale puis Alstom, la bombe du Général ce serait le kif total non ?

à écrit le 18/04/2018 à 15:25
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Monsieur, nous ne sommes pas d'accord sur les prémisses: Vous dites que: testent sans relâche la ligne de l'horreur très mouvante et trop souvent acceptée par le camp des démocraties, Cela suppose que: -L'horreur est l'attaque aux armes chimiqu...

à écrit le 18/04/2018 à 9:37
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Alors vous depuis que le mac est président vos papiers sont devenus d'un ennui abyssal, totalement déformés par votre impressionnante subjectivité, comme si quelqu'un pouvait croire qu'il était capable de prendre des décisions alors qu'il n'est là qu...

le 18/04/2018 à 12:50
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Je suis désolé de vous décevoir ! Ce qui m’intéresse c’est moins le personnage que le moment. Face à l’Allemagne et son arrière pays de 2004 il peut et doit incarner une alternative. Je ne dis pas qu’il le fera. Et l’enjeu est stratégique pas anecdot...

le 19/04/2018 à 9:09
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J'espère donc que vous avez lu ma réponse au moins qui était plutôt carrément sympathique... :-)

à écrit le 18/04/2018 à 8:13
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Plus facile de parler à la tribune l'EU qu'aux zadistes de NDDL....

à écrit le 18/04/2018 à 8:06
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Le capitaine au commande d'un bateau en cours de naufrage.

à écrit le 18/04/2018 à 7:52
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France culture qui n est pas gauchiste ni extrême droite à émis l hypothèse que Macron ne convainquait que lui même et ses supporter , l Europe et ses dirigeants s en tenaient au statut quo . Les lendemains mirifiques des convergences salariale...

à écrit le 17/04/2018 à 21:01
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L’analyse est juste mais l’object est très/ trop grand pour le petit Emmanuel ! A moins que ...

à écrit le 17/04/2018 à 20:59
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Captain Europa ? Compliqué même pour la superstar médiatique ! Maintenant il n’a que peu de rivaux ... même Angela est a quai ... mais pas le reste de l’Allemagne !

à écrit le 17/04/2018 à 20:43
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"Le plus grand ennemi de l'Europe : le chacun pour soi létal" et l'UE y a tout intérêt! Dois je préciser que l'UE n'est qu'une administration avec des fonctionnaires et un dogme a suivre, que l'on a imposé aux populations!

le 17/04/2018 à 21:04
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C’est un petit peu plus qu’un corps de fonctionnaires ! Ils sont moins nombreux qu’a la ville de Paris moitié moins ...

le 17/04/2018 à 21:29
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Vous avez raison, ils sont moins nombreux ce qui est digne d'une dictature!

à écrit le 17/04/2018 à 20:35
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Le problème avec la publicité, c'est que le consommateur n'est plus a sa première "réclame" et le doute s'accentue avec le temps! A moins, de redescendre vers le singe!

le 18/04/2018 à 5:46
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Ce n'est plus de la pub, c'est de la propagande.

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