Après la fièvre de 2021, c'est le calme plat sur les introductions de sociétés en Bourse (IPO). Si Vinpai, une société spécialisée dans l'alimentation naturelle est l'une des cinq entreprises à être parvenues à se faire coter sur le marché parisien cette année, elle ne prévoit qu'une timide levée de 5,5 millions d'euros, tout comme ses récents prédécesseurs qui ont tous levé entre 5 et 20 millions d'euros en Bourse en 2023. Des montants très loin de ceux des IPO records de OVH (400 millions) en 2021 ou de la Française des jeux (1,8 milliard) en 2019.
De manière générale, la baisse des montants levés observée en 2022 s'est accentuée au premier semestre 2023. Ainsi, les introductions à la Bourse de Paris ont représenté 3,9 milliards d'euros en 2021, 460 millions en 2022 et seulement 33 millions au premier semestre 2023, répartis sur trois levées (Osmosun et Vinpai n'ayant pas encore enregistré leurs levées). Un constat accablant qui ne se cantonne pas qu'à la France puisque le montant des IPO au niveau mondial a diminué de 61% sur un an au premier trimestre 2023 selon un baromètre EY.
Les investisseurs sont aux abonnés absents et « nous ne nous attendons pas à voir les montants augmenter significativement pour le restant de l'année », affirme Thomas Feuerstein, coresponsable des Marchés de Capitaux Actions France, Belgique et Luxembourg chez Société Générale
Des investisseurs frileux face au risque
L'inflation, les incertitudes macroéconomiques, les politiques monétaires restrictives et, potentiellement, une attitude plus prudente des banques en matière de crédit, ne plaident pas, aux yeux des investisseurs, en faveur d'une prise de risque sur des sociétés de taille moyenne, jugées plus exposées au cycle économique.
« Nous constatons une baisse de collecte pour les fonds actions qui se montrent beaucoup plus sélectifs sur les valeurs moyennes », résume Vincent Le Sann, directeur général adjoint chez Portzamparc, filiale de BNP Paribas Banque Privée. Ce manque d'appétit pour de nouvelles valeurs sur la cote pourrait même perdurer au second semestre « si une récession venait à apparaître en Europe ou aux Etats-Unis suite au durcissement de la politique monétaire », prévient Alexandre Baradez, responsable de l'analyse des marchés chez IG France.
Pour autant, Luis Vaz Pinto, responsable Mondial des Marchés de Capitaux Actions chez Société Générale assure que « les investisseurs sont toujours présents en Bourse». Ainsi, les augmentations de capital ont, pour leur part, augmenté de 40% au premier semestre 2023 dans la zone Europe-Moyen-Orient-Afrique à 10,8 milliards d'euros, selon Dealogic.
« La véritable cause du coup de froid sur les IPO vient en réalité de la difficulté à valoriser une société non cotée en période de hausse des taux », avance le banquier.
Un retour en grâce attendu en..2024
La valorisation d'une société non cotée repose, entre autres, sur l'actualisation des flux futurs, qui aboutit mécaniquement à une baisse de valorisation en période de hausse des taux.
En 2022 et 2023, certaines entreprises ont vu leur valorisation dégringoler juste après leur introduction en Bourse, surtout lorsqu'elles sont en plus endettées. Ce fut par exemple le cas pour le fabricant d'enceintes acoustiques Cabasse qui a vu son cours de bourse dévisser de 30% en quelques jours après son introduction en Bourse en décembre dernier.
Alexandre Baradez estime qu'il faudra attendre début 2024, dans la foulée d'une baisse attendue des taux d'intérêt,« pour voir une vraie dynamique de reprise des marchés et des introductions en Bourse ».
Deux thématiques pourraient alors sortir du lot. La technologie tout d'abord « grâce aux initiatives publiques pour dynamiser le secteur en France avec des financements d'investisseurs institutionnels comme Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations », estime Thomas Feuerstein. Et ensuite, la transition énergétique et la mobilité verte, des secteurs porteurs sur lesquels « nous avons des leaders en France et en Europe», conclut-il.
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