Emmanuel Macron doit marquer et vite

Dès sa deuxième saison, le feuilleton Macron tourne au vaudeville politique. Loin des promesses de renouvellement des pratiques, de contrôle et d'efficacité. Par Jean-Christophe Gallien, professeur associé à l'Université de Paris 1-Panthéon Sorbonne, président de j c g a.
Jean-Christophe Gallien.
Jean-Christophe Gallien. (Crédits : Reuters)

L'Olympe présidentiel est à l'épreuve du réel politique. Les fragilités d'une Macronie composite se font visibles sous la lumière crue des afters de l'été sans fin de la présidentielle. La start-up Macron, agrégation électorale devenue majorité présidentielle puis parlementaire, a du mal à passer le cap du deuxième exercice.

Autour d'un cœur de cible lassé par l'Ancien monde - celui du premier tour de la présidentielle 2017 -, le second tour lui a offert des troupes venues des droites et des gauches poussées à se rassembler autour du jeune candidat par la pression électorale du Front National et de La France Insoumise. Il y avait comme une évidence prometteuse dans cet alliage entre libéraux de droite « giscardiens » et libéraux de gauche « strauss-kahniens ».

Puis vint l'été 2018. Affaire Benalla non soldée, démissions fracassantes de la star Nicolas Hulot, puis du baron lyonnais, figure centrale de l'épopée macronienne, Gérard Collomb... le feuilleton Macron tourne, dès sa deuxième saison, au vaudeville politique. Loin des promesses de renouvellement des pratiques, de contrôle et d'efficacité.

La crise partout et tout le temps

Entre incapacité à se faire entendre - peut-être aimer -, entre défiance personnelle et opportunisme pré-électoral, ces départs fonctionnent comme un baromètre du climat politique ambiant de la Macronie. Chaque clash s'est accompagné de critiques directement ciblées sur le Président et sa capacité à être à la hauteur des enjeux. C'est comme si Emmanuel Macron avait perdu le contrôle sur son équipe et les événements et, pire encore, c'est un peu l'accusation de Gérard Collomb, qu'il n'a pas l'expérience, voire pire : le niveau.

Brutalités verbales, selfies provocateurs, retour à la rue pour des échanges directs, ... avec les zigzags de sa pratique, Emmanuel Macron trouble autant qu'il semble troublé par des événements qui instaurent une sorte de tempête permanente au sommet de l'Etat. C'est pourtant le lot d'un gouvernement aujourd'hui. La crise est partout et tout le temps.

Délatéralisée, la Macronie penche de plus en plus à droite

Si on voit apparaître les limites de la recomposition politique, se révèlent aussi celles du « en même temps ». Faute de véritable consistance doctrinale, le macronisme a peut-être vieilli plus rapidement que prévu. La seule stabilité, le Président la trouve côté droit, chez les transfuges des Républicains, bien en place, presque à la manœuvre, au point de lorgner le ministère de l'Intérieur. Délatéralisée, la Macronie penche de plus en plus à droite.

La situation propose un vrai défi. Emmanuel Macron manque d'alliés pour faire réussir ses choix politiques en France comme géopolitiques à l'étranger. Car, en Europe comme sur la scène mondiale, il se retrouve aussi isolé. L'Allemagne et la France ne vivent plus dans la même histoire européenne depuis déjà longtemps. Et pire, les deux pays n'ont plus vraiment les clés de la Maison Europe. Depuis les bords est de l'Union jusqu'au cœur de la Méditerranée, souffle un vent puissant qui bouscule la scène européenne en visant largement notre Président. Au-delà, la déferlante néo-diplomatique et économique de son « ami » Donald Trump met à mal l'ensemble des équilibres globaux et les approches libre-échangistes et concurrentielles macroniennes qui exigeaient l'adaptation de la France aux exigences et opportunités du capitalisme mondialisé.

Du rétrécissement à l'isolement

Plus grave, ce rétrécissement, presque un isolement, l'éloigne aussi de pans entiers de la société française. Voilà le vrai danger, celui d'une opinion publique qui lâche le Président. Le charme initial est rompu. L'incompréhension s'ajoute à l'impatience. Demain la défiance ?

Sondage après sondage, son action est jugée injuste et inefficace. Le doute grandit. Trop d'annonces, de signatures, de votes, de voyages, de cérémonies... pour trop peu de résultats. Nous voulions espérer. Nous voulions même croire. Maintenant, nous voulons voir, toucher, trouver du sonnant, du trébuchant. En quoi ma vie a-t-elle changé en mieux ? Emmanuel Macron doit faire la démonstration concrète que la politique sert à quelque chose. Pas à faire payer plus de CSG, pas à payer plus cher son plein de carburant, pas à m'obliger à freiner sur les départementales, pas à faire une avance à l'Etat sur mes impôts... Emmanuel Macron a été élu sur une promesse de rupture, de modernisation du pays... sur une vague populaire le dépassant aussi, une défiance généralisée envers la classe politique. Il n'a pas été élu pour faire de la vieille technocratie. Sa seule chance, la faiblesse collective des oppositions. Mais, là aussi, la météo évolue, les zombies du dégagisme ont repris vie, l'enchaînement des élections européennes, municipales... va définitivement les ressusciter. Il lui faut scorer, marquer un vrai but politique, et surtout économique, d'ici les européennes. Pour l'instant, il ne cadre pas quand il frappe. Même sur les terrains politiques, n'est pas Messi qui veut !

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Par Jean-Christophe Gallien
Politologue et communicant
Président de j c g a
Enseignant à l'Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals

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Commentaires 20
à écrit le 08/10/2018 à 9:14
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Ah mais ça pour marquer il marque hein, à tel point que la 5ème république ne devrait pas pouvoir s'en relever.

à écrit le 06/10/2018 à 16:37
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M.Macron a été élu avec les voix de ceux qui pensait qu'il aurait le courage de s'attaquer au cancer qui nous ronge, la dépense publique. non pas qu'elle soit un mal absolu, mais force est de constater que si elle était efficace, la France serait à l...

à écrit le 06/10/2018 à 9:43
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C'est ça d'offrir la présidence à un banquier énarque à la solde de Berlin. Bizarre, aucun écho de l'interview de Richard Ferrand (europe 2 je crois ? donc média officiel) sur une fusion des parlements français-allemand à moyen terme. Ceux qui on...

à écrit le 06/10/2018 à 8:08
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"il n'a pas le niveau " résume en peu de mot le portrait de Macron : bonne observation de Collomb . Immaturité , nombrilisme , autisme et dédain du citoyen lambda n'ont jamais engendré un président efficace !

à écrit le 06/10/2018 à 4:44
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Il semblerait que l'emballage, soit une belle arnaque. He, oui, micron en est une. Vous etiez pourtant prevenu, bien avant son election. Encore 4 ans.

à écrit le 05/10/2018 à 21:20
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Ah la bagnole... Macron n'aurait pas dû toucher aux 90 kmh chers à l'auteur de cette tribune, du coup très marquée à droite.

le 06/10/2018 à 9:19
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excellent très instructif votre post, et surtout coolllll

le 06/10/2018 à 16:38
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Non pas marquée à droite, juste au cœur de l’enjeu. Ces mesures ne répondent en rien aux besoins du réel.

à écrit le 05/10/2018 à 19:47
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" la Macronie penche de plus en plus à droite" Depuis le départ d'ailleurs vu la composition de son électorat de CSP+ ,une aile droite du PS, des LR, des centristes de droite aisés fallait pas s'attendre à autre chose.que sa politique de droite.Il...

à écrit le 05/10/2018 à 19:22
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L'auteur fait du politicien, c'est un LR ,et la stratégie de LR est de décrédibiliser le President, car il n'y a aucun programme alternatif viable chez LR !! C'est donc bien connu en sc.po. quand un parti n'a plus de combustible, il joue la carte des...

le 06/10/2018 à 16:42
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Bellâtre .., trop cool Maduf. Nonpas LR ni a droite juste dans la recherche d’une critique positive mais lucide.

à écrit le 05/10/2018 à 18:28
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Vous parlez comme si la France était encore souveraine de ses décisions, l'UE de Bruxelles et ses lobbies ont su manœuvrer pour nous faire élire un jeunot inexpérimenté qui n'a d'autre programme que celui que l'on lui a pondue (GOPE)! Entourer d'oppo...

à écrit le 05/10/2018 à 18:17
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Macron s'était présenté comme un champion de la déréglementation avec les cars Macron qui permettent aux plus pauvres de voyager et de joindre les réseaux de car internationaux. Erreur, la réglementation explose avec des bonus malus destinés à pilote...

à écrit le 05/10/2018 à 18:01
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Le tournant de ce mandat demeurera la décision d'abandon du projet d'aéroport de Notre Dame des Landes même si soi disant une majorité de français y était favorable, c'est le début du renoncement, d'une présidence trouillarde et d'un pilotage à vue t...

à écrit le 05/10/2018 à 17:10
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Je précise que le financement par l'énergie favorise le climat, permet de créer des emplois, de rétablir l'équilibre des caisses de retraite et permet de régler le problème d'AIRFRANCE et de la SNCF. Qui peut me dire où est mon erreur?

le 06/10/2018 à 16:48
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MOI, car il ne s'agit pas de financer, mais de dé-financer. Le secteur public dépense trop, mal, ne rend pas la France compétitive, laisse nos citoyens dans des positions d'assistés, et de demandeurs perpétuels irresponsables. La SNCF a été sur-finan...

le 07/10/2018 à 8:02
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Réponse à BH. Les pays qui ont moins de 5% de chomeurs (Allemagne, Suède) ont un prix de l'énergie plus élevé que chez nous comparé au cout du travalil. Il faut appliquer la note n°6 du CAE. Lisez les explications de JM Jancovici pour mieux comprendr...

à écrit le 05/10/2018 à 17:02
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Le problème urgent est celui des retraites. Après AIRFRANCE, la SNCF, viendra le cas d'EDF. Ce problème serait réglé par une taxe sur l'énergie. Qui le comprendra? Si Macron ne le comprend pas, il devra quitter l'Elysée avant la fin de son mandat. No...

le 05/10/2018 à 17:39
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@Gépé: On pourrait virer notre Président-bien-détesté-que le-Diable-emporte? Je cherche le truc - pétition nationale, procédure de haute trahison - qui nous permettrait de nous en débarrasser? Je voudrais éviter le bûcher, la pendaison, et tant de m...

le 05/10/2018 à 17:56
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@Henry Aujourd' hui un président a pu vendre le coeur du nucléaire français aux américains sans être inquiété depuis que Sarkozy a fait retirer le crime de haute trahison de la constitution. Vous conviendrez que vous devrez at...

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